La politique - Contrôle des élections

le jeudi, 01 août 1940. Dans La politique

L'article suivant est extrait et traduit d'un livre intitulé The Party System, par Hilaire Belloc et Cecil Chesterton. C'est du système politique et électoral anglais qu'il est question. Mais on sait que nous avons calqué l'Angleterre là-dessus, et nous croyons qu'on reconnaîtra parfaitement les mœurs politiques et électorales canadiennes dans le présent chapitre.

Le choix des candidats

Nous avons déjà dit que, sous un système vraiment démocratique, les membres du Parlement seraient choisis librement par leurs commettants, dans la plupart des cas probablement parmi les citoyens du comté même.

En bien des cas, ils seraient élus par acclamation (les partis politiques étant inconnus). Dans d'autres cas, il y aurait contestation. Mais en fin de compte, c'est l'homme jouissant de la plus grande confiance de ses concitoyens qui serait leur député.

Il est clair que les choses ne se passent pas ainsi actuellement.

Comment les hommes sont-ils choisis pour siéger au Parlement ? Il y a normalement deux procédés.

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Parfois, l'homme le plus riche d'une certaine localité s'intéresse à ce qu'on appelle "la politique" et souscrit largement aux fonds de l'organisation locale, parfois même payant de sa propre poche toutes les dépenses de l'organisation.

Dans ce cas, il acquiert naturellement une importance prépondérante près des politiciens locaux. S'il exprime le désir de briguer les suffrages, il est accepté comme candidat, sujet toutefois à confirmation par la machine du parti.

Cet arrangement exige évidemment la possession d'une fortune comme condition préalable à l'entrée dans la politique et ne donne aucune garantie que l'homme ainsi choisi représentera réellement ses commettants. Dans la pratique, cependant, c'est probablement moins néfaste que l'autre manière, qui est la manière habituelle.

Lorsqu'un homme n'a pas de relations locales spéciales, ou lorsque ses préférences politiques ne sont pas d'accord avec celles de la majorité dans la circonscription où le tiennent ses affaires, il doit approcher le Bureau central du parti, directement ou indirectement, et demander qu'on lui trouve un siège.

S'il s'agit d'un homme riche, on commence par obtenir de lui une souscription au trésor secret du parti. On lui cherche ensuite un siège dans une circonscription dont la sûreté varie, tous autres facteurs étant égaux, en proportion du montant de la souscription versée. Il arrive bien, de temps en temps, qu'un homme riche mais stupide se fasse jouer : en retour d'une somme considérable, on lui offre un siège qui n'est sûr qu'en apparence, dans une circonscription où se présente peut-être un troisième malin qui a payé les officiers salariés des deux partis pour n'avoir à faire face qu'à des adversaires de troisième ordre.

Si, d'autre part, l'aspirant est pauvre, il devra faire un rude noviciat, se montrer actif en politique, faire des discours pour les autres, écrire des articles dans les journaux et les revues et se faire ainsi remarquer des chefs du parti comme un gladiateur utile. S'il peut obtenir une place de secrétaire privé de quelque politicien notoire, ou de quelque autre façon venir en rapport étroit avec les dirigeants du groupe, son chemin sera grandement facilité. C'est la manière normale dans le cas d'un avocat. Les avocats, en effet, savent plaider ; il existe pour eux des postes bien salariés (en Chambre ou hors de Chambre) ; ils sont dans leur élément, car tout le noyau de la Chambre se compose déjà d'avocats. Les avocats sont les meilleurs serviteurs des chefs de partis.

Un tel apprenti dans le jeu de la politique sera généralement envoyé, pour commencer, dans une circonscription électorale désespérée. S'il se montre bon candidat et se rend agréable à ses chefs, on lui trouvera un comté plus sûr une prochaine fois. Sa pauvreté n'est pas un obstacle, pourvu qu'il reste bien soumis à la machine : la caisse du parti sera à sa disposition en autant qu'il en aura besoin. Mais le sacrifice de sa liberté (et de son honneur) est la condition indispensable pour s'assurer ces avantages.

Si, par quelque accident, un jeune député élu allait se méprendre jusqu'à poser une question ou avancer une motion portant atteinte un tant soit peu à la machine du parti, un collègue fortuné se chargera de lui rappeler que son aptitude à se faire réélire dépendra de la décision d'un caucus secret et de ceux dont l'argent permet la vie de ce caucus.

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Si quelqu'un s'aventure à se présenter comme indépendant des deux caucus politiques, il aura à faire face à des difficultés énormes. Généralement, il souffrira terriblement du manque d'argent, alors que ses adversaires officiels accèdent à un fonds inépuisable. De plus, comme il n'est reconnu par aucun des deux grands partis qui ont quelque chance de prendre le pouvoir, bien des électeurs lui refuseront leurs voix, alors même qu'ils le préfèrent à ses adversaires, parce qu'ils craindront de "perdre leur vote".

Ainsi donc, on ne trouve normalement que trois types d'hommes au Parlement. Premièrement, des hommes riches locaux qui peuvent dominer les politiciens locaux. Deuxièmement, des hommes riches étrangers au comté, qui ont suborné l'organisation politique centrale. Troisièmement, des hommes relativement pauvres qui, en considération d'un siège au parlement et des avantages que cette position entraîne, sont prêts à se faire les serviteurs soumis et obéissants du caucus de leur parti.

Hilaire BELLOC et Cecil CHESTERTON

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