Lorsque Dieu eut créé les anges, il dit à Lucifer : Lucifer, tu es beau, tu es la créature la plus magnifique que j'aie faite, tu jouis d'une vie très pleine et très parfaite. Mais, moi, Lucifer, je suis plus beau que toi. Ma vie est infiniment complète. Je suis plus heureux que toi. Et je t'aime, Lucifer, je t'aime tellement que je voudrais que tu vives de la même vie que moi. Je t'offre ma grâce, ma vie divine. Si tu veux l'accepter, tu es libre. mais, pour en jouir, il faut que tu renonces à jouir de ta vie d'ange. Veux-tu, Lucifer, t'oublier toi-même pour l'amour de Moi ? Veux-tu être heureux comme je le suis ?
— Non, répond l'ange si beau. Non, Dieu, je n'échangerai pas ma vie propre contre la vôtre. Je ne renonce pas ainsi à moi-même. Je suis trop grand, trop puissant pour cela. Vous voulez que j'entre dans votre royaume. Je n'ai que faire de votre paternité, puisque je peux me construire un royaume à moi-même, un royaume aussi fort que le vôtre. Non, je ne renonce pas à ce que je suis. Je, moi, voilà mon univers. L'oubli de moi-même, l'amour d'un autre ne m'intéressent pas.
C'est à cet instant-là que commença le grand duel entre l'égoïsme et l'amour. Et l'égoïsme vainquit l'amour. Le prince des anges jeta les bases de son royaume à lui. Il entraîna dans la révolte de l'orgueil une multitude d'anges appelés comme lui à jouir de la vie divine. L'égoïsme continuait à vaincre l'amour.
Puis, Lucifer tenta Ève et Adam. Nos premiers parents, eux non plus, ne voulurent pas renoncer à leur vie propre. Ils refusèrent la grâce sanctifiante de la vie divine que Dieu leur offrait. Ils voulaient vivre comme des dieux en se contemplant eux-mêmes en dehors de Dieu même. Lucifer avec son enfer d'égoïsme et d'orgueil avait vaincu une fois de plus.
Et l'histoire des hommes fut une suite de victoires de Satan contre Dieu, de l'égoïsme contre l'amour. Le prince des ténèbres fortifiait son royaume. Il devenait de plus en plus puissant. L'amour semblait s'être à jamais retiré dans les trois personnes de la Sainte Trinité, les personnes créées abusant de leur liberté et refusant le grand don de Dieu.
La guerre entre l'égoïsme et l'amour est la vraie et la seule guerre, la cause de toutes les autres guerres, de tous les malheurs, de toutes les catastrophes, de toutes les maladies, de toutes les infirmités, de toutes les haines, de tous les désenchantements. On se demande souvent pourquoi Dieu permet tant de douleurs. C'est qu'on oublie qu'il n'y a qu'une chose qui compte, c'est l'amour ; que Dieu cherche partout l'amour, qu'il l'appelle à grands cris : que plus les créatures sont sourdes, plus fortes sont les voix de Dieu qui essayent de se faire entendre.
Et depuis le commencement du monde toujours l'égoïsme l'emportait. L'égoïsme, comme un cancer, rongeait, rongeait... La vie, l'amour semblaient ne plus pouvoir croître dans ce désert. L'enfer avec tous ses mensonges, ses hypocrisies, ses haines, ses ambitions, son orgueil et sa bave, l'enfer régnait, terrible.
Un jour, dans une modeste petite maison d'une petite ville de la Palestine, une jeune fille de quinze ans, très humble, était agenouillée et priait.
Elle priait Dieu d'envoyer au plus vite le Sauveur qui devait venir. Toutes les jeunes juives de ce temps-là, qui savaient que les temps étaient arrivés, aspiraient à être la mère du Fils de Dieu. La vierge Marie avait renoncé à cet honneur. Pour l'amour de Dieu, elle s'oubliait elle-même. Elle sacrifiait sa propre vie. Elle sacrifiait le désir qu'elle aurait pu avoir d'être mère de Dieu. Elle consacrait sa jeunesse, sa vie entière au service de Jéhovah.
Justement à cause de ce grand sacrifice, de cette grande humilité, de cette générosité, Dieu le Saint-Esprit, l'Amour, s'éprit de celle qui avait préféré l'amour à l'égoïsme. Lui-même envoya annoncer à Marie qu'elle serait son épouse et qu'elle enfanterait le Fils de Dieu.
Contre les armées de l'enfer, c'était peu de chose que cette petite Marie si faible, dont la destinée était d'écraser la tête du serpent. Il semblait qu'encore une fois l'égoïsme serait vainqueur. Mais, non, c'est l'amour qui l'emporta. Parce que Marie avait renoncé à elle-même, parce qu'elle s'était donnée, le rachat du monde commença.
L'enfer et ses démons continuent la guerre. Ils ont de nombreux alliés sur terre. Et aujourd'hui, à peu près toutes les puissances de ce monde sont liguées avec eux. Les financiers, la franc-maçonnerie et la politique corrompue forment une cour superbe à cette royauté.
En face de ces monstres, le Crédit Social est une bien petite chose. Les petites gens que sont les créditistes et qui osent prêcher la charité au milieu d'un monde de loups, font bien piètre figure.
Prêcher la charité, bannir l'égoïsme, s'oublier, aimer, mais voilà bien pourtant par où le salut commence. Voilà bien par où aussi le salut continue.