L'Économique – Contre la centralisation

Louis Even le mardi, 01 avril 1941. Dans L'économique

Nous reproduisons ci-après une partie du discours prononcé à la Chambre des Communes d'Ottawa, par M. Norman Jaques le 25 février dernier.

M. Jaques, député de Wetaskiwin (Alberta), étant un créditiste authentique, est naturellement contre la centralisation. Décentralisation, démocratie, crédit social, tout cela va ensemble.

L'emprunt est pris aux pages 1144, 1145 et 1146 du Hansard :

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On soutient que nous luttons pour la démocratie, qu'on a défini le système de gouvernement fondé sur la volonté populaire. Les derniers vingt-cinq ans nous ont apporté deux grandes guerres et vingt années de dépression économique, de banqueroute, de chômage et le reste.

Il serait fantastique de croire que de telles conditions ont été l'effet de la volonté populaire en ce pays ou ailleurs. Quelles influences ont dirigé les gouvernements au cours des vingt-cinq dernières années ? Je me rappelle les paroles prononcées, il y a quelques années, par un ancien sous-gouverneur de la Banque du Canada. Il a dit qu'en certains pays la politique de la banque centrale concorde avec celle du gouvernement, mais qu'aucune banque centrale qui se respecte n'accepterait d'un gouvernement une politique qu'elle ne partagerait pas. Est-ce là la démocratie ?

Écoutez une déclaration de sir Josiah Stamp :

"On n'a jamais vu dans l'histoire d'aussi grands pouvoirs réunis en aussi peu de mains que n'en exerce le Federal Reserve Board des États-Unis. Ces hommes tiennent entre leurs mains le bien-être de l'humanité et un simple geste, voulu ou irréfléchi, de leur part, suffirait à bouleverser l'existence du reste du monde."

Est-ce là la démocratie ?

Au Congrès des États-Unis, en 1931, L. C. McFadden, qui occupait alors la présidence du comité de la banque et de la monnaie du Congrès pour la quatorzième année, disait :

"Je veux qu'il soit bien compris que la finance internationale est presque exclusivement allemande. Le Federal Reserve Board et les banques de réserve fédérale ont jeté tant de milliards de dollars en Allemagne qu'ils n'osent pas en donner le chiffre."

Et plus loin :

"Savez-vous que l'Allemagne prête notre argent à la Russie soviétique dès qu'elle peut l'obtenir chez nous de la Banque de Réserve Fédérale ? Savez-vous qu'elle est l'auteur du plan quinquennal russe ; qu'elle a armé la Russie soviétique et l'a approvisionnée avec nos fonds ? Savez-vous que l'Allemagne et la Russie soviétique ne font qu'un dans le domaine militaire et le domaine industriel ?"

Si je mentionne la chose c'est parce que jusqu'au moment où la Russie s'est plus ou moins alliée à l'Allemagne et a morcelé la Pologne, nos amis socialistes avaient l'illusion qu'ils pouvaient établir une distinction entre l'Allemagne et la Russie ; mais comme je le disais lors de la dernière session, je crois, la seule différence qui existait entre l'Allemagne, l'Italie et la Russie est celle que l'on trouve entre trois œufs. L'Allemagne serait un œuf bouilli, l'Italie un œuf brouillé, et la Russie, un œuf frit. J'en ajouterais un quatrième, la finance, qui serait un œuf pourri. Mais ce sont toujours des œufs, rien que des œufs. Dans chacun de ces cas, tout se résume à un œuf. Rien ne les différencie les uns des autres, comme en fait foi actuellement l'histoire.

M. McFadden, parlant de son pays devant le même Congrès, en 1932, — je cite, notons-le bien les paroles d'un membre du congrès des États-Unis, — disait :

"Nous avons au pays (les États-Unis) l'une des institutions les plus corrompues que l'univers ait jamais connues. Je veux parler du Federal Reserve Board et des banques de réserve fédérale. Cette détestable institution a semé la pauvreté et la ruine dans la population des États-Unis."

Est-ce là la démocratie ?

L'étalon-or

Puis Arthur Kitson, économiste anglais, écrivait dans l'English National Review de mars 1925 :

"Dans la National Review de novembre j'ai éventé sommairement le complot ourdi par des financiers juifs d'origine germano-américaine pour dominer l'univers au moyen du système monétaire dit de l'"étalon-or", et qui menace de réussir avec une rapidité étonnante, grâce au concours de quelques-uns de nos banquiers de Londres.

"Il convient de noter combien nos financiers allemands anglicisés sont unanimes à désirer le rétablissement de l'étalon-or dans notre pays."

Il citait ensuite les noms de sir Félix Schuster, du Baron Schrœder, d'Otto Kahn, de Fruhling  Foschen, de Kleinworth & Co., et d'autres encore.

Le mouvement "Union Now"

Il existe dans tout le monde civilisé un mouvement en faveur de la centralisation. Nous le constatons en Allemagne et nous le constatons aussi dans les pays soi-disant démocratiques. Partout l'on pense à la centralisation du pouvoir, du gouvernement, des affaires. Or la démocratie entraîne sûrement la décentralisation. Un gouvernement démocratique, précisément parce qu'il est un gouvernement conforme à la volonté du peuple, doit reposer sur les bases les plus larges possibles, et conséquemment tout mouvement vers la centralisation n'est pas démocratique, mais tend à la dictature.

Je crois qu'on peut dire aujourd'hui qu'il existe deux concepts philosophiques : la démocratie, qui comporte la décentralisation, et le totalitarisme, qui vise à la centralisation et qui revêt naturellement les formes du socialisme, du nazisme, du communisme et du fascisme ; tous ces régimes ont la même origine et tendent à une même fin qui est la centralisation du pouvoir qu'on enlève au peuple.

Je le répète, il se fait partout un mouvement pour amener la centralisation. Une manifestation de ce mouvement que l'on constate aujourd'hui au Canada et en Grande-Bretagne est ce qu'on appelle Union Now ou "l'union dès maintenant".

D'après ce plan, les nations souveraines démocratiques abandonneraient le pouvoir souverain qu'elles ont sur les forces armées, sur la finance, sur la politique douanière et sur l'administration de la justice. Si cela se produisait, qu'adviendrait-il de notre Chambre des Communes ? Son rôle deviendrait inférieur à celui d'un conseil paroissial.

Pour montrer que ceci n'est pas un rêve fantaisiste, que ce n'est pas un produit de mon imagination ou même que ce n'est pas une innovation survenue depuis la guerre, je citerai l'un des pionniers de l'idée de l'union fédérale. Je veux parler du professeur Arnold Toynbee, membre important de l'Institut Royal des Affaires Internationales. Adressant la parole à la quatrième conférence annuelle de l'institut pour l'Étude Scientifique des Relations Internationales, tenue en juin 1931 à Copenhague, il a dit :

"En somme, il nous faut déplacer le prestige et les prérogatives de la souveraineté en les enlevant aux fragments de la société contemporaine pour les remettre à la société contemporaine entière... Je ne ferai aucune prophétie, me contentant de répéter que nous travaillons aujourd'hui discrètement mais de toutes nos forces à soustraire cette force politique mystérieuse qu'on appelle la souveraineté à l'emprise des collectivités nationales du monde, cependant que nos lèvres répudient l'œuvre de nos mains.

Encore l'étalon-or

Je ne puis ajouter que l'un des grands principes sur lesquels repose ce mouvement de "l'union dès maintenant" est une monnaie universelle à couverture d'or. J'irai plus loin et je dirai que c'est là le but principal sinon unique de ce mouvement de l'"union dès maintenant". Après avoir entendu les éloquentes paroles que le ministre de la Justice a prononcées l'autre soir au sujet du peuple de la Grande-Bretagne et des sacrifices qu'il s'impose en vue de sauvegarder ses libertés, je me demande si l'esclavage économique doit être la rançon de sa liberté matérielle. Tel est d'ailleurs l'effet que l'étalon-or a présentement et qu'il a toujours eu. Il engendre l'esclavage international et rien d'autre ; et j'affirme que c'est là le but principal de ce mouvement de l'Union Now, de "l'union dès maintenant."

Au lieu d'abandonner notre souveraineté aux combinards et prêteurs d'argent internationaux, nous devrions fortifier la souveraineté du Canada, en lui restaurant le contrôle absolu de sa monnaie et de son crédit.

Louis Even

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