L’économique - Comment rendre l’argent au peuple

le dimanche, 01 septembre 1940. Dans L'économique

Les créditistes, comme aussi les réformistes qui se contentent des propositions du Rév. Père Lamarche, veulent un système monétaire qui rende l'argent au peuple.

Lorsqu'on parle de rendre l'argent au peuple, cela ne veut pas dire : prendre l'argent dans les poches des uns pour le mettre dans les poches des autres, comme le font les taxes imposées par les gouvernements pour payer les secours directs.

Çà, c'est prendre de l'argent dans la poche d'Arthur pour le mettre dans la poche de Zéphirin. Cela ne fait qu'appauvrir Arthur pour empêcher Zéphirin de crever. Cela veut dire que Zéphirin n'a pas le droit de crever avant Arthur. Mais comme Arthur et Zéphirin sont tous deux du peuple, ça n'augmente pas d'un sou l'argent du peuple.

Pour bien comprendre la question : Comment rendre l'argent au peuple ? - - il faut savoir d'abord trois choses :

Primo : Les banques ne devraient pas avoir le droit de fabriquer l'argent.

Secundo : Le gouvernement devrait être le seul à fabriquer l'argent.

Tertio : Il devrait en faire autant que le pays en a besoin en face des possibilités de production.

Quand le pays a-t-il besoin d'argent ? Quand il y a du chômage et que ceux qui chôment ne sont pas assez riches pour vivre à rien faire.

Ah ! comme ça, c'est quand il n'y a pas d'argent que les gens chôment et se livrent à la paresse, au désordre, à la révolution et au communisme ? Il y a pourtant des gens qui disent que les hommes sont paresseux lorsqu'ils ont de l'argent. Qui dit cela ? Les imbéciles et Beaudry Leman.

L'histoire prouve exactement le contraire. De 1925 à 1930, il y avait beaucoup d'argent dans le pays. Tout le monde travaillait comme des fous, il n'y avait pas de paresseux et on ne parlait pas de communisme. De 1930 à 1940, le niveau de l'argent était d'un tiers plus bas. Résultat : chômage, paresse, communisme. Il manque plus d'un milliard d'argent dans le pays pour remettre le travail tant soit peu à flot.

Comment donc arrêter le chômage, la paresse et le communisme ? En mettant de l'argent dans le pays. Quel argent ? De l'argent nouveau que le gouvernement fera et mettra dans le pays. Où dans le pays ? Là où il en manque. Où en manque-t-il ? Dans les poches de tout le monde.

Comment rendre cet argent à tout le monde

Il y a trois façons de rendre l'argent au peuple ou à tout le monde :

Primo - - Prêter l'argent.

Secundo - - Faire gagner l'argent.

Tertio - - Donner l'argent.

Première méthode

Prêter l'argent : ça, c'est le système actuellement en vigueur. La banque seule a le droit de fabriquer l'argent qui manque dans le pays. Lorsqu'elle en fabrique, elle le prête au gouvernement. Celui-ci le fait gagner au pays. Et quand les gens du pays l'ont gagné, le gouvernement vient le chercher dans le pays, avec l'intérêt en plus, pour le remettre à la banque. La banque détruit alors le capital et garde l'intérêt comme récompense de son grand dévouement envers le pays.

Conséquence de ce système : Plus la banque fabrique de l'argent, moins il y en a dans le pays pour payer le travail et les fruits du travail. Faut-il s'étonner que les gouvernements semblent n'avoir d'autre moyen que de recourir à l'enrôlement pour diminuer le chômage ?

Deuxième méthode

Dans la deuxième méthode, c'est le gouvernement qui fabrique l'argent à la place du banquier. Puis il fait gagner cet argent au peuple par les travaux publics. C'est cela la méthode préconisée par le R. P. Lamarche dans son livre "Comment rendre l'argent au peuple."

Cette méthode est de beaucoup supérieure à la première, en tant qu'il s'agit de la fabrication de l'argent. Elle n'en diffère pas pour la distribution, mais elle ne reprend pas l'argent une fois mis en circulation.

Certains seraient tentés d'accepter cette méthode transitoirement, en attendant quelque chose de plus conforme à la justice distributive de mieux en rapport avec la logique et la saine philosophie d'une économie qui a comme fin la satisfaction des besoins des consommateurs.

Nous ne sommes pas de cet avis. Nous voyons là une source de désordres presque incurables : patronage, favoritisme, dépendance de l'État à mesure des progrès mécaniques, sans compter l'injustice criante de faire peser les frais des travaux publics sur tous également, quelle que soit leur fortune.

D'ailleurs, rendre une chose à quelqu'un, ce n'est pas la lui faire gagner, mais lui remettre directement ce qui lui appartient.

Le Père Lamarche soutient - - à juste titre - - que l'argent appartient au peuple. Pourquoi alors ne pas le remettre simplement au peuple ? Un loustic suggère un léger changement dans le titre du livre du Père Lamarche : Comment VENDRE l'argent au peuple. Comment vendre au peuple une chose qui, d'après l'auteur, appartient au peuple.

Troisième méthode

L'argent qui manque dans le pays et que le gouvernement fabrique est un surplus qui doit être ajouté aux salaires des individus, de façon à augmenter leur pouvoir d'achat et leur niveau de vie.

C'est la conséquence du progrès bien compris. Sans quoi le progrès n'a plus aucun sens social, donc aucun sens humain. C'est l'aboutissement normal des découvertes et inventions qui n'ont d'autre but que l'amélioration du sort de l'humanité.

C'est aussi un héritage, transmis et grossi de génération en génération. Or un héritage ne se gagne pas. Il se donne et s'ajoute au salaire et autres acquisitions personnelles de l'héritier. Je lègue ma fortune à mes enfants. Pauvres enfants, vais-je les obliger à la gagner de nouveau pour avoir le droit d'y toucher ? Le monde serait un éternel recommencement, s'il fallait toujours repartir de zéro. On sait, au contraire, que le monde est évolution incessante vers un état plus parfait. C'est la définition même de la civilisation.

Un héritage se donne, et c'est la troisième méthode de rendre l'argent au peuple. C'est la méthode proposée par le Crédit Social.

Le Crédit Social veut que l'argent soit fabriqué par un organisme autonome, indépendant des caprices des gouvernements, guidé uniquement par les faits du pays, par les besoins des consommateurs et les possibilités des producteurs.

De plus, le Crédit Social demande que cet argent soit donné à tous et à chacun, en plus du salaire de tous et de chacun, de façon à améliorer le sort de tous et de chacun. Et cela sans enlever rien à personne, ni obliger personne à gagner une chose qui lui appartient par droit d'héritage.

Dr EUGÈNE FORTIN, médecin St-Victor de Beauce

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