Le 8 juillet, une lettre-circulaire portant la signature de M. Ernest-G. Hansell, était adressée à un grand nombre de personnes qui, au Canada, s'occupent de réforme monétaire. Plusieurs de nos lecteurs en reçurent sans doute une copie ; quelques-uns nous ont demandé quoi répondre.
M. Hansell est un député créditiste de l'Alberta à la Chambre des Communes d'Ottawa. Il signait la circulaire comme secrétaire du Comité de la Convention Nationale.
La lettre-circulaire dit :
Il devient chaque jour de plus en plus évident que :
1. — Des changements drastiques doivent être opérés dans notre système économique et monétaire actuel.
Nous essayons en vain de faire face aux énormes demandes de la guerre actuelle avec une technique monétaire démodée, qui s'est révélée désespérément incapable de satisfaire même les exigences normales du temps de paix.
2. — Dettes et taxes augmentent à un rythme accéléré et créent des problèmes d'une telle ampleur que, si l'on continue, l'effondrement deviendra inévitable.
Ces dettes et ces taxes nuisent sérieusement à l'effort de guerre du Canada, frustrent toute préparation à la reconstruction d'après-guerre et produisent un état chaotique qui rendra impossible l'établissement de la liberté démocratique et de la sécurité économique.
3. — Un ordre nouveau s'impose depuis longtemps. Mais cet ordre nouveau ne surgira de lui-même nulle part, il nécessite une action bien définie.
Toute indifférence à l'heure actuelle conduira inévitablement à des conditions dans lesquelles la liberté individuelle sera impossible.
Après cet exposé, que nous signerions des deux mains, la lettre ajoute que les députés créditistes et néo-démocrates du parlement fédéral proposent la tenue d'une Convention Nationale dans le but d'établir une organisation politique nationale ayant pour programme la réforme monétaire.
Pour notre part, nous répondîmes à M. Hansell que nous ne prendrions pas part à cette Convention, pour les raisons données plus loin.
Nous apprenons maintenant que le groupe, formé en Comité provisoire, dont M. John Blackmore est président et M. Hansell secrétaire, donne suite à l'idée. De nombreuses réponses, disent-ils, appuient la tenue d'une Convention.
La Convention générale de tous les groupes canadiens de réforme monétaire s'ouvrira à Winnipeg le 27 octobre et la session durera trois jours.
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Ni l'Institut d'Action Politique, ni le journal VERS DEMAIN, ne seront représentés à cette Convention. Nous serons probablement prêts à endosser plusieurs des déclarations qu'elle aura fait naître.
Mais nous ne voyons aucune utilité pratique à dépenser du temps, de l'argent et des énergies pour assister à un congrès groupant des réformistes de toutes nuances, dont plusieurs jugent sans doute leur propre ascension politique le meilleur gage du succès.
Nous avons d'ailleurs donné d'autres motifs à M. Hansell pour justifier notre abstention.
Le questionnaire qui accompagnait la lettre laisse entendre que la Convention a pour but une action électorale. Or, nous ne croyons pas qu'une réforme réelle et durable puisse être le fruit d'une simple élection, même réussie. Sans une éducation générale préalable, la prise du pouvoir ne donnera pas grand'chose.
Nous croyons que la seule force au monde capable de détrôner la tyrannie financière, avec l'appui divin, c'est une opinion publique éclairée et une organisation mobilisant toutes les bonnes volontés.
Éclairer et organiser les masses ne peut être l'œuvre d'un parti politique, ni ancien ni nouveau. Dès qu'il est question de parti politique pour la conquête du pouvoir, des ambitions personnelles surgissent partout, ternissent les doctrines et paralysent les dévouements. Seul, alors, l'argent peut faire bouger. Or les munitions-argent sont chez les adversaires. Il reste aux ambitieux à se vendre ou à capituler.
Avec Douglas, nous croyons que l'éducation politique du peuple est beaucoup plus difficile à réaliser que son instruction monétaire. Pourtant, cette éducation politique doit être faite.
Comme le major Douglas, encore, nous ne croyons pas faciliter la solution d'un problème en augmentant l'étendue de celui-ci. Si l'éducation politique du peuple est à peine commencée dans quelques provinces, si elle n'est même pas entamée dans d'autres, comment peut-on espérer en venir mieux à bout en entreprenant une éducation politique dans toute la fédération ?
Aussi, constatant l'absence à peu près totale d'un mouvement créditiste en Ontario et dans les Maritimes, nous disions à M. Hansell que, dans une entreprise humaine, on ne peut pas espérer obtenir un composé actif en groupant des éléments inertes. Il faut d'abord former des éléments actifs. Lorsqu'on aura de bonnes organisations provinciales autour d'un idéal commun, on pourra envisager une action fédérale, et elle sera irrésistible.
Nous aurions pu citer l'image donnée par Hitler dans Mein Kampf : Attachez des paralytiques à un homme qui bouge, et dites si l'action va y gagner.
Les lecteurs de VERS DEMAIN ne seront donc pas surpris de voir que la Convention Réformiste (pas exclusivement créditiste) de Winnipeg se tiendra sans notre participation. Nous continuerons de consacrer tout notre temps et toutes nos énergies au travail provincial, si bien en marche, afin de hâter les réalisations qui entraîneront le reste du pays, par l'exemple.
Ce qui ne nous empêchera pas de prendre connaissance des rapports de la Convention de Winnipeg pour communiquer à nos lecteurs ce que ces rapports peuvent contenir d'intéressant ou d'utile pour les créditistes de la province de Québec.