Les moutons de Jacob

le mercredi, 15 novembre 1939. Dans Réflexions

"Jacob dit à Laban : Vous savez de quelle manière je vous ai servi. Vous aviez peu de bien avant que je fusse venu avec vous, et présentement vous voilà riche. Il est donc juste que je songe maintenant à établir ma famille.

Laban dit : Que vous donnerai-je ?

- Visitez tous vos troupeaux, répondit Jacob, et mettez à part les brebis dont la laine est de diverses couleurs ; tout ce qui naîtra d'un noir mêlé de blanc, ou tacheté de couleurs différentes, soit dans les brebis ou les chèvres, sera ma récompense.

- Je trouve bon ce que vous proposez, dit Laban.

Laban garda pour lui les animaux tachetés et confia à Jacob les brebis et les chèvres, les béliers et les boucs n'ayant qu'une seule couleur, tout noirs ou tout blancs. Et il mit l'espace de trois journées entre lui et son gendre.

Jacob, prenant des bouts de branche de peuplier, d'amandier et de platane, les dépouilla de leur écorce d'un vert foncé, en certains endroits qui parurent blancs.

Il les jeta dans les abreuvoirs, afin que lorsque les troupeaux y viendraient boire, ils eussent ces branches tachetées de vert sombre et de blanc devant les yeux, et qu'ils conçussent en les regardant.

Ainsi il arriva que les brebis en chaleur, ayant conçu à la vue des branches, eurent des agneaux tachetés." (Genèse, c. XXX, v. 30-42.)

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Les savants du XIXe siècle crièrent à la superstition et Th. H. Morgan récemment y vit un indice de la croyance, chez ces peuples, aux fameuses "impressions maternelles". Cependant il me souvient d'avoir lu dans un commentateur, Dom A. Calmet, je crois, une tout autre explication : Jacob, pasteur et éleveur d'expérience, ne voulant pas déclarer à son beau-père le véritable caractère héréditaire qui le dirigeait dans le choix de ses reproducteurs, simula le manège raconté ci-dessus. Indubitablement, nous sommes en présence d'un cas de liaison du caractère "laine bicolore" avec un autre caractère enregistré probablement sur les buccales ou dans le derme, liaison que Jacob connaissait. Seule la proportion des bicolores obtenus semble extraordinaire.

Le verset 40 nous donne à entendre, cependant, que la première génération fut mêlée, rapportant, à côté d'individus tachetés, d'autres con-colores, tout blancs ou tout noirs, qui allèrent à Laban. Cette remarque rend une explication scientifique facile. Si nous supposons que la bigarrure est causée par deux facteurs seulement, le rapport sera le suivant pour les descendants : 1 noir, 14 tachetés, 1 blanc ; si trois facteurs sont en jeu, le rapport sera : 1 blanc, 62 tachetés, 1 noir. Cependant nous avons mieux que de simples conjectures.

Justement, H. Bonikowsky a élucidé cette question de bigarrure du pelage en 1933, après avoir expérimenté, à l'institut de l'Université de Halle, depuis 1903. Il a étudié la transmission d'un albinisme partiel chez les brebis brunes ou noires de la race Karakul. À côté d'une pigmentation acquise, il existe une pigmentation parfaitement héréditaire commandée par une paire de facteurs récessifs.

Extrait du Manuel de Génétique du R. Père LOUIS-MARIE, oc. r.

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