D'un chef-lieu de comté, un I.A.P. écrit :
Ci-inclus vous trouverez deux autres abonnements à votre journal. Ce n'est pas beaucoup, mais St-... est le chef-lieu du comté, et par le fait même, je suis entouré de professionnels dont d'aucuns sont dans la crèche jusqu'au cou ; d'autres ont des proches parents qui y sont ou aspirent à y être. D'autres sont bleus ou rouges sans jamais avoir su pourquoi ; ils combattent notre doctrine sans même la comprendre. Comme je suis marchand et que j'ai besoin de tous mes clients pour vivre, il m'est impossible de travailler ouvertement pour le triomphe de cette noble cause. Je fais quand même tout mon possible pour recruter des adhérents qui, eux, pourront faire l'ouvrage un peu plus tard.
Pour vous montrer jusqu'à quel point le patronage est fanatique, M. E. G. a perdu une position qu'il détenait sur la voirie, dans la construction, simplement parce qu'il a osé parler du Crédit Social.
C'est bien triste de constater semblables mesquineries dans un Canada soi-disant démocratique ; mais soyez convaincu que rien ne nous arrêtera dans notre travail ; et même s'il le faut faire clandestinement, nous finirons bien par gagner la majorité de la population.
* * *
Ce correspondant envoie en même temps le nom d'un nouvel I.A.P. pour une autre paroisse de son comté et remarque : Je crois qu'il fera un bon travail, en dépit du fait qu'il y a à peine un mois il était encore "rouge" dans tous les domaines.
Ceci est d'une femme :
St-Juste-du-Lac, 5 mai 1941
Cher Monsieur,
Vous trouverez ci-inclus $2.00 pour un abonnement et le renouvellement du mien. J'ai économisé cela 5 sous par 5 sous depuis l'automne dernier, afin de ne pas manquer mon coup pour mon abonnement. Nous sommes bien pauvres, nous, les payeurs de taxes, mais nous avons encore confiance. Je travaille beaucoup pour recruter des abonnés, mais l'argent est si rare et plusieurs sont durs à faire comprendre. Quelques-uns savent la misère que l'on endure, mais d'autres n'ont pas l'air de la comprendre, peut-être parce qu'ils ne la sentent pas. Nous avons aussi dans nos rangs des petits députés qui rapportent tout au grand député, ce qui ne nous donne pas beaucoup de chance. Mais je parle quand même et je crois que c'est pas pire. Nous sommes gouvernés par des égoïstes qui se fichent même des autorités religieuses : ce n'est pas surprenant que nous soyons rendus à une telle misère. Je vous quitte et je compte vous envoyer d'autres abonnements sous peu.
Sherbrooke, 3 mai 1941
Cher Monsieur,
Il me fait plaisir de vous inclure, dûment remplis, quatre blancs d'abonnements à votre journal "Vers Demain". J'espère, d'ici quelque temps, pouvoir vous faire parvenir un nombre encore plus considérable d'abonnements.
Veuillez croire que nous faisons tout en notre pouvoir pour la réussite de votre cause qui est aussi la nôtre, et pour mener à bonnes fins la tâche que vous vous êtes assignée pour la plus grande prospérité de notre patrie.
Il y a vingt-cinq ans que je suis libéral en politique, mais j'ai constaté depuis longtemps qu'il n'y a aucune justice à attendre de ce parti ni d'aucun autre qui lui ressemble. Je crois au Crédit Social et je crois que la doctrine du Crédit Social est en tous points conforme aux préceptes de la doctrine chrétienne, en plus d'être basée sur les préceptes d'une saine économie.
Antonio PARISI
Que penser de cette annonce qui a paru dans plusieurs journaux des provinces de l'ouest :
AIDEZ LE CANADA À GAGNER LA GUERRE en cultivant moins de blé en 1941 Pourquoi ne pas ajouter : et en produisant moins de canons ?
Le 20 mars dernier, je recevais, C.O.D., des marchandises de la compagnie dont je suis agent, pour une valeur de $75.00. Or je n'avais en main que $29.00 ; impossible de retirer la livraison.
Une partie de la marchandise était vendue et n'attendait que livraison pour être payée. Mais il fallait l'avoir pour la livrer, et il me manquait $46.00. Avec $46.00 de plus en main, je réglerais mon problème, serais payé et pourrais rembourser vingt-quatre heures après l'emprunt.
Je vais donc à la Banque Provinciale, dont le gérant me connaît personnellement, et j'expose mon cas, sollicitant un emprunt sur garantie de la marchandise vendue, avec promesse de rembourser le lendemain.
Le prêt m'est refusé. Le gérant me dit que la banque ne prête pas à des solliciteurs sur route, mais seulement à des commerces bien établis, avec locaux, etc. Il me faudrait un endosseur. Or trouver un endosseur est aussi difficile que trouver un prêteur.
Après pareil refus, je juge qu'il est inutile d'aller à d'autres banques, la politique de toutes étant la même. Je cherche un particulier pour m'avancer. Cela me prend quatre jours de marche et de démarches, absorbant ainsi un temps qui, employé à mon commerce, m'aurait permis de prendre des commandes pour une cinquantaine de dollars.
Le 25 mars, je trouve un prêteur, un particulier ; je retire ma marchandise, je livre les articles, récupère l'argent, et, dès le 26 mars, je rembourse les $46, tel que promis.
Pour qui les banques, pour les gros ou pour les petits ?
UN QUI VOUS LIT
À ce correspondant, nous conseillerions de laisser les banques aux banquiers et aux trustards, et de faire affaire avec la Caisse Populaire de La Malbaie, s'il y en a une. S'il n'y en a pas, en suggérer la fondation à ses concitoyens.
Étant en service actif depuis déjà six mois, et ayant quelques loisirs de temps en temps, il me ferait plaisir de recevoir ici mon journal VERS DEMAIN, que je manque grandement. Veuillez saluer tous les créditistes pour moi, principalement ceux de Hull avec qui j'ai travaillé depuis six ans. Vous pouvez vous imaginer que je ne perds pas une occasion ici de répandre la bonne doctrine qui serait si nécessaire pour gagner cette guerre.
Louis TREMBLAY Head Quarters Force "W" Canadian Army, Overseas.
D'un mineur de l'amiante :
Je vous envoie 17 abonnements. J'aimerais être capable de faire autant toutes les semaines. Je ne sais si vous allez vous comprendre dans mon écriture et mes barbots. Mais une chose que je sais, c'est que si tout le monde ou une bonne partie du monde était aussi intéressé que moi, on réclamerait le Crédit Social en peu de temps.
Un religieux, directeur d'une école de Québec, écrit : Vous trouverez sous pli la somme de $2.00 pour deux abonnements. Celui d'ici était au nom personnel du cher Frère A., qui vient d'être nommé directeur à Ste-A... Je veux maintenant abonner la communauté même des Frères de St-P... que je dirige, afin que toujours, l'abonnement étant renouvelé chaque année, le journal "Vers Demain" vienne porter aux éducateurs de St-P... lumière et principes.
Frère B.... directeur
Chômeur en 1930, colon en 1932, soldat en 1941.
Lui et sa famille ont mangé de la vache enragée. Voici ce qu'il raconte lui-même de ces dix années :
"J'étais chômeur, et en 1932, je suis monté à Rollet (Témiscamingue.) pour essayer de m'y installer avec ma famille et vivre un peu, d'après les bonnes promesses du plan Gordon.
"Nous avions une promesse d'octroi de $600 pour se bâtir et vivre en attendant les rendements de la terre. Les hommes sont partis le 1er novembre, les familles le 15 décembre.
"En février, tout était dévoré. Je m'étais bati un petit campe de bois rond, de 20 par 22 pieds, un étage et demi.
"La neige partie, j'ai vu que j'étais installé sur un cap de roche, et une bonne partie du lot en marécages. Après avoir connu mon terrain, j'ai fait toutes les démarches voulues pour avoir quelque chose d'avenir pour ma famille. Mais les autorités s'opposaient toujours et semblaient s'évertuer à nous faire mourir à petit feu.
"Nous avons vécu des semaines au pain et à la graisse ; et pas à notre faim, car il fallait en conserver pour nos jeunes. Ce que je dis est vrai et je ne suis pas le seul pour en témoigner. Nous étions partis douze et ils sont restés deux.
"Pour moi, j'ai fait ainsi sept ans et demi de colonisation. Le dernier hiver, 1939-40, nous étions dix à table, avec seulement $50 pour la nourriture et le vêtement pour toute la saison. J'ai décidé de partir, et me voici à Sherbrooke depuis le 6 juin dernier.
"Avant de partir, on a vendu tout ce qu'on pouvait vendre pour payer le voyage de retour. On n'a gardé qu'un peu de linge de corps dans trois valises.
"Ici, à Sherbrooke, personne ne voulait nous reconnaître malgré que j'y avais payé des taxes pendant cinq ans, que je m'y étais marié et que j'y avais fait baptiser mes trois premiers enfants. Il a fallu que j'aille réfugier ma famille au poste de police No 1. Là, le constable L'Heureux, qui me connaissait, a pris mon cas tout de suite. Ils ont transporté ma femme et les enfants à la crèche, où ils sont restés pendant deux semaines, avant que les autorités se décident à faire quelque chose.
"On m'a reversé sur la liste de chômage. Ils m'ont donné un petit loyer de trois chambres et quelques lits, pour nous coucher. Nous étions dix dans ce petit loyer ; pour manger, une petite table de 4 pieds par 2 pieds.
"Le comité de chômage m'a donné 5 semaines à 5 jours par semaine. Puis il m'a réduit à trois jours par deux semaines. Il fallait avec cela me gréer de ménage et de linge, payer et faire vivre ma famille. Impossible ! Il a bien fallu m'enrôler, et laisser là mes enfants avec la femme toujours malade.
"Je n'ai pas peur de l'armée du tout. Voici neuf mois que je suis dans l'armée permanente. Mais voilà ce qu'un père de famille est obligé d'endurer. Après avoir travaillé et peuplé son pays, il faut donner sa peau comme un jeune homme. C'est la récompense d'un brave et honnête homme sur ses vieux jours."
* * *
Comparez ce qu'a été la vie de ce Canadien et de sa famille, avec ce qu'elle aurait été avec un régime de dividendes périodiques pour chaque individu.
Avec le Crédit Social et ses dividendes avant 1930, ils n'auraient pas souffert des affres du chômage. Avec le Crédit Social et ses dividendes en 1932, ils n'auraient pas été forcés de prendre n'importe quel lot couvert de neige, au risque d'avoir une terre en roches ou en marais ; ils auraient fait de la colonisation avec des animaux et des instruments aratoires pour le moins ; sans être rationnés au pain et à la graisse, ils auraient étendu le domaine agricole de la province et seraient sans doute encore, là-bas, dans une paroisse heureuse. Avec le Crédit Social et ses dividendes en 1940, le groupe humain de dix personnes ne serait pas tassé dans trois chambres et ne mangerait pas debout devant une table de 4 pieds de long : moins de 5 pouces par personne. Et le reste de l'histoire serait bien différent.
Voilà pour une famille. Et combien d'autres ont aussi leur histoire, histoire de misère en face de l'abondance gaspillée et immobilisée, sous les yeux d'un gouvernement trop lâche pour oser lever un doigt contre le système sacro-saint des banquiers ! Quelques semaines de vie au pain, à la graisse, aux guenilles et aux soucis feraient peut-être méditer nos ministres et nos législateurs.