Les sages parlent

Louis Even le jeudi, 15 janvier 1942. Dans Éditorial

Pour être, bon, l'argent doit être basé sur l'or. Si l'or ne sort pas de la terre, quand bien même toutes sortes de bonnes choses en sortent en quantité et en qualité, vous devez laisser la nourriture moisir, tout tomber en ruines et les humains aller au diable. Les novateurs qui prétendent qu'on peut manger, s'habiller, se loger, sans avoir d'or dans les caves du gouvernement, sont d'odieux charlatans. Ne les écoutez pas.

Travaillez, mais privez-vous. Produisez le plus possible, mais achetez le moins possible. Mettez vos salaires en conserves. L'ac­cumulation des produits ralentira la production. Vous chômerez, vos voisins chômeront. Vous serez content de retrouver votre sa­laire mis en conserve, pour traverser la crise de chômage et payer des secours directs à vos voisins.

Lorsque le chômage couvre le pays, lorsque les années se suc­cèdent sans solution à la crise, priez la Providence de faire pous­ser un dictateur turbulent, avec ou sans moustaches, la prospéri­té reviendra avec le régime des bombes. Les torpilles régleront le problème de la surproduction ; l'enrôlement militaire et la fabrica­tion de tanks et d'obus régleront le problème du chômage.

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Si le Ciel vous donne une surabondance de récoltes, payez les fermiers pour qu'ils cessent de produire ; puis dites aux con­tribuables de se serrer la ceinture, parce qu'il y a trop de blé et qu'il faut débourser pour en avoir moins.

Votre pays déborde-t-il de richesses, consultez des économistes pour vous tirer d'embarras. S'ils sont bien élevés, ils vous diront:

Otez l'argent des maisons, par des taxes, 1° pour un Office de Tourisme qui va inviter les étrangers à venir prendre la premiè­re part, 2° pour des octrois aux exportateurs afin qu'ils puissent expédier ces produits à l'étranger à un prix réduit.

De cette façon, vous maintiendrez un niveau élevé des prix pour les consommateurs domestiques. Si les Canadiennes se plai­gnent, faites-leur un sermon, puis que le diable les emporte !

Ayez de bonnes écoles. Formez des techniciens qui vont in­venter des machines et faire augmenter les produits en diminuant le travail des hommes. Puis, décrétez que les hommes qui ne tra­vaillent plus à cause des machines ne doivent pas manger.

En temps de guerre, liguez-vous avec vos voisins pour détrui­re le plus possible. En temps de paix, luttez contre vos voisins pour avoir le privilège de reconstruire ce qui a été détruit.

Si vous voulez demeurer sages et continuer de marcher sur la tête et sur les mains, lisez L'Écho du Saint-Maurice, La Tribune et d'autres feuilles de cette venue ; méditez les discours des ban­quiers reproduits pieusement dans les grands journaux de Qué­bec et de Montréal. Mais fermez l'oreille aux propos insensés des créditistes, bannissez impitoyablement leur littérature révolu­tionnaire ; sinon, vous marcherez bientôt sur les pieds, comme ce fou qui lit régulièrement le journal VERS DEMAIN.

Louis Even

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