1609 — Un bâtisseur de pays jette sur ce continent les bases d'une colonie qu'il baptise Nouvelle-France.
Apôtre et patriote, il consacra le meilleur de lui-même à faire grandir son œuvre et à lui assurer un avenir glorieux. Ses collaborateurs sont choisis au sein des meilleures provinces de la mère-patrie. Viennent aussi des missionnaires, des éducateurs, des saints, des martyrs. Hommes de vision, bras vigoureux, cœurs de héros, âmes sublimes, rien n'a manqué pour garantir le succès de l'entreprise du fondateur.
Trois siècles d'histoire ont passé depuis. Si Champlain revenait ? S'ils revenaient, les ancêtres qui se sont succédé, à travers les luttes, à travers les épreuves, étendant, sans cesse et faisant toujours plus riche et plus beau le royaume consacré dès son berceau au Christ Jésus et à Notre-Darne la Vierge Marie ? S'ils revenaient saluer leurs nombreux enfants et le magnifique héritage qu'ils leur ont laissé ?
S'ils revenaient...
Fils des conquérants de la grande forêt, descendant des défricheurs du sol laurentien, oui, cet homme aux muscles solides et au visage énergique, mais pauvrement vêtu, que les soucis usent encore plus que les fatigues, pendant qu'il suit lentement ses chevaux, les bras sur le manchon d'un instrument souvenir d'un autre âge.
Honoré d'un loin d'ancêtre aussi, celui-là qui, le dos voûté, la mine piteuse, le signe de son esclavage sous le bras, s'en va porter son travail à d'autres. À d'autres ? Fils des anciens, n'as-tu donc pas droit à ta part du grand patrimoine taillé par dix générations honnêtes et laborieuses ?
Et qui sont ces autres ? Qui sont les maîtres de cette usine, de cette puissante chute d'eau qui, grâce à la Providence qui l'alimente et à la science qui l'utilise, peut fournir en abondance lumière, chaleur et force motrice ? Qui ? Les noms de ceux qui règnent là rappellent bien plus les ennemis de la Nouvelle-France que ses fondateurs.
Mais, là-bas, ce joufflu aux yeux langoureux, à la moue hébêtée, d'où vient-il et que fait-il ? Il n'est sûrement pas de la race ? Hélas ! oui. S'il n'a pas gardé les traits des fondateurs, il en porte tout de même le nom, il en parle la langue, il sait même faire de longs discours et il est devenu très habile à gagner sa vie en vendant son pays après s'être vendu lui-même. C'est un législateur qui excelle à démolir ce qui fut édifié au prix de tant de sacrifices.
Qui est l'acheteur de ce vendu, le créancier de cet hypothéqué, l'embaucheur de ce loué, le bénéficiaire du patrimoine donné ?
Et'quelle force pourra délivrer ces esclaves, chasser les voleurs, rendre l'héritage aux héritiers ? Quelle force, sinon le Crédit Social ? Tous ensemble, à la reconquête de notre cher pays ! Vive la Nouvelle-France !