L’ordre social temporel chrétien - 2ème partie

Père Thomas M. Landry, o.p. le mercredi, 15 novembre 1939. Dans L'ordre social temporel chrétien

II - La naturelle sociabilité de l'homme

Nous avons déjà dit que la société tempo­relle se compose :

  1. de personnes,
  2. de per­sonnes humaines,
  3. de personnes humaines dé­chues par suite d’un péché de nature qu’on nomme le péché originel et par suite d’autres péchés, qui sont personnels, mais rachetées par le Christ et sauvées par sa grâce.

Or ces personnes humaines déchues et sau­vées ont un besoin "naturel" d’une société spi­rituelle et de sociétés temporelles pour vivre et s’épanouir intégralement.

Pourquoi ces personnes doivent-elles vivre en société ? D’où vient et à quoi conduit ce que Léon XIII appelle "la naturelle sociabilité" de l’homme ?...

1. La vie en société répond d’abord à un be­soin de la personne elle-même. Cet univers spi­rituel est si parfait qu’il a une propension natu­relle au don, à la communion, à la communica­tion des richesses qu’il possède.

  1. La vie personnelle de Dieu est si intense qu’elle ne peut pas ne pas être la vie "so­ciale" de trois personnes.
  2. L’ange, tel qu’on le conçoit en théologie chrétienne depuis saint Thomas, sous l’influence de Denys, fait partie d’une "hiérarchie" céleste au sein de laquelle les personnes angéliques se groupent na­turellement en chœur pour "s’illuminer" et se "parler".
  3. La personne humaine, enfin, comme les autres personnes, "tend à surabonder dans les communications sociales, selon la loi de surabondance qui est inscrite au plus profond de l’être, de la vie, de l’in­telligence et de l’amour." (Jacques Ma­ritain).

2. La vie en société est encore nécessaire à la personne humaine en particulier, parce que ce microcosme qu’on appelle "l’homme" est en même temps un univers d’indigence et de pau­vreté. Il ne peut être comblé que par l’assistance et l’appui spirituels et matériels d’autres personnes humaines.

  1. Les besoins physiques de l’homme ren­dent l’aide de ses semblables absolu­ment nécessaire. Il ne peut être conçu, il ne peut naître, il ne peut vivre que par l’action et le concours d’autres person­nes.
  2. Les indigences de son esprit le mettent dans la nécessité de recevoir les inap­préciables bienfaits de l’enseignement et de l’éducation. Il ne peut faire œuvre de raison, de vertu ou de sainteté sans y avoir été préparé et "formé" par d’au­tres personnes.

Prise sous l’aspect de ses indigences, "la personne humaine demande à s’inté­grer à un corps de communications so­ciales, sans lequel il est impossible qu’el­le parvienne à sa pleine vie et à son ac­complissement." (Jacques Maritain).

3. La vie en société apparaît dès lors pour l’homme, comme le prolongement et l’épanouis­sement normal de la vie personnelle. Le passa­ge de l’une à l’autre se fait :

  1. Naturellement. La grandeur et la misè­re de l’homme le poussent instinctive­ment vers d’autres êtres, vers ses sem­blables pour recevoir d’eux ce dont il a besoin et pour leur donner ce qu’il pos­sède.
  2. Raisonnablement, sous la direction et l’impulsion d’une raison qui fait, d’une vie person­nel­le, une vie consciemment so­ciale.
  3. Surnaturellement, pour la personne hu­maine chrétienne qui doit entrer "par la grâce et en une adhésion surnaturelle, dans le corps mystique du Christ, en so­ciété avec la Très Sainte Trinité." (Léon XIII).

4. La personne humaine, ainsi engagée dans une vie sociétaire, doit accepter en conséquence toutes les différentes sociétés qui sont nécessai­res à son épanouissement intégral. Lesquel­les ?...

  1. Pour le temporel :
    1. La famille
    2. La société civile ou politique,
    3. La com­munauté des sociétés civiles organisées en États ou groupées dans un ordre in­ternational.
  2. Pour le spirituel : L’Église.

Père Thomas-M Landry o.p.

Père Thomas M. Landry, o.p.

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