Une jeune grenouille,
Un jour où crachent les gargouilles,
Aperçoit pour la première fois
L’homme tenant un parapluie.
Elle croit aussitôt
D’une mode nouvelle avoir vu le hérault.
Et, ravie
D’exciter l’envie
De ses amies,
Veut la première la porter
Chez la gent pataugeuse ;
Mais demeure songeuse,
Car il lui faut inventer
Abri pour sa taille.
Puis, elle avise un champignon,
Quelle trouvaille !
Voilà tout-à-fait l’article mignon !
Mais son retour au marécage
Ne lui procure pas le succès attendu.
Sur son chemin on reste ahuri, confondu,
Puis on s’esclaffe sans ambages.
Pour s’arracher à la folle gaieté que partout elle excite,
Chez sa grand-mère, elle court se cacher
Et pleurnicher.
Veut mourir sans époux si jamais elle imite l’homme (qu’on croit intelligent)
Et dont l’extravagante conduite est cause de ce rire outrageant.
Est-ce donc, Dieu, possible
Qu’on s’encombre à plaisir d’un objet si risible ?
- Eh, si l’homme s’en sert, c’est qu’il en a besoin
Le parapluie, en soi, n’est ridicule en rien.
Mais pour un batracien,
Il devient, croyez-moi, d’un drôle... irrésistible.
Ah ! vous me rappelez l’ancienne tradition,
Qui veut qu’aux vieux pays, l’une de nos ancêtres
Voulant paraître grosse comme le bœuf, par goût d’imitation
Dut payer de sa vie
Son étrange manie.
Vous, ma fille, apprenez sans mettre autant du vôtre
Que ce qui sied à l’un ridiculise l’autre.
Avec la convenance il faut toujours compter,
Dans son propre intérêt mieux vaut la respecter.
Avant que de céder au goût de la copie
Pensons à la grenouille avec son parapluie !
Lorette S. Daigneault