L'économique - Comment, sans banque ?

Louis Even le mercredi, 15 octobre 1941. Dans L'économique

Un lecteur nous demande comment le gouvernement d'Alberta peut émettre du crédit, sous forme de ristourne aux acheteurs, alors qu'il ne possède pas de banque. Puisqu'il ne possède pas de banque, et puisque les banques ne doivent pas accepter ce crédit, comment ça peut-il fonctionner ?

Ce crédit fonctionne sans la banque à charte, justement parce qu'il sert entre acheteurs sans avoir besoin de passer par la banque à charte.

La difficulté n'existe pas lorsqu'on sait au juste ce qu'est une banque et ce que sont les maisons de crédit du gouvernement albertain.

Une banque est un bureau de comptabilité, plus l'hypnotisme qui mystifie le public et le fait croire à quelque chose de divin, d'inimitable et d'intouchable.

La maison de crédit du gouvernement albertain est un bureau de comptabilité, plus la lumière mise à la portée de tout le monde.

Pour échanger, on a besoin du bureau, mais on n'a pas besoin de l'hypnotisme.

Si nous n'avions pas du tout d'argent, tout en ayant bien des choses de valeurs très variables à échanger les uns avec les autres, on songerait à établir un système d'argent. Choisirait-on le système des banques, ou le système des maisons de crédit ?

C'est justement ce qu'on fait en Alberta. On n'a pas assez d'argent. On complète. Pour compléter, on recourt simplement à une comptabilité entre les échangeurs qui ont confiance dans cette comptabilité-là.

Ceux qui n'ont pas confiance dans une chose faite pour eux par leur gouvernement ne se servent pas de ce crédit-là et n'obtiennent pas de ristourne ; ils continuent de réserver leur confiance à la comptabilité du banquier. Pourtant, le banquier, au lieu de donner des ristournes, fait monter les dettes.

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Comment fonctionne le système de l'Alberta ? Nous l'avons déjà expliqué en détail. Nous devrons y revenir pour nos nouveaux lecteurs. Mais, brièvement, c'est très simple.

Vous avez cent dollars en argent ordinaire. Vous le portez au bureau local du Trésor (maison de crédit). Le bureau vous écrit $100.00 de crédit dans son livre.

Vous allez acheter chez un marchand qui accepte la comptabilité du gouvernement. Un habit : $25.00. Vous remplissez une formule toute préparée, ressemblant à un chèque : Transférez au compte du marchand la somme de $25. Le marchand reçoit votre papier signé, et vous emportez l'habit.

Demain, le marchand va au bureau et dépose la formule que vous avez signée. On appelle cette formule un certificat de transfert. Le bureau diminue votre compte de $25 et augmente celui du marchand de $25. Il transfère $25 de votre crédit au marchand.

L'achat, la vente, a eu lieu, sans passer par la banque, mais en passant par un bureau qui vaut bien le bureau du banquier, puisque c'est le bureau du gouvernement.

Au bout du mois, lorsque le gouvernement donne des ristournes, les bureaux du Trésor augmentent simplement le compte qui reste à chacun, tout comme un banquier augmente le compte d'un emprunteur. Il y a émission de crédit ; mais pas de prêt, pas d'intérêt réclamé ; il y a émission et donation. Donation en récompense de l'acte d'achat d'un produit albertain par du crédit albertain. C'est qu'en effet, cet achat de produit albertain, en tournant le dos au banquier, active la production de la province, sans l'endetter.

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C'est un système analogue que les créditistes de la province de Québec introduiront, même avec dividendes directs d'après la population des familles, lorsqu'ils seront suffisamment renseignés et puissamment organisés.

Mais, au lieu de le faire établir par le gouvernement, qui a trop de liens et qui peut chavirer d'une élection à l'autre, les créditistes de la province de Québec songent à l'établir eux-mêmes, entre eux. Alors, même si le gouvernement change, ils garderont leur crédit à leur service ; tout comme le banquier garde aujourd'hui son pouvoir, quel que soit le gouvernement en selle.

Les créditistes de la province de Québec s'ouvriront des bureaux de comptabilité d'échange, dès qu'ils auront appris à avoir confiance en ce qu'ils font eux-mêmes, au lieu de donner leur confiance à un comptable qui les endette.

Si nous n'étions que cinq familles, produisant des choses différentes et nous connaissant assez les unes les autres pour entretenir une confiance mutuelle, hésiterions-nous à établir entre nous une comptabilité interne, ou préférerions-nous confier la chose à un étranger que nous ne connaissons que comme exploiteur ?

Si nous étions dix dans cette même condition, nous n'hésiterions pas plus, et nous aurions plus de choses à échanger.

Si nous sommes 50,000, 100,000, nous avons toutes les choses utiles à échanger. Notre confiance devrait naturellement augmenter avec le nombre, avec l'augmentation possible de la production. Si nous avons confiance les uns dans les autres, pourquoi ne pas établir notre propre comptabilité d'échange ?

Les partis politiques ont détruit la confiance. La rareté d'argent, imposée par un système de dette, nous a jetés les uns contre les autres pour arracher une part du trop peu d'argent. Et le banquier nous fait dire après cela : "Vous voyez bien que vous ne pouvez avoir confiance les uns dans les autres ; ayez plutôt une confiance passagère dans les rouges, passagère dans les bleus, et perpétuelle en moi."

Le Crédit Social redresse le désordre. Il associe les abonnés à VERS DEMAIN autour du même idéal — le bien de tous, l'abondance accessible à tous. Il détruit les haines partisanes. Il éclaire sur le véritable rôle de l'argent, sur la comptabilité des échanges.

Dès que nous aurons réussi à enrôler suffisamment de familles dans cette association, de production et de distribution variée, et de grande confiance mutuelle ; dès que les familles abonnées en nombre suffisant dans chaque paroisse seront bien organisées et prêtes à faire affaire, par une simple comptabilité, avec tous ceux qui leur rendront la même confiance — alors qu'aurons-nous besoin du banquier pour nous fabriquer des dettes ? Qu'aurons-nous besoin d'attendre la conversion des politiciens pour faire une chose que nous pouvons très bien faire nous-mêmes ! L'heure sera venue de récolter les fruits de notre confiance les uns envers les autres, de notre confiance dans la capacité productive de notre pays, — le crédit de notre association, notre crédit social.

Louis Even

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