« Tout est perdu avec la guerre, rien ne l'est avec la paix », disait Pie XII à la veille de la deuxième guerre mondiale. Jean-Paul II répétait avec justesse les mêmes paroles le 25 mars 1999, le lendemain du déclenchement des raids aériens de l'OTAN en Yougoslavie. La Yougoslavie est formée principalement de la Serbie (en grande majorité orthodoxe), et de deux autres petites provinces, dont le Kosovo, peuplé de deux millions et demi d'habitants, dont près de 90% sont des musulmans d'origine albanaise. Il y a 600 ans, le Kosovo était peuplé de Serbes, mais suite à une défaite en 1389 contre les Turcs, le Kosovo s'est peuplé de musulmans albanais. Le président serbe Slobodan Milosevic veut donc refaire l'histoire et retourner 600 ans en arrière, en vidant littéralement le Kosovo de tous les musulmans d'origine albanaise, sous prétexte que le Kosovo appartient « historiquement » à la Serbie.
Après que des mois de négociations diplomatiques eurent semblé échouer pour mettre fin à cette « épuration ethnique » où les gens sont chassés de force et où on brûle leurs maisons, l'OTAN décidait de bombarder la Serbie et le Kosovo, afin, disait le président américain Bill Clinton, « d'empêcher une catastrophe humanitaire au Kosovo, et l'extension de la guerre dans d'autres pays des Balkans. Or, après un mois de raids aériens, il semble que c'est exactement le résultat contraire qu'on obtient, et que cette opération de paix ( ?) de l'OTAN n'a fait qu'empirer les choses, et que l'« épuration ethnique » s'est même accentuée durant ce premier mois de bombardement, 500 000 Kosovars étant forcés de fuir leur pays.
Pour qu'une guerre soit « juste » (dans les cas de légitime défense) rappelle le Catéchisme de l'Église catholique, il faut que « l'emploi des armes n'entraîne pas des maux et des désordres plus graves que le mal à éliminer » ; c'est pour cette raison que le Pape ainsi que les différentes autorités religieuses demandent la fin des hostilités et le retour à la table de négociation.
Les trente premiers jours de cette guerre ont coûté aux pays de l'OTAN plus de 15 milliards de dollars. Si tout cet argent avait servi à développer le Kosovo, les Kosovars seraient les plus riches du monde. Mais à la fin de la guerre, ils se retrouveront dans un pays complètement dévasté, rempli de mines, qui devra être totalement reconstruit. On a calculé qu'en termes économiques, ce conflit équivaudra à une régression de cent ans. Comme l'écrit, en 1956, Louis Even avec raison : « Non, les guerres ne règlent rien ».
par Louis Even
Le monde moderne semble marqué du sceau de la Bête.
Jamais la capacité de production mondiale n'a été aussi élevée ; jamais les moyens de transport pour distribuer les produits n'ont été aussi efficaces et aussi rapides. Malgré la croissance de la population, l'emploi de ce potentiel à la production de choses utiles et à la distribution non entravée des biens aux besoins pourraient faire bien vivre toute la population du globe. Pourtant, les nations se disputent et se battent comme au temps où des tribus affamées se jetaient sur des tribus voisines mieux partagées.
Plus les nations se disent civilisées et parlent de fraternité humaine, plus elles s'arment. Et ce n'est pas contre le monde animal qu'elles s'arment, c'est contre d'autres êtres humains.
Les plus grosses tranches des budgets annuels des pays évolués sont affectées à la production d'armements et à l'entraînement de masses de citoyens à l'art de tuer. (Pour les États-Unis seulement, le budget du Département de la Défense est de 279 milliards $ en temps de paix, car depuis les frappes de l'OTAN en Yougoslavie, on a dû voter des milliards supplémentaires.)
Pourtant, si c'est vraiment la paix qu'on veut, deux grandes guerres mondiales en l'espace d'une génération et plusieurs autres guerres moins généralisées, mais terribles pour les populations que leurs gouvernements y engageaient, devraient avoir appris à notre monde, si vite et si volumineusement renseigné, que les guerres ne règlent rien.
Le but déclaré d'une guerre n'est jamais atteint. C'est souvent même au résultat exactement opposé qu'on aboutit. Et le "on" comprend les deux côtés, celui des vainqueurs comme celui des vaincus.
La première guerre mondiale, celle de 1914 à 1918, était une guerre pour mettre définitivement fin à toutes les guerres. A-t-on bien réussi ? La création en 1920 d'une Société des Nations, où les pays devaient traiter de leurs problèmes en famille, n'empêcha pas le réarmement de l'Allemagne, et le déclenchement d'une autre guerre globale encore plus sanglante vingt-et-un ans plus tard.
La deuxième guerre mondiale, de 1939 à 1945, était une guerre pour sauvegarder l'indépendance de la Pologne et des autres pays de l'Europe centrale. Quelle indépendance ces nations eurent-elles après la guerre, alors qu'elles eurent à subir pendant près de 50 ans le joug de l'Union soviétique ?
Le monde est-il plus stable, plus paisible, plus libre, après ces deux guerres mondiales « pour sauver la civilisation » ? On n'a pourtant pas épargné les vies ni les choses. La seconde guerre mondiale a couché dans leurs tombes :
32 millions de jeunes gens, tués sur les champs de bataille ;
24 millions de femmes, enfants, vieillards, tués sous des bombes qui ne faisaient pas de distinction entre civils et militaires ;
26 millions de personnes exterminées dans des camps de concentration.
Et les 21 millions de foyers bombardés ; et les 30 millions de logements détruits ; et
les 45 millions de déportés, d'évacués ou d'internés !
Tout cela, pour nous donner le monde qu'on a; un monde où on se réarme jusqu'aux dents, prêts à recommencer de plus belle.
La première guerre a placé 200 millions d'hommes sous une dictature communiste. La deuxième guerre et ses suites ont quadruplé ce nombre.
(Fait troublant, la première guerre mondiale a débuté exactement dans la même région d'Europe troublée présentement par la guerre, soit la péninsule des Balkans, formée de la Yougoslavie et des pays voisins. Louis Even explique le début de cette guerre :)
En 1914, le centre de l'Europe était presque entièrement couvert par deux empires : l'Empire allemand, formé quarante-trois années plus tôt par la fédération de plusieurs états germaniques, et l'Empire austro-hongrois, composé principalement de l'Autriche et de la Hongrie, mais aussi d'une partie de l'ancienne Pologne, de la Slovaquie et d'autres pays slaves sur lesquels l'Autriche-Hongrie avait étendu sa domination. La Yougoslavie d'aujourd'hui n'était pas formée ; il y avait seulement sa partie dominante, la Serbie, mécontente de l'expansion de l'Autriche-Hongrie sur les pays slaves et gardant jalousement son indépendance.
À l'est des deux empires centraux, l'immense Russie. À cette époque et depuis 1896, la Russie était l'alliée de la France. La France avait aussi une entente cordiale avec l'Angleterre. Quant à l'Allemagne, elle avait formé la Triple-Alliance, alliance avec l'Autriche-Hongrie et l'Italie.
L'Autriche-Hongrie était loin d'être un pays homogène. La culture germanique, mais catholique, prévalait en Autriche ; la culture magyare en Hongrie, les cultures slaves dans les parties slaves de l'Empire. Les diverses régions jouissaient d'une assez large mesure d'autonomie. Et l'archiduc-héritier François Ferdinand, neveu du vieil empereur régnant François-Joseph, attendait à être sur le trône pour accroître encore ces autonomies locales et pratiquer une politique de décentralisation.
Mais l'archiduc était détesté des loges maçonniques, qui le jugeaient trop catholique, trop « clérical ». Sa disparition fut décrétée par la société secrète serbe « Union ou Mort ». Le 28 juin 1914, au cours d'un voyage officiel en Bosnie, province slave récemment annexée à l'Empire austro-hongrois, l'archiduc-héritier et son épouse furent assassinés à Sarajevo. L'assassin, Gavrilo Princip, et ses complices étaient serbes. Les armes du crime, de fabrication serbe. Il y eut aussi conspiration pour permettre aux assassins de s'échapper et de repasser la frontière pour se réfugier dans leur Serbie. Tous ces conspirateurs étaient de la société secrète « Union ou Mort », qui avait alors comme président un membre de l'état-major serbe, le général Dimitrievic.
L'Autriche accusa le gouvernement serbe d'être de connivence ; elle réclama la suppression de la société et la punition des assassins. L'Allemagne poussait l'Autriche à une action militaire contre la Serbie. Un ultimatum, contenant des clauses très dures, fut envoyé par le gouvernement autrichien au gouvernement serbe.
Après un mois d'échange de notes entre les grandes chancelleries d'Europe, après des ordres de mobilisation partielle ou totale, des dénonciations de ces ordres de mobilisation, des consultations entre alliés d'un même groupe et sondages des intentions des groupes opposés, la guerre fut déclarée le 1er août 1914.
Dès le début, la Russie et la France furent avec la Serbie contre les empires centraux. L'Italie, qui n'avait pas été consultée par ses alliés, en prit raison pour rester neutre en attendant, plus tard, de se ranger aux côtés de l'autre camp quand elle y vit son avantage. À Londres, Lord Edward Grey et Churchill voulaient entrer en guerre immédiatement contre l'Allemagne, mais la majorité des ministres s'y opposait. Il fallut attendre une occasion de ralliement ; elle vint avec la violation de la neutralité de la Belgique par l'Allemagne. La Turquie s'allia secrètement avec l'Allemagne, dès le 2 août, mais n'entra en action que le 1er novembre. La Bulgarie se mit aussi avec les empires centraux plus tard, en octobre 1915.
Mais l'Amérique ? Le Canada, que son gouvernement Borden-Meighen considérait encore comme une colonie de l'Angleterre, n'hésita pas une seconde à se déclarer en guerre dès que Londres eut déclaré la guerre à l'Allemagne.
Quant aux États-Unis, ils étaient par tradition isolationnistes et ne voulaient pas se mêler des querelles européennes. Pourtant, l'Angleterre aurait bien voulu obtenir l'appui des États-Unis. Cependant, en novembre 1915, le président Wilson était réélu pour un second terme. Il avait fait du maintien de la neutralité américaine le thème de sa campagne.
Mais les influences s'exerçaient. La guerre sous-marine de l'Allemagne était utilisée pour pousser les États-Unis à entrer en guerre aux côtés des Alliés. Des Américains périssaient à bord du « Lusitania », navire allié coulé par un sous-marin allemand. Mais Washington hésitait encore. C'était difficile déclarait-on, pour la grande république américaine de s'aligner avec un gouvernement autocratique comme celui des tsars (de Russie).
En février 1917, la révolution éclatait en Russie. En mars, le tsar et sa famille étaient mis sous arrêt. On annonçait une Russie nouvelle, démocratisée, soviétisée, où le peuple serait souverain et où cesserait toute oppression ». L'objection américaine à une alliance avec les Alliés, la Russie y comprise, n'existait plus. Le 6 avril 1917, Washington déclarait la guerre à l'Allemagne. La Russie des tsars avait été remplacée par la Russie des Soviets. On sait d'ailleurs que les révolutionnaires russes eurent l'aide financière abondante de la banque Kuhn-Lœb de New- York.
Qui tira profit de cette première grande guerre, terminée par l'armistice du 11 novembre 1918 ? Les financiers, comme toujours. Après chaque guerre, quels que soient les vainqueurs ou les vaincus, les peuples paient en argent la guerre qu'ils ont faite avec leur travail, leur sang, leurs privations, leurs deuils. Toutes les nations en sortent avec des dettes nationales grossies. Et envers qui ces dettes ? Nous travaillons, année après année, pour payer des guerres que nous avons faites, même gagnées, il y a des décennies.
Chaque guerre se termine par un traité de paix. Et chacun de ces traités de paix est arrangé de telle sorte qu'il renferme la semence d'une autre guerre. Qui veut cela ?
Le traité de Versailles, en juin 1919, fixa les conditions pour l'Allemagne vaincue. À Versailles, et c'est le Premier Ministre anglais Lloyd Georges qui l'a dit lui-même plus tard, ce sont les financiers qui menèrent le bal. Parmi ces financiers, on remarquait, du côté de l'Allemagne, Max Warburg et, du côté des Alliés, son frère Paul Warburg, né en Allemagne, mais établi à New-York et membre du groupe Schiff-Kuhn-Lœb.
Les Alliés prirent plus d'une année pour préparer leurs traités. Mais, malgré la fondation d'une Société des Nations, une paix imposant de tels traités ne pouvait être de longue durée. Elle durerait le temps que les meurtris seraient impuissants ; mais leur force revenue, personne ne pouvait s'attendre à ce qu'ils continuent de se résigner à des conditions insupportables.
Une Allemagne amputée de son territoire national et de ses débouchés au dehors ne pouvait suffire à une population croissante ; elle éclaterait à la première occasion. Puis, il y avait ce corridor polonais, territoire qu'un Allemand devait traverser pour passer de la Prusse occidentale à la Prusse orientale.
La grande crise de 1929 fut aussi l'occasion de l'ascension de dictateurs faisant fi de règlements financiers que les démocraties respectaient en se laissant crever. Tout le monde sait la suite. L'Allemagne et l'Italie à l'ouvrage, construisant des routes, des ponts, des établissements industriels, fabriquant des armes et équipant des armées, pendant que chez nous le premier ministre canadien ne pouvait trouver cinq sous pour les chômeurs.
Puis, la crise subitement terminée par les premiers coups de canon en Pologne (en septembre 1939). Puis l'argent surgissant aussi vite qu'on en avait besoin pour changer les chômeurs en soldats. Puis la guerre de six années, cette fois d'abord pour « le droit des petites nations à disposer d'elles-mêmes », puis pour la « défense de la civilisation et de la chrétienté ».
Ce qu'on sait peut-être moins, ce sont les manœuvres, moins claironnées, pour faire les jeux, comme la condescendance de l'Angleterre à laisser l'Allemagne se réarmer, contrairement aux clauses de Versailles, afin de contrebalancer une France dont l'Angleterre craignait la prépondérance. Ou bien les pressions de Roosevelt sur l'Angleterre pour pousser vers une guerre contre l'Allemagne, devenue grande persécutrice des Juifs. Le « New Deal » de Roosevelt était à bout d'efficacité : rien d'autre qu'une guerre mondiale pouvait remettre à l'ouvrage 12 millions de chômeurs américains.
Après la guerre, l'organisme des Nations Unies fut établi pour remplacer la défunte Société des Nations. Mais à peine en fonction, il s'est bien plutôt montré un forum des nations désunies.
On prépare les guerres en disant que c'est pour les éviter ! Prépare le contraire de ce que tu veux avoir, afin de récolter le contraire de ce que tu auras préparé ! Y a-t-il un cultivateur, un industriel, un artiste, qui accepterait ce conseil dans la conduite de son œuvre ? Évidemment, c'est le contraire qui arrive, comme par le passé. Plus le monde s'arme, plus la paix est chancelante, et plus le choc sera catastrophique.
Encore une fois : non, les guerres ne règlent rien. Si les énergies productrices, les vies humaines, les dépenses astronomiques, le matériel énorme, affectés à la guerre, avaient été consacrés à améliorer le sort des nations moins fortunées, à procurer à tous les membres de la grande fraternité humaine l'accès à une part de l'immense richesse dont la production moderne est capable, la face du monde ne serait pas ce que l'ont faite ces deux guerres, où l'on a convoqué tous les pays, toutes les races, toutes les tribus, à participer à l'égorgement entre nations qui se piquent de civilisation, voire même de christianisme.
Les peuples, les individus qui composent les peuples veulent tous la paix. Qu'ils le fassent savoir et de façon claire, à leurs gouvernants. Refusons la guerre. Les guerres cesseront quand les hommes qu'on veut envoyer à ces tueries organisées refuseront de se battre.