Extraits de "Chrétien Magazines ;" 15 décembre 2000, 9, rue du Docteur-Potain, 75019 Paris, France. Les titres sont de Vers Demain.
par Francois Vayne (extraits)
Plusieurs compagnons du saint Martyr d'Auschwitz vivent encore à Niepokalanow, « la Cité de l'Immaculée », qu'il avait fondée en Pologne en 1917. Leur témoignage actualise le message du Père Maximilien Kolbe : conquérir le monde entier à l'Immaculée.
Tout près de Varsovie, en Pologne, Niepokalanow a accueilli plus de 700 religieux du vivant de son fondateur, le Père Maximilien Kolbe. Ce Franciscain conventuel voulait « sanctifier le monde entier par l'Immaculée ». Arrêté une première fois par les Allemands en 1939, il sympathisa avec le commandant du camp, Hans Mulzer, allant jusqu'à lui glisser dans la main une médaille de la Vierge Marie... Bien plus tard, un fils de l'officier viendra à Niepokalanow, en témoin fidèle de cette relation spirituelle tissée dans de terribles circonstances.
La seconde arrestation du Père Maximilien Kolbe, par la Gestapo, en février 1941, le conduira (au camp de concentration et au Bunker de la faim) à Auschwitz où il donnera sa vie pour sauver celle d'un père de famille, François Gajowniczek. Cet homme sera d'ailleurs présent à la canonisation du « martyr de la charité », quarante ans plus tard, et son corps repose aujourd'hui dans le cimetière de Niepokalanow, parmi les frères qui se sont déplacés de la terre au ciel...
Lorsque le 16 octobre 1917 — en pleine révolution bolchevique et dans la lumière des apparitions de Fatima — le jeune Maximilien Kolbe fonda à Rome, la Militia Immaculatae, la « Milice de l'Immaculée », il avait déjà la ferme intention de devenir un saint, un très grand saint. « Nous devons nous efforcer d'aimer le Seigneur Jésus comme l'aimait l'Immaculée. Elle est le sommet de l'amour et nous devons tendre vers ce sommet », écrira-t-il par exemple. « Nous devons conquérir le monde entier à cet amour... Jusqu'à ce que l'Immaculée aime le Seigneur Jésus dans chaque âme. Voilà le programme de notre travail, voilà notre idéal. »
Paul VI le béatifia en 1971, et Jean-Paul II en fit un saint canonisé le 10 octobre 1982, le désignant à l'humanité en modèle de la sainteté pour tous par le moyen de la consécration totale de soi-même à l'Immaculée. L'Esprit-Saint, par la grâce « forme les âmes dans l'Immaculée et à travers l'Immaculée, à la ressemblance du premier-né, de l'Homme-Dieu ». Toute sa vie le Père Kolbe cherchera à mettre en pratique cette intuition profonde, notamment au contact des religieux qui travaillaient avec lui à l'édition du « Chevalier de l'Immaculée », journal d'évangélisation dont le tirage atteindra 750,000 exemplaires en 1939.
« Le Père Kolbe reste spirituellement avec nous. Il nous semble l'entendre répéter : "Confiez-vous à l'Immaculée, laissez-vous conduire par elle", dit le Frère Constantin.... « Le Père Kolbe priait souvent, des prières courtes, devant le Saint Sacrement, pour confier les intentions de nos lecteurs et de nos donateurs. L'intensité de son recueillement nous impressionnait. C'est graduellement que nous avons pris conscience de la dimension de l'homme : c'était un mystique de l'Immaculée. Il puisait son énergie en elle, et sa santé fragile — il n'avait qu'un poumon – ne diminuait en rien sa force de travail... »
« Nous vivions... dans des baraques de planches, joyeux et pauvres comme les premiers disciples de saint François. »... La plupart de ces vieux frères, âgés de 90 ans en moyenne, ont eu la vocation religieuse en lisant chez eux le Chevalier, auxquels leurs parents étaient abonnés....
Lorsque les jeunes frères, en arrivant à Niepokalanow, découvraient la personnalité du Père Kolbe, ils étaient d'emblée touchés par son humilité. Très ouvert aux attentes des jeunes, il avait créé un orchestre dans la communauté. « Homme parmi les hommes, il était gai, aimait raconter des blagues, faire rire les malades à l'infirmerie », raconte le frère Félissime Sztyk...
« Il émanait de sa personne une grande bonté ; en tout homme, quel qu'il soit, il voyait un frère en Dieu. Il savait aussi être à la fois père et mère pour nous, disponible à n'importe quelle heure du jour ou de la nuit. »...
Le Père Kolbe allait chaque jour à l'imprimerie de Niepokalanow, indiquant les corrections qu'il jugeait nécessaires avant le bouclage du Chevalier. « Un jour, il m'a demandé de rectifier une image de la sainte Vierge qui ressemblait trop selon lui à une grande dame parisienne », se remémore le Frère Félissime.
Il considérait l'infirmerie comme l'un des « ateliers » essentiels du couvent, en raison du rôle central de la prière dans son œuvre apostolique, « Vous qui souffrez, vous êtes une équipe de travail, une des plus importantes », disait le Père Kolbe.
« Le comportement du Père Kolbe parlait plus que les discours qu'il aurait pu faire. Il récitait son chapelet avec nous, mais pas comme nous. Nous sentions qu'il avait avec l'Immaculée une relation privilégiée qui transparaissait dans le travail de la journée. Il ne se mettait jamais en colère contre l'un de nous. Sa priorité était toujours l'annonce de l'Évangile dans les médias, et il voulait que rien ne freine cet élan missionnaire », « La presse, la presse, la presse, pour transmettre à tous la bonne nouvelle du Christ », disait le Père Kolbe.
Au Japon, malgré ses problèmes de santé, il préférait marcher à pied pour économiser plutôt que de prendre le tramway, « Le billet de tram correspondait au prix d'un numéro du Chevalier », explique le Frère Grégoire. « Il était courageux, audacieux, simple, avec lui on respirait en permanence l'air pur des sommets ! »
Lorsque la Gestapo est venu arrêter le Père Kolbe, le 17 février 1941, beaucoup de religieux avaient déjà quitté le couvent à sa demande. Quelques-uns seulement sont restés, parce qu'ils n'avaient pas de lieu où aller. « Nous ne voulions pas partir, nous savions qu'il allait se passer quelque chose de grave. Il nous avait dit qu'il ne survivrait pas à la guerre et nous aurions voulu mourir avec lui », avoue le Frère Constantin sans pouvoir retenir ses larmes.
Le Frère Félissime servit la dernière messe du Père Kolbe à Niepokalanow : « Il célébrait l'Eucharistie comme tout prêtre, ni trop vite ni trop lentement. » Le jeune religieux assista ce jour-là, par la fenêtre, à la dernière arrestation. « On nous prend notre père ! » s'est-il écrié bouleversé. « Nous avons appris sa mort par un témoin oculaire qui a transmis un message écrit. » D'autres frères aussi sont morts là-bas, comme le Père Pius Bartosik et le Père Antoni Bajewski, fidèles à l'Immaculée jusqu'au bout.
« Il est difficile de ne pas faire de rapprochements entre la dernière apparition de Fatima, en octobre 1917, la révolution en Russie à la même époque, la fondation de la Milice de l'Immaculée le 16 octobre 1917 et l'élection pontificale de Jean-Paul II le 16 octobre 1978, premier Pape slave de l'Histoire et "fils spirituel" de saint Maximilien », conclut le frère Constantin dans un français parfait.
Avec les autres compagnons de saint Maximilien, il était sûr que la Cité de l'Immaculée ressusciterait et se développerait. Il garde tous ces événements dans son cœur et médite au long des jours, priant l'Immaculée pour que le Père Kolbe soit proclamé Docteur de l'Église. « Nous avons vécu avec le saint patron de notre siècle difficile. Il protégera du haut du Ciel tous les enfants du siècle à venir. »
François VAYNE