Un trésor marial

Louis Even le vendredi, 15 mai 1942. Dans Réflexions

En 1716, un grand saint, un saint de France, un saint de Bretagne, après une vie relative­ment courte mais pleine, quittait la terre pour entrer dans le royaume de Jésus et de sa Mère, de cette Mère-bien-aimée qu'il avait tant contri­bué à faire connaître et honorer. C'était Louis-Marie Grignon de Montfort.

Entre deux missions, et comme à la hâte, le grand apôtre de la Bretagne et de la Vendée, voulut confier au papier, pour la postérité, le trop-plein dont son cœur débordait envers Celle qu'il appelait sa Reine, sa maîtresse, sa souve­raine Princesse, et dont il exaltait sans cesse les rapports avec les trois Personnes de la Très Sain­te Trinité pour mieux faire comprendre son rôle sublime de Médiatrice de l'humanité auprès de Dieu.

Il appela son écrit "Traité de la Vraie Dévo­tion à la Sainte Vierge". La vraie dévotion ; non pas une simple dévotion de pratiques, de souve­nirs intermittents, mais une dévotion qui prend tout l'homme, qui tient tous les instants de sa vie, noie sa volonté propre en celle de Marie pour mieux atteindre jusqu'à Jésus, pour ac­complir plus parfaitement la volonté de Dieu.

C'est tout un traité de vie spirituelle. Plus on le lit, plus on le relit, plus on y découvre de ri­chesses, et celui qui s'efforce de pratiquer cette dévotion intérieure de "Tout par Marie, tout avec Marie, tout en Marie, tout pour Marie", ne tarde pas à en récolter de grands effets pour son âme.

Le saint auteur écrit pour que "Marie soit plus connue, plus aimée, plus honorée que ja­mais elle n'a été", afin que par Elle les âmes ail­lent à Jésus et soient sauvées. Il exprime lui-mê­me son dessein au cours de son ouvrage :

"J'ai dit beaucoup de choses de la très sainte Vierge ; mais j'en ai encore plus à dire, et j'en omettrai encore infiniment plus, soit par igno­rance, insuffisance, soit par défaut de temps, dans le dessein que j'ai de former un vrai dévot de Marie et un vrai disciple de Jésus-Christ.

"Oh ! que ma peine serait bien employée, si ce petit écrit, tombant entre les mains d'une âme bien née, née de Dieu et de Marie, et non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la vo­lonté de l'homme, lui découvrait et inspirait, par la grâce du Saint-Esprit, l'excellence et le prix de la vraie et solide dévotion à la très sainte Vierge, que je vais décrire présentement ! Si je savais que mon sang criminel pût servir à fai­re entrer dans le cœur les vérités que j'écris en l'honneur de ma chère Mère et souveraine Maî­tresse, dont je suis le dernier des enfants et des esclaves, au lieu d'encre, je m'en servirais pour former ces caractères, dans l'espérance que j'ai de trouver de bonnes âmes qui, par leur fidélité à la pratique que j'enseigne, dédommageront ma chère Mère et Maîtresse des pertes qu'elle a faites par mon ingratitude et mes infidélités.

"Je me sens plus que jamais animé à croire et à espérer tout ce que j'ai profondément gravé dans le cœur et que je demande à Dieu depuis des années, savoir : que tôt ou tard, la très sainte Vierge aura plus d'enfants, de serviteurs et d'es­claves d'amour que jamais, et que, par ce moyen, Jésus-Christ, mon cher Maître, régnera plus que jamais dans les cœurs."

Dans la même page, le Bienheureux de Montfort prédit ce qui va arriver de son écrit :

"Je prévois bien des bêtes frémissantes, qui viennent en furie pour déchirer avec leurs dents diaboliques ce petit écrit et celui dont le Saint-Esprit s'est servi pour l'écrire, ou du moins pour l'ensevelir dans le silence d'un coffre, afin qu'il ne paraisse point."

De fait, le Traité de la Vraie Dévotion à la Sainte Vierge ne fut point édité du vivant de son auteur. Lorsque vint la Révolution Française de 1793, les terroristes parcouraient les provinces de France pour renverser les calvaires, briser les statues, profaner les églises."Les Pères de la Compagnie de Marie et les Filles de la Sagesse, écrit un biographe du bienheureux, prévoyant les scènes de la Terreur, cachèrent leurs papiers dans des fermes de Saint-Laurent-sur-Sèvres. Un grand nombre périrent. Ceux qui survécurent à l'action du temps et de l'humidi-té furent déposés, plus tard, aux archives de la Sagesse et à la communauté du Saint-Esprit, où résidaient les Fils du Bienheureux de Montfort. Parmi les manuscrits déposés chez les mission­naires, se trouvait le Traité de la Vraie Dévotion." — (A. Laveille).

 Toutefois, ce n'est qu'en 1842, 126 ans après la mort de l'auteur, que ce manuscrit fut exhumé du "silence d'un coffre", fortuitement, par le Père Rautureau, bibliothécaire de la Compagnie de Marie, en quête de textes pour la préparation d'un sermon sur la très sainte Vierge.

Voici donc cent ans que le trésor si longtemps enfoui a été déterré et livré au monde pour "les temps périlleux qui vont arriver plus que ja­mais."

Depuis, il en a été fait 150 éditions en au moins trente langues différentes.

Ajoutons que l'auteur, Louis-Marie Grignon de Montfort, béatifié en 1888, vient d'être placé sur la liste des saints à proclamer canonisés. Le  Saint-Siège n'attend que des temps plus propi­ces pour procéder à la glorification solennelle de ce grand saint breton.

VERS DEMAIN n'est point une revue pieuse et les créditistei de la province de Québec ne sont point une confrérie de dévots. Mais, tout en frappant d'estoc et de taille, parce qu'il faut frapper, nous croyons faire œuvre chrétienne en travaillant de notre mieux et avec ardeur à l'édification d'un ordre profane plus humain et plus conforme aux exigences de la justice et de la morale chrétienne. Dans cette entreprise, nous sentons le besoin de l'appui d'en haut.

 Les créditistes de la province de Québec se sont  solennellement placés sous la protection de Marie à leur grand Congrès Provincial du 31 août dernier. Ils ne s'en sont jamais repentis depuis. Nous les invitons tous à s'en rappeler en ce mois de mai. Et si le Traité de la Vraie Dévotion sainte Vierge leur tombe sous la main, qu'ils ne manquent point d'en méditer quelques chapitres : ils en sortiront plus forts, plus détachés,     mieux préparés pour leur mission de charité.

Louis Even

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