Notre université

Gilberte Côté-Mercier le vendredi, 01 août 1941. Dans Réflexions

Tous les dimanches matins, maintenant, deux cents apôtres du Crédit Social se répandent dans les paroisses de la province de Québec. Cent conférenciers et cent compagnons.

Deux cents éducateurs portant sous leur bras des livres, seules armes d'une véritable conquête de l'homme.

Des livres pour instruire, pour apprendre à voir, pour apprendre à raisonner et apprendre à créer.

Ainsi donc, nos apôtres sont des professeurs d'école primaire, d'école secondaire et d'école universitaire.

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Nos écoles primaires enseignent à lire seulement, ou à peu près. Elles s'appliquent plus ou moins à former à l'observation. Il semble bien pourtant que la fonction principale de l'école primaire soit d'enseigner à voir, à regarder. Apparemment nos écoles primaires auraient manqué leur but, puisque tous nos diplômés ne savent pas voir ce qui se passe autour d'eux. Il y a même de nos diplômés universitaires, et beaucoup, qui ne sont pas des primaires, puisque vis-à-vis tout le réel, ils ont un bandeau sur les yeux.

Les apôtres du Crédit Social enseignent au peuple, à tous ceux qui veulent les écouter, que le moyen le plus sûr de s'instruire est d'abord de regarder avec ses yeux, ses propres yeux à soi. Les éducateurs du Crédit Social sont réalistes comme saint Thomas d'Aquin. Ils croient que rien n'entre dans l'esprit qui ne soit d'abord passé par les sens.

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Nos écoles secondaires enseignent, ou doivent enseigner à raisonner. À raisonner avec son esprit à soi, sans toujours se demander ce qu'en pense un tel ou un tel, qui jouit d'une certaine réputation basée ou non sur la valeur réelle.

Mais, qui donc parmi nos diplômés secondaires raisonne encore de cette façon ? Faudrait-il dire aussi que nos écoles secondaires ont manqué leur but de former des hommes qui raisonnent ?

Nos apôtres du Crédit Social, d'une logique déconcertante pour ceux qui les entendent conclure et pour ceux qui les voient travailler, nos apôtres apprennent à tous ceux à qui il reste du bon sens et qui ne demandent pas mieux que de s'en servir, ils leur apprennent à raisonner comme des hommes.

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Et nos universités, nos grandes écoles qui doivent former des créateurs, où sont-elles ?

Certes, on en a vu sortir de ces hommes qui ont bâti des chefs-d'oeuvre de théologie, de philosophie, de physique, de littérature et d'art. Mais, où donc sont les bâtisseurs de notre province économique et politique ?

Nos universités n'ont-elles pas produit dans ce domaine plutôt des esclaves, lorsque ce ne furent pas des démolisseurs ?

Tous nos économistes et nos politiciens qui étalent un parchemin, qu'ont-ils donc fait de notre province, devenue si misérable dans leurs mains ?

Les apôtres du Crédit Social se forment eux-mêmes à devenir des hommes qui comprennent le bien commun et soient capable de prendre la responsabilité de l'établir.

Puis, ces apôtres forment d'autres créateurs qui, avec eux, bâtiront notre province économique et politique.

Si grand mal de cœur qu'en puissent éprouver certains péroreurs de nos chaires... distinguées, notre école créditiste est une université, et une université qui ne s'isole pas sur une colline inaccessible, mais une université qui va au peuple puisque le peuple est trop pauvre pour aller à l'université.

Gilberte Côté-Mercier

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