Le jeudi, 11 septembre, 350 membres du parti de l'Union Nationale se réunissaient à Québec. L'organe du parti, Le Temps, nous dit qu'ils représentaient toutes les paroisses de huit comtés du district de Québec. D'après l'arithmétique, cela reviendrait à un représentant par paroisse. Donc, 350 coqs politiques des paroisses de la région.
Et pourquoi cette auguste assemblée ? Le Temps définit "journée d'étude des sciences politiques, la première jamais organisée par un parti."
La première journée d'étude jamais organisée par un parti politique. Et encore est-elle réservée aux coqs de paroisse. Voilà qui n'est guère flatteur à l'adresse des partis politiques qui se sont mêlés, l'un après l'autre, de diriger les destinées de notre province.
Les partis politiques, jusqu'ici, ont donc laissé leurs propres membres dans l'ignorance la plus crasse. Importante nouvelle, que les délégués jugèrent convenable de consigner à perpétuité dans leurs annales et d'annoncer à toute la population. À cet effet, ils adoptèrent à l'unanimité une résolution, dont le texte, confié aux journaux pour publication, commence ainsi :
"Réalisant toute l'importance de cette journée d'étude, la première organisée dans notre province par un parti politique, nous...."
Ce texte a aussi l'avantage de reconnaître implicitement que les créditistes de la province de Québec ne constituent pas un parti politique, puisqu'il y a belle lurette que les créditistes étudient la chose politique — et économique — à domicile à l'année, et en commun dans toutes les occasions possibles.
Si le mouvement créditiste a eu comme résultat, entre autres, d'inculquer la nécessité de l'étude jusque parmi les dirigeants des partis politiques, il aura donc fait un peu de bien même à ceux qui le boudent.
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En quoi, au juste, a consisté la science politique étudiée à la salle Loyale le 11 septembre ? Le rapport ne le dit pas. Mais le grand professeur fut, apparemment, M. Maurice Duplessis lui-même, revenant d'une tournée électorale dans les comtés de Saint-Jean-Napierville et Huntingdon. Il était incontestablement bien en forme pour dispenser la science politique telle qu'il l'entend, puisqu'il venait de pratiquer.
Le chef fut "longuement applaudi". L'assemblée lui fit l'hommage d'une première résolution, résolution de reconnaissance, dont les premiers mots indiquent bien qu'il s'agissait d'une réunion de coqs : "Nous, les organisateurs de l'Union Nationale, représentant toutes les paroisses des comtés de......"
Puisque nos politiciens se sont remis à l'école, souhaitons-leur d'apprendre au moins que la politique existe pour la poursuite du bien commun, non pas pour la conquête du pouvoir, du patronage, pour la distribution des "jobs" aux fidèles du parti et la mise au pain sec des adversaires politiques.
Bien commun, prospérité commune — cela devrait signifier quelque chose de bon pour tout le monde. Lorsque ce sont les exploiteurs d'hommes qui prospèrent et la masse qui souffre, ça ne ressemble guère au bien commun. C'est pourtant cela qu'on a eu sous le régime Duplessis, comme auparavant et comme depuis.
On se rappelle la vague d'espoir qui souleva la province entière en 1936. Tout un peuple derrière M. Duplessis. Majorité écrasante en Chambre.
Le nouveau premier-ministre aurait pu, dès le lendemain, museler les trusts, fournisseurs ou non de sa caisse électorale. Il aurait pu casser les reins de la dictature financière, sans crainte de perdre les rênes aux prochaines élections. Tout le peuple l'eût applaudi et honoré comme le plus grand homme d'État de son époque.
Hélas ! On dirait que la prospérité des trustards mérite beaucoup plus de protection que la prospérité commune. Périsse la multitude, les droits de l'argent sont sacrés ! Où est le trust qui ait souffert la moindre égratignure du passage de l'Union Nationale au pouvoir ?
Après trois années de règne, M. Duplessis en était encore à mendier des banquiers de Montréal ou de Boston la permission de construire des routes dans la province, avec une abondance inutilisée de matériel, de main-d'œuvre et de machines dans la province !
Mais ces messieurs se sont mis à l'étude au mois de septembre 1941. Comme ils vont sans doute continuer, ils finiront certainement par trouver une formule heureuse en vue des prochaines élections. Et comme il s'agit d'élèves de choix, chacun logera bien la formule dans ses méninges.
L'Union Nationale, salut de demain : ses coqs cherchent la lumière ! Un homme par paroisse, nourri de science politique, sachant ce qu'il fait lorsqu'il vote... et lorsqu'il cabale pour diriger le vote des autres.