D'une longue lettre du Docteur Eugène Fortin, de St-Victor de Beauce, nous extrayons le passage suivant :
Permettez à un ouvrier de la première heure de venir renouveler sa profession de foi au Crédit Social.
J'ai foi en la doctrine créditiste à cause de la multiplicité de ses applications. Un savant n'a-t-il pas écrit quelque part : "On reconnaît la vérité d'un principe à la multiplicité de ses applications."
Si l'on pouvait m'amener une doctrine monétaire qui trouverait plus d'application dans l'économique et le social, et qui serait plus apte à rendre possible la généreuse conception qu'avait Pie XI d'une organisation sociale et économique, je renierais la doctrine de Douglas pour adhérer à cette autre doctrine hypothétique.
Si l'on pouvait m'offrir une doctrine monétaire qui trouverait plus d'application et qui répondrait mieux à la généreuse conception que se fait Jacques Maritain d'un système économique vraiment social et chrétien et respectueux de la personne humaine, je renoncerais au Crédit Social tel que prêché dans la province de Québec.
Si l'on pouvait me présenter une doctrine monétaire qui apporterait une solution aussi humaine et aussi chrétienne à tant de problèmes de distribution manifestement insolubles avec le régime monétaire actuel, j'appellerais cette nouvelle doctrine Crédit Social et je travaillerais de toute mon âme de chrétien à la répandre chez des chrétiens.
Voilà, Monsieur Even, pour ma profession de foi au Crédit Social. Cette profession de foi n'est pas d'un docteur ès-sciences économiques et sociales. Elle est d'un humain, d'un médecin, chrétien aussi, qui croit de son devoir de s'apitoyer à sa manière sur la misère imméritée de ses semblables. Elle est d'un Canadien français qui n'a jamais redouté d'affronter l'ironie, le ridicule ou le sarcasme quand il agit de bonne foi en vue du bien commun.
Je crois certainement à la nécessité de la réforme des individus pour un retour durable à la prospérité dans le monde. Mais, aussi longtemps que l'âme sera chevillée à un ventre humain, je ne crois guère à la possibilité d'une réforme individuelle à moins qu'elle marche de front avec la réforme d'institutions qui tiennent dans leurs griffes infernales le droit aux individus de respirer. Le péché originel ne nous permettra pas de faire d'individus exaspérés par la misère des petits saints de plâtre, quittes à les farcir ensuite. Un minimum de biens, ai-je lu quelque part dans saint Thomas, et après lui dans Pie XI, est nécessaire à la pratique de la vertu ; une modeste aisance en facilite singulièrement l'exercice.
À dix têtes de bétail, on donne dix rations. Les humains ont droit à autant que les bêtes. Le Pape en exige davantage quand il dit : Procurer à tous et à chacun leur part à une honnête subsistance.