Où sont-ils ?

le lundi, 01 juin 1942. Dans L'économique

"Comme des carpes," écrit M. Lorenzo Paré, dans L'Action Catholique du 21 mai, en parlant de nos braves ; $4,000 d'Ottawa. Les nôtres, ceux de la province de Québec, qui n'ouvrent la bou­che en Chambre que lorsqu'on y prononce le mot conscription. Et encore, de quelle manière l'ou­vrent-ils ?

L'annonce du plébiscite avait rendu la parole aux muets et fait jaillir des flots d'éloquence. De­puis, tout s'est tu, en tant qu'ils sont concertés ! Ils ne sont même plus à leurs sièges.

"La Chambre s'est vidée de ses députés ca­nadiens-français à mesure que des débats moins ronflants succédaient à la magie électorale du mot conscription." (L. Paré).

À l'occasion du plébiscite, la province de Qué­bec a donné un signe de ressaisissement. Elle a voté selon sa pensée, et non plus selon la cloche du parti. Mais ce ne sont pas ses moules d'Otta­wa qui l'ont fait reprendre conscience d'elle-mê­me. Pas même Cardin, qui s'est fendu d'éloquen­ce pour avoir un vote affirmatif, pour délier King et le parlement de promesses données et réitérées.

King délié, cela ne signifiait pas la conscription, s'écriait Cardin. Or, King délié, c'est la conscrip­tion, dit maintenant Cardin. Était-il si ignorant, ou est-ce la peur d'être botté dehors par des élec­teurs indignés qui le fait changer de ton ? Cardin : oui ; tous les suiveux : oui. Cardin : non ; tous les suiveux : non. Pour ça, ils savent suivre. Crier, se fermer, au geste !

Mais que font nos députés à Ottawa ? Où sont-ils maintenant ? La session n'est pas terminée. Il se passe des choses sur la colline, il s'y forge de la législation. Nos représentants ne s'en occupent pas.

Citons encore le courriériste de L'Action Catho­lique :

"L'économie du Canada est bouleversée. La po­litique extérieure est en pleine révolution. L'in­dustrie subit un développement critique qui met­tra en opposition le capital et le travail. Les acro­baties financières actuelles confrontent déjà les théories orthodoxes avec les principes radicaux. Dans cet immense devenir où la nation est lancée, une multitude de problèmes pratiques se posent et les Communes tâtonnent des solutions.

"Tout cela n'intéresse-t-il pas les Canadiens français ?

"Est-ce que nos politiciens, qu'on ne voit plus guère en Chambre, auraient réussi à persuader définitivement toute une race que la superstition du mot conscription est l'origine et la fin suprême de notre vie nationale ?

"... Depuis plus d'un mois, la Chambre étu­die en détail les affaires des cinq départements les plus importants de l'administration en temps de guerre. Nous pouvons compter sur les doigts d'une seule main les députés canadiens-français qui ont participé à ces débats, et encore faudrait-il compter les mêmes une couple de fois".

Ce qui veut dire qu'il n'y en a pas 3 sur 65 qui participent à l'étude de ces problèmes impor­tants. Y comprennent-ils quelque chose ?

Mais à quoi servent ces hommes, et pourquoi les paie-t-on ?

Il a fallu une dose d'indulgence peu ordinaire à M. L'Heureux, de la même Action Catholique, pour écrire la veille, (20 mai) : "Nous faisons con­fiance à nos députés, qui ont en main le sort de notre groupe de la nation canadienne et qui se montreront sans doute à la hauteur de la tâche".

Pas nous. Nous n'avons aucune confiance dans des hommes qui laissent à la porte du Parlement le peu de méninges qui leur restaient le soir de l'élection.

En quoi ont-ils jamais montré qu'ils sont à la hauteur de leur tâche ?

Puis, nous sommes assez de l'avis de ceux qui pensent que c'est à Québec que doivent se régler les problèmes de la province de Québec. Mais il faudrait, là aussi, des hommes, et non des pan­tins.

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