Mgr Lépine et Mgr Pierre-André Fournier lors d’une conférence de presse le 19 septembre 2013. |
Le 8 novembre 2013, au lendemain du dépôt du projet de loi 60 sur la charte de la laïcité, Mgr Pierre-André Fournier, archevêque de Rimouski et président de l’Assemblée des évêques catholiques du Québec, rendait public les remarques suivantes:
Le projet de loi 60 sur la laïcité et la neutralité religieuse de l’État, qui vient d’être déposé à l’Assemblée nationale, est particulièrement lourd de conséquences et représente une étape cruciale et déterminante dans l’histoire de notre peuple.
Un premier regard sur le projet de charte nous montre la complexité de plusieurs articles. Par exemple, même juristes et philosophes ne sont pas d’accord sur la distinction entre les trois expressions «séparation de l’État et des religions», «neutralité religieuse» et «caractère laïque de l’État». Et on assimile souvent, sans distinction, neutralité de l’État et neutralité de ses employés. (...)
Il est tout à fait raisonnable de vouloir, dans le contexte social et culturel actuel, un État et des institutions communes laïques. Nous l’avons déjà reconnu dans nos interventions antérieures, en citant en particulier la célèbre réplique de Jésus: « Rendez donc à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. » La notion de laïcité repose sur une saine distinction entre domaine politique et domaine religieux.
Sur le plan spirituel et religieux, les gens sont libres de croire ou de ne pas croire. C’est fondamental. On a le droit d’être croyant. On a le droit d’être athée. La neutralité religieuse de l’État signifie que celui-ci n’a pas de préférence en cette matière. Il ne prend pas position pour un ou pour l’autre. Pas de religion officielle. Mais pas d’athéisme officiel non plus.
C’est ça la neutralité. L’État respecte ce que les gens vivent et expriment. S’il est vraiment neutre, il va même prendre les mesures pour s’assurer que les gens peuvent vivre leur foi et l’exprimer librement. C’est son devoir. La neutralité et la laïcité n’ont pas pour but de supprimer la religion de l’espace public mais de créer un milieu et un environnement où chaque personne jouit effectivement de la liberté de conscience et de religion que lui reconnaît la Déclaration universelle des droits de l’homme.
Cela impliquera concrètement, pour répondre aux besoins et aux particularités régionales d’un bout à l’autre du Québec, de soutenir et d’encourager les initiatives de collaboration entre institutions civiles et religieuses, notamment entre les municipalités et les paroisses. En bien des endroits, au cours des dernières années, on a fait preuve d’ouverture et d’imagination pour en venir à des ententes qui profitent maintenant à tous, notamment pour l’utilisation partagée de locaux et d’églises. Il serait vraiment triste que, sous prétexte d’une neutralité mal comprise ou d’une interprétation excessive de l’obligation faite aux organismes publics de «refléter le caractère laïque de l’État», on en vienne à freiner ou à bloquer de tels projets qui illustrent à merveille les capacités d’entraide, de solidarité et de créativité de nos communautés locales.
Il ne nous apparaît pas nécessaire, sauf en quelques cas, de restreindre les droits et libertés des employés des organismes publics en ce qui concerne le port de signes religieux. La seule exigence qui s’impose avec évidence est celle d’offrir et de recevoir les services à visage découvert. Ce qui importe d’abord pour les personnes en service public, c’est leur compétence, leur accueil, leur respect.
Quant au crucifix du Salon bleu, rappelons simplement qu’il a été placé à cet endroit par des élus; la décision de le garder ou de le retirer revient donc aux élus, dans le respect de l’opinion de la population... Le crucifix est vénéré par des millions de chrétiens de toutes les nations, et par une grande majorité de Québécois et de Québécoises. Ce n’est pas un objet de musée ni seulement un rappel du passé ou un élément du patrimoine. Il doit être traité avec tout le respect dû à un symbole fondamental de la foi catholique. Les députés doivent faire en sorte qu’il le soit.
Nous sommes très attentifs à tout ce qui se passe concernant ce projet de charte et invitons la population à continuer à prendre part à la recherche d’un projet rassembleur sur un ton approprié.
+ Pierre-André Fournier
archevêque de Rimouski et président
de l’Assemblée des évêques du Québec