Voyez-vous cette tête de politicien ? Il parle par-dessus les misères et les souffrances d’enfants, de femmes, d’hommes que la faim tenaille, qui n’ont que des loques pour s’habiller, des taudis pour se loger, des soucis pour se distraire.
Le bruit des canons, le vrombissement des avions de guerre lui fournissent une agréable échappatoire pour essayer de faire oublier ses lâchetés de dix années, son mépris souverain du capital humain dont il était supposé le gardien.
Un seul problème, crie-t-il de toute là force de sa poitrine sans cœur, un seul problème, LA GUERRE ! L’unité nationale pour bien conduire la guerre, un gouvernement national pour mener rondement la guerre !
Qu’est-ce qu’il y a de national dans la rouille des forces physiques d’un million de Canadiens condamnés au chômage permanent ? Qu’est-ce qu’il y a de national dans l’hécatombe morale qui fait frémir toutes les âmes bien nées — enthousiasmes morts, désespoirs de toute une jeunesse, déchirements de milliers de foyers, tortures de parents incapables de mettre un peu de soleil dans la vie de leurs enfants ?
National, cela ? Est-ce avec des cadavres qu’on bâtit une nation ? L’âme et le corps ne tiennent plus ensemble et vous en voulez, de l’unité nationale !
Unité nationale, gouvernement national ! Vous ne nous avez donné que des simulacres de gouvernement. Est-ce avec les débris humains qui jonchent le grand Canada immolé par vos carences, est-ce avec ces débris-là que vous parlez de défendre la civilisation ? Vous avez fait un gâchis de la civilisation dans votre propre pays et vos boîtes sonores ne réparent rien. C’est la tête basse et la face voilée que vous devriez défiler devant vos victimes...
Les hommes, les femmes, les enfants du Canada s’agrippent à un problème de tous les jours — et ce n’est pas le problème de la guerre en Europe. L’indigence qui crucifie leur chair, tire leurs larmes, arrache leur cœur, est une indigence de tous les jours, de 365 jours par année. S’en est-on rendu compte au sein du Parlement souverain d’Ottawa ?
En nous signalant une tyrannie au-delà du Rhin, sur un autre continent, croit-on faire oublier la tyrannie qui écrase nos villes et nos campagnes, tyrannie à laquelle nos législateurs, investis de fonctions sacrées, prêtent le concours de leurs prévarications ?
Le problème pressant pour les Canadiens et les Canadiennes, c’est d’avoir le droit de manger, le droit de s’habiller, le droit de se loger, de se chauffer, de se soigner, de s’instruire et de se reposer, dans un pays où rien ne manque pour satisfaire tons ces besoins.
Le problème de l’heure, c’est celui qu’on a ignoré, tant sous le régime libéral que sous le régime conservateur, c’est le problème de LA GRANDE MISÈRE EN FACE DE L’ABONDANCE. C’est ce problème-là qui touche de près l’électeur et l’électrice de 1940.