Vous voulez le Crédit Social. Vous voulez une comptabilité qui serve au lieu d'une comptabilité qui endette. Vous voulez un argent qui vienne d'après les choses, et non pas un argent qui limite ou interdise les choses.
Mais de qui attendez-vous cette inauguration ? Êtes-vous encore de ceux qui tournent les yeux vers le gouvernement, qui tressaillent d'espoir lorsque certains politiciens dérogeant à leur nullité habituelle prononcent quelques phrases en faveur d'une réforme monétaire, ou qui se lamentent et gémissent en souhaitant une élection miraculeusement différente des précédentes ? Ou bien, êtes-vous plutôt de ceux qui comptent sur eux-mêmes et sur leur association avec des concitoyens épris du même idéal ?
Un cultivateur veut un arpent de pommes de terre. Que va-t-il faire ? Son sol est prêt à fournir des betteraves, des carottes, des pommes de terre, du trèfle, du foin, ce que le fermier lui demandera, même du chiendent ou des "bouquets blancs" s'il ne lui demande rien. Mais ce sont des pommes de terre que veut le cultivateur. Connaissez-vous un cultivateur assez bête pour attendre que le gouvernement vienne les lui donner, ou pour se fier à une prochaine élection fédérale ou provinciale pour avoir son arpent de pommes de terre ?
Voici un colon fraîchement arrivé devant la grande forêt. Il y est venu pour se tailler un domaine bien à lui : quelque soixante acres de champs et de prairie, un bois entretenu au bout, sans oublier la maison pour une nichée d'enfants, les bâtiments pour élever des animaux et un potager pour la famille. Que va faire notre homme ? Désirer que les arbres tombent tout seuls, que les souches sortent de terre au geste, que la maison s'élève sur un signe, que les animaux surgissent sur un soupir, ou attendre que le gouvernement fasse sa terre, d'ici là préparer les prochaines élections ?
Non. Dans les entreprises privées, on ne pousse pas la stupidité jusqu'à cet extrême, bien qu'une multitude de désossés ou d'enchaînés n'aient plus le courage ou n'aient plus la liberté de se choisir une carrière et se fient, pour leur gagne-pain, à un emploi au service du gouvernement.
Mais, même dans les choses à faire en groupe, par association, il est encore des Canadiens qui savent utiliser leur propre initiative, au lieu de tourner vers le gouvernement des yeux de moribonds.
On en trouve un bel exemple dans les caisses populaires ou dans les coopératives vraiment indépendantes.
Quarante hommes décident de placer leurs surplus dans une caisse administrée par eux, d'emprunter de leur caisse et de rembourser à leur caisse, de faire fructifier par des membres de leur groupe les surplus mis en commun et d'en tirer des intérêts et des dividendes.
Pourquoi attendraient-ils que le gouvernement prenne la chose en main ou l'impose à toute la nation ? Non, ils le font eux-mêmes, et lors qu'ils ont appris à le faire, lorsqu'ils sont devenus leurs propres banquiers pour leurs placements et leurs emprunts, ils ne voudraient pour rien au monde voir le gouvernement s'emparer de leur institution. Ils ont cent fois raison. Le gouvernement pourrait-il faire pour eux mieux qu'ils font eux-mêmes ?
Si des hommes, comprenant l'usage de l'argent, peuvent ainsi s'associer pour se libérer des exploiteurs en prêts et en placements, pourquoi des hommes qui comprennent la nature et la naissance de'l'argent ne s'associeraient-ils pas pour se débarrasser des exploiteurs à l'origine de l'argent ?
C'est ce que font les membres de l'Association Créditiste.
Il a fallu des énergies, des trésors de dévouement et de ténacité pour faire tomber les voiles, pour dissiper le mystère dont on entourait la création et la suppression de l'argent. Aujourd'hui, personne n'ose plus contredire ce que les créditistes n'ont cessé de proclamé sur tous les tons, concernant la création et la destruction de l'argent par les banques. Il y a cinq ans, dans la province de Québec, on recevait plus sceptiquement les assertions des créditistes. "C'est trop fort pour être vrai", disait quelqu'un à Québec. L'automne dernier encore, un défenseur attardé des banquiers, le "Fiat Lux" de Drummondville, publiait articles sur articles pour démontrer que les banques ne créent pas d'argent. Il peut maintenant méditer non seulement les réponses de Graham Towers rappelées en Chambre des Communes par Arthur Slaght le 15 juillet dernier, mais les déclarations du ministre des Finances lui-même, l'Honorable Ilsley : "Lorsqu'au nom du gouvernement j'emprunte des banques à charte, disons $100,000, le banquier porte tout simplement au compte du gouvernement la somme de $100,000, et de ce fait le total des comptes de banque du pays se trouve accru de $100,000. En d'autres termes, il résulte de cette transaction qu'il existe pour $100,000 de plus de monnaie nouvelle que si j'avais emprunté de mon honorable ami". (Hansard, p. 4739).
Donc, les créditistes ont gagné un point. Ils ont fait la lumière dans les esprits sur la question de l'argent. Ce sont eux qui ont fait cela. Eux, pas les professeurs des universités, ni les luminaires de la politique. Les petits créditistes, créditistes en salopettes d'ouvriers et créditistes en habits de paysans, créditistes bafoués et créditistes rebutés, créditistes calomniés et créditistes incompris, répétons-le, ce sont eux, les créditistes, qui ont sorti la vérité du puits.
S'ils n'y avaient pas apporté l'ardeur persistante dont on leur faisait un crime, le courage redoublé après chaque coup même au risque de passer pour des orgueilleux et des insoumis, le monde en serait encore à croire que l'argent commence et finit par des lois naturelles aussi inévitables que la révolution annuelle de la terre autour du soleil.
Eh bien, il faudra un autre effort plus grand encore, de la part des créditistes, pour décider leurs concitoyens à sortir de la passivité et à prendre leurs propres affaires en main.
Par suite de quelle formation politique défectueuse, par suite de quelle apathie entretenue, la plupart des gens en sont-ils venus à ne plus croire en eux-mêmes, à tout attendre du gouvernement et à se contenter de plaintes lorsque le gouvernement ne fait rien ? Comment aussi en est-on venu à s'imaginer qu'une élection peut suffire à redresser des désordres accumulés par des décades d'insouciance ou de luttes fratricides ?
La besogne sera faite à notre goût, lorsque nous aurons appris à retrousser nos manches et à la faire nous-mêmes. Et non seulement aurons-nous alors ce qui nous convient au lieu de subir ce que d'autres veulent bien nous imposer ; mais nous aurons développé notre personnalité, notre esprit d'initiative, notre sens des responsabilités : nous pourrons faire de grandes choses pour notre pays. Deux hommes publics se rencontrent sur quelque bateau ou quelque île de l'Océan et communiquent aux journaux le texte d'une charte de l'Atlantique. L'univers applaudit. Puis on attend passivement que s'ouvre l'ère nouvelle, tout en continuant de marcher exactement dans la voie de l'ère ancienne.
Que deux hommes du peuple se rencontrent, décident ensemble de poser un acte, des actes, pour délivrer leurs frères de la dictature d'argent : même si les journaux n'en parlent pas, ces deux hommes-là ont plus avancé l'avènement d'un ordre nouveau que tout le tintamarre fait aux quatre coins de l'univers autour de promesses vagues dont les financiers se chargent de payer les funérailles.
Les actes de ces deux humbles hommes d'action, le développement de leur initiative personnelle, le rayonnement de leur charité, battent tous les applaudissements et les extases calculées qui ne mènent à rien.
Ce qui faisait récemment écrire par le major Douglas :
"Lorsque, il y a quelque temps, "quelque part en Angleterre", une équipe d'ouvriers, découvrant qu'on les faisait travailler sur du matériel "sujet à l'inspection militaire japonaise", refusèrent de continuer, ils firent quelque chose de plus important que la rédaction de nébuleuses chartes de l'Atlantique"
Pourquoi ? Parce que ces ouvriers posèrent un acte raisonné, cessèrent d'être des automates et proclamèrent implicitement que les institutions sont faites pour servir les hommes, et non les hommes pour servir les institutions. Ils se prirent en main au lieu de se laisser porter sans réfléchir.
Nous aurons le Crédit Social, lorsque nous aurons appris à nous mettre ensemble et à nous tenir ensemble, pour façonner nous-mêmes un régime créditiste, pour bâtir nous-mêmes une économie nouvelle, par des efforts soutenus, par des énergies ordonnées, par des actes répétés, au lieu de l'attendre niaisement du simple geste de faire, en passant, une croix au crayon sur un bulletin de vote.
LOUIS EVEN
1.—Restreindre la production de betteraves à sucre ;
2.—Introduire le rationnement volontaire du sucre ;
3.—Imposer le rationnement obligatoire du sucre ;
4.—Taxer le bonbon des petits enfants.
(Today and Tomorrow)
De Lord Athlone, gouverneur-général du Canada :
"Nous devons voir à ce que notre système économique s'adapte aux exigences des consommateurs plutôt qu'à celles des producteurs."
Très bien. Mais lorsque les produits viennent par la machine, sans contribution personnelle de travail, donc sans salaires correspondants, va-t-on saboter la machine pour qu'elle ne produise plus, ou va-t-on donner aux consommateurs des dividendes pour acheter ce que la machine fait ?