En temps de guerre, évidemment, on passe par-dessus les règlements du temps de paix. Le gouvernement donne des ordres, et il faut obéir. Les soldats ont besoin d'armes, et il faut en fabriquer. Ce n'est pas le temps de considérer le pouvoir d'achat, mais la capacité de production et de pousser celle-ci à son maximum. Tout le monde en convient, parce que tous sentent le danger, même et surtout ceux qui ont beaucoup de choses à protéger.
Mais en temps de paix, ceux qui possèdent se fichent pas mal de ceux qui ne possèdent pas : ils ne sentent pas le besoin de ces derniers pour défendre leurs richesses contre les bombes ennemies.
Et en temps de paix, ce ne sont pas les gouvernements qui mènent : ils resteront dix ans immobilisés devant des problèmes qui se règlent en quarante-huit heures en temps de guerre.
"New Republic", périodique anglais, remarque :
"À Jarrow, grand centre de construction maritime d'Angleterre, des chantiers furent achetés et littéralement détruits, afin de maintenir des profits sur l'exploitation des chantiers qui restaient. Quant aux employés de ces chantiers détruits, on les considérait comme de la vieille ferraille humaine dont on n'avait que faire. Aujourd'hui, l'Angleterre demande désespérément des bateaux."
Mais qui était derrière les industriels pour donner les ordres de destruction ? M. Gorham Munson pose la question dans une de ses lettres hebdomadaires, Men First, No 32, et il donne lui-même la réponse : "C'est la finance, non l'industrie, qui, en dernière analyse, gouverne les marchés et impose les décisions."
Le gouverneur de la Banque d'Angleterre, Montagu Norman, disait en 1930 :
"Généralement parlant, je crois, si je puis m'exprimer ainsi, que le salut de l'industrie en ce pays réside primordialement dans la rationalisation, et celle-ci s'accomplit par l'unification ou le mariage de la finance et de l'industrie."
Mariage dans lequel c'est la finance qui choisit quelle industrie lui servira de compagne, et dans lequel c'est la finance qui dictera ses ordres à cette industrie. Le même Montagu Norman le disait clairement à New-York, en 1931 :
"Ayons une banque de commerce mondiale pour rationaliser l'industrie, comme nous avons déjà une banque centrale (la Banque des Règlements Internationaux) pour rationaliser la monnaie. Nous mettrons un arrêt à la surproduction, non pas en augmentant la consommation, mais, en restreignant la production à telles industries bien financées, dans tous les pays, qui prendront des parts dans la banque."
Comme on voit, les banquiers vont plus loin encore que les partisans du Union Now, qui cherchent à fusionner le monde anglo-saxon. C'est le monde entier que les financiers internationaux veulent placer sous la tutelle d'une grande banque centrale.
Puis, ils ne tiennent aucunement à hausser le pouvoir d'achat pour absorber la production ; mais bien plutôt à couper la production, en rapport avec le pouvoir d'achat aminci que, dans leur sagesse de banquiers, ils décréteront pour les habitants de la planète.
Faut-il s'étonner que, depuis 1930 jusqu'à la guerre, on se soit appliqué à diminuer la production plutôt qu'à augmenter le pouvoir d'achat ? C'était la volonté des financiers internationaux, genre Montagu Norman.