Une leçon de la guerre

le dimanche, 01 février 1942. Dans Réflexions

La guerre donne bien des leçons — non seule­ment des leçons de morale, mais aussi des leçons d'économique — à qui prend la peine de réfléchir. Et dans le domaine de la finance, elle justifie plu­sieurs des prétentions du Crédit Social.

En voici une, en passant.

Lorsque les créditistes parlent de dividendes à tous les consommateurs, qu'ils travaillent ou non, on crie à l'absurdité, à l'impossibilité, à l'inédit. Et pourtant !

Depuis longtemps les créditistes ont remarqué que l'air, la chaleur du soleil, et bien d'autres choses, sont données gratuitement à tout le mon­de, et personne ne s'en scandalise. Mais voici que la guerre aussi nous fournit tous les jours des exemples de gratuités phénoménales aux consom­mateurs, et au lieu de crier au scandale, on pousse à la roue pour accroître encore ces gratuités.

Nous voulons parler des bombes, des obus, des torpilles, et des autres cadeaux de l'espèce que chaque pays s'efforce de donner, littéralement à l'adversaire.

On lâche des tonnes d'explosifs sur le sol alle­mand, par exemple, et l'on n'envoie pas de fac­ture. Est-ce que ce n'est pas la finance directe du consommateur ? Passer gratuitement une piastre à quelqu'un pour payer une piastre de marchandise, ou bien lui fournir la piastre de marchandise sans le faire payer — est-ce que ce n'est pas, dans les deux cas, la finance directe du consommateur ?

Donc, la guerre a prouvé que la finance directe du consommateur est fort possible, puisqu'elle se pratique sur une grande échelle.

La guerre n'est pas finie. Mais on peut calculer que les milliards employés jusqu'ici par les États-Unis et le Canada à fournir à l'Angleterre le moyen de servir gratuitement, sous ce rapport, les consommateurs allemands et italiens auraient suffi à fournir gratuitement une bonne maison moderne à chaque famille des États-Unis et du Canada.

D'où une personne qui se sert de son simple gros bon sens a le droit de poser la question :

Si la technique financière permet, en temps de guerre, de produire des objets très dispendieux qu'on dépose gratuitement sur la tête ou sous les pieds de consommateurs étrangers, pourquoi cette même technique financière, en temps de paix, ne permet-elle pas aux consommateurs domestiques d'obtenir gratuitement pour leurs tables et leurs garde-robes des choses très simples que le pays peut produire en surabondance ?

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.