Nouvelle apparition de monsieur Angers

le mercredi, 01 février 1939. Dans Février

Monsieur Angers a rechargé sa cartouchière ; il nous revient dans l'Action Nationale de janvier 1939. Cette fois, en bon garçon, il a délaissé le crédit-socialiste pour reconnaître le créditiste. C'est une concession. Il s'en dédommage en écrivant que les créditistes procèdent évidemment des philosophes à la Jean-Jacques, des libéraux, des communistes et des Américains. Nous ne savons quel sens donner aux mots libéraux et Américains ; mais quant aux deux autres, les Jean-Jacques et les communistes, on connaît le classement : nous voilà bien piteusement casés, et le Père Lévesque aussi, et les nombreux curés et vicaires que je pourrais nommer à Monsieur Angers, et des hommes de plus en plus nombreux dans toutes les classes de la société ; parce que pendant que Monsieur Angers discute A plus B, le Crédit Social fait des milliers d'adhérents, les "esprits fléchissent" pendant que le sien joue au Don Quichotte.

Monsieur Angers en est encore à demander de prouver qu'on manque d'argent. Qu'est-ce qui manque à part de ça, Monsieur Angers, pour terminer l'Université de Montréal qui doit bien vous intéresser un peu ? Monsieur Angers en est encore à vouloir asseoir la monnaie sur l'or, afin que celui qui détient l'or puisse l'utiliser comme métal quand la monnaie perd sa valeur. Qui donc détient de l'or aujourd'hui ? Changeriez-vous un dollar en papier contre 25 sous en or ?

Monsieurs Angers, à la façon du maître de Sancho, se forge un ennemi et fonce dessus à magnifique allure. Le voilà qui nous fait dire qu'il faut dans le pays autant de monnaie qu'il se fait de production dans une année ; puis il pose la question : pourquoi une année ? Il s'attaque à l'inflation allemande, comme si le Crédit Social avait été mis à l'essai en Allemagne en 1923. Il parle de dictature comme si le Crédit Social faisait naître l'argent entre les mains de l'État. Il parle d'une foule d'employés d'État nécessités par un régime créditiste, comme si ce n'est pas le contraire qu'on peut attendre d'un régime où, les produits agricoles et industriels se vendant, la multitude et la variété des emplois arrêtera la course au fonctionnariat et aux emplois gouvernementaux qui caractérise notre époque de monnaie rare et de production paralysée. Il croit au péché originel, nous aussi. Mais nous n'allons pas jusqu'à croire qu'un homme va s'allonger toute la journée, content de $20 par mois, et renoncer à un salaire de cent ou cent cinquante dollars par mois. Lui-même ne ferait pas cela, sans doute, mais c'est des autres qu'il parle. Et quand on dit à Monsieur Angers que les différences sociales doivent partir, non de zéro, mais de la satisfaction des besoins essentiels, assez généralement évaluée à $20 de biens par mois, il nous fait dire que ça va commencer, non à $20 par mois, mais à 3600 dollars par an. Pour lui, quinze personnes dans une famille, ça ne coûte pas plus cher à entretenir qu'un célibataire ; probablement qu'il les chausse tous ensemble dans la même paire de bottines, ou que le repas de toute la maisonnée se compose d'une tranche de pain et d'une couple d'œufs frits servis dans la même assiette.

Vraiment, nous sommes trop matérialistes pour suivre Monsieur Angers dans son dédale. Retenons qu'il croit la monnaie rare nécessaire pour garder le monde dans la vertu. À ce compte, le banquier est le plus grand auxiliaire de l'Église ; les tables du Décalogue auraient pu rester en miettes et le veau d'or être proclamé ce qu'il est de fait assez exactement, le grand régulateur de la vie des hommes.

Revenez-nous, Monsieur Angers, si ça vous fait plaisir ; mais vraiment nous ne promettons pas de nous amuser longuement avec vous, d'autre chose plus utile réclame nos activités.

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.