À ceux qui demandent au gouvernement de reprendre le contrôle de l'argent et du crédit, Beaudry Leman répond : C'est déjà fait ; le gouvernement est propriétaire absolu de la Banque du Canada.
Pourtant, le ministre des Finances, l'Hon. Ilsley, disait cette année même en pleine Chambre des Communes : "Je n'ai aucun droit, et le gouvernement n'a aucun droit, de dicter une ligne de conduite à la Banque du Canada."
Entendez le propriétaire d'un cheval dire : "Cette bête m'appartient, mais je n'ai aucun droit de lui dicter une ligne de conduite."
Et s'il plaît au cheval de s'installer dans la voiture et de se faire tirer par son propriétaire ?
L'attelage paraît anormal ; il est pourtant en toute conformité avec les concepts dits orthodoxes. Aussi les choses à l'envers sont devenues faits courants.
Qui niera, par exemple, que l'argent, dépourvu d'esprit, commande en maître et que l'homme, composé d'un corps bien organisé et d'une âme raisonnable et immortelle, doit servir l'argent ?
Si les produits de toutes sortes sont accumulés devant les hommes, les hommes crèvent de faim et de privations. Mais si l'on s'acharne à détruire scientifiquement et gigantesquement, l'homme a de quoi manger, s'habiller, se loger.
Et l'on vous en prêche des anomalies !
Pour vous enrichir, dit-on, sortez des choses de votre pays, mais gardez-vous d'en laisser entrer. Si vous cédez deux paires de chaussures et que vous n'en recevez qu'une seule, vous pouvez vous chausser ; mais si vous ne cédez qu'une paire de chaussures et que vous avez la maladresse d'en accepter deux, vous irez nu-pieds.
Ne nous dit-on pas encore : Si les Canadiens veulent se nourrir et se loger convenablement, qu'ils commencent par inviter, nourrir, loger et promener les touristes. Si les étrangers ne viennent pas se servir les premiers, les enfants de la maison n'auront rien, parce qu'il y a trop de choses dans la maison.
Positions absurdes rendues nécessaires par un système absurde. Prêchez le contraire, vous êtes un ignorant. Réclamez l'argent au service de l'homme, vous êtes un utopiste. Proposez d'asseoir l'homme dans la voiture et de placer le cheval dans les brancarts, vous êtes un aventurier. Appelez votre voisin pour vous aider à descendre cette bête, vous êtes un révolutionnaire.
Il est tout de même quelques âmes droites qui sont outrées du désordre et qui se demandent pourquoi, par exemple, on a plus de chance d'occuper une bonne place dans la société en élevant des animaux qu'en élevant des enfants ; pourquoi, pour réussir, il faut être violent et faire taire les scrupules de conscience.