Sherbrooke sans député

le dimanche, 15 mars 1942. Dans La politique

Sherbrooke n'a pas de député au fédéral. Il y a bien un certain M. Maurice Gingues que le comp­tage des voix nommait au poste en mars 1942. Mais est-il député de Sherbrooke ? Exprime-t-il au Parlement l'opinion des citoyens du comté de Sherbrooke ?

On est forcé d'en douter.

D'abord, quant à exprimer quelque chose, M. Gingues n'a rien exprimé pendant deux ans, puis­que c'est le 17 février 1942 qu'il a ouvert la bou­che pour la première fois.

En cette occasion solennelle, prononçant un dis­cours que La Tribune appelle un "éloquent plai­doyer en faveur du plébiscite", M. Gingues a bien déclaré qu'il représentait le comté de Sherbrooke, mais pour exprimer sa propre opinion :

"C'est la première fois, depuis que j'ai l'hon­neur de représenter le comté de Sherbrooke, que je me lève pour faire connaître mon opinion au Parlement de la nation."

Mais, moins d'un quart d'heure après, il nous apprend qu'il est beaucoup moins le député de Sherbrooke que celui de M. King :

"Je sais que, si je suis ici, ce n'est pas tant à cause de l'estime que mes concitoyens veulent bien m'accorder qu'en raison du fait que j'étais le candidat du chef du gouvernement, du pre­mier-ministre."

On le savait assez, mais il fallait que M. Gingues lui-même le proclame. La chance pour un candi­dat d'être élu, ce n'est pas de mériter l'estime de ses concitoyens, cela est secondaire ; mais c'est d'ê­tre le choix du parti, le favori de la caisse, cela est le principal. Et M. Gingues a au moins assez de droiture pour le reconnaître.

Tout de même, Sherbrooke croyait avoir un dé­puté, or c'est M. King qui a un député, dans la personne de M. Maurice Gingues.

Combien d'autres, dans le même cas, ont appris l'art de taire des choses qui sont trop vraies et d'appuyer sur d'autres qu'ils ne croient intérieure­ment pas ! Maurice, lui, avait seulement appris l'art de se taire tout court, et il vient d'y manquer.

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