Instrument de la finance internationale

Louis Even le vendredi, 15 mai 1942. Dans L'économique

Le "New Order Magazine", publié à Sydney (Australie), présente, dans son édition de février-mars 1942, un article de Mme Lillie Beirne, inti­tulé "La démocratie sera asservie davantage si les maîtres internationaux gardent leur domination." L'article traite surtout de la centralisation finan­cière cherchée sous le masque du mouvement "Union Now".

Les lecteurs de VERS DEMAIN sont déjà au courant de ce mouvement qui voudrait anéantir les nationalités et unir sous un seul gouvernement central l'Angleterre, les États-Unis, le Canada, l'Australie, les démocraties de langue anglaise, en attendant de placer le monde entier sous le même sceptre — pas le sceptre du Christ-Roi, mais celui de Mammon.

Plusieurs créditistes de Québec ont eu l'occa­sion d'entendre l'auteur de l'article, Mme Lillie Beirne, lors de sa tournée au Canada et aux États-Unis en 1940. Comme le monde, las des conditions chaotiques créées par les interventions des financiers internationaux, semble disposé à ac­cepter presque n'importe quoi, même un change­ment justement appuyé en sous-main par les mê­mes dominateurs financiers, nous croyons utile de reproduire ici une bonne partie de l'article de Mme Beirne.

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Le sujet d'une Union Fédérale est depuis assez longtemps à l'étude aux États-Unis et au Canada. Je l'y ai trouvé très discuté dans les organisations et clubs féminins, où l'on étudie et propage les idées émises par Clarence Streit dans son livre "Union Now". Je me suis aperçue qu'on apportait beaucoup d'intérêt aux vues exprimées par cette vieille idée sous un nouveau nom.

Je dis "vieille idée", parce que, dès les temps les plus reculés de l'histoire connue, on constate cette tendance à vouloir ravir la liberté des indi­vidus et la souveraineté des peuples, pour établir un contrôle centralisé.

On donne toujours comme raison que telle ac­tion est nécessaire pour remédier à des maux exis­tants. La théorie exploitée, c'est que, les peuples pris séparément ne pouvant manœuvrer leurs pro­pres affaires, il est nécessaire de lier les nations ensemble. Je proteste tout de suite contre cette conclusion ridicule. Ceux qui raisonnent ainsi ignorent toujours la cause de l'inaptitude des individus, ou des nations, à vivre ensemble en har­monie ; ils ignorent la cause et ne traitent que des effets.

Le livre de Clarence Streit, "Union Now", agit sur l'émotivité du lecteur. "Dans quelle situation terrible nous sommés ! se dit-il. Nul ne semble savoir quoi faire, et nos gouvernants n'ont ni la lumière ni la capacité de nous dire quoi faire."

Que l'ordre sorte du chaos !

Le désespoir même que chacun éprouve à la vue de l'ordre actuel avec son chaos, avec ses honteu­ses disparités dans la distribution des richesses, avec la haine de classe et la soif de vengeance, qui couvent dans les cœurs, avec les frayeurs en­tretenues et les destructions sanguinaires, tout concourt à tourner les hommes désemparés vers le rêve d'une union avec des partenaires internationaux qui semblent puissants.

"Oui, dit-on avidement sous le poids de l'an­goisse, oui, voilà le remède aux grands maux du jour. Lions-nous ensemble en une fraternité solide et forte, de sorte que personne n'osera nous as­saillir, ni troubler notre paix et notre sécurité."

Vains espoirs

On ne s'arrête pas à se poser une simple ques­tion : "Qui appuie ce mouvement d'une Union Fédérale ? On entend la musique, mais qui paie le musicien ?"

L'Union Fédérale est simplement la progéniture émasculée de la vieille et pathétique Ligue des Nations, conçue en Amérique et morte avant sa naissance : la Ligue fut pratiquement enterrée lorsque la Banque des Règlements Internationaux en devint la grand'marraine. Et de même que la Ligue des Nations fut sous le contrôle des mono­poleurs de l'argent, de même la Federal Union sera sous le contrôle des mêmes dictateurs inter­nationaux.

Là où il n'y a pas de liberté financière, il ne peut y avoir de liberté démocratique. Là où il n'y a pas de liberté financière, il ne peut y avoir de liberté économique, ni de sécurité pour les indi­vidus ou les nations.

Ceux qui préconisent l'idée d'Union Fédérale oublient complètement, soit de propos délibéré soit par ignorance, le fait qu'un contrôle financier vicieux est la véritable cause de l'impuissance des nations et des peuples à vivre en harmonie.

Chaque rencontre entre les autorités mondiales et les États et Unions internationales ; chaque ren­contre entre les autorités britanniques et celles de leurs dominions ; chaque rencontre entre les auto­rités américaines et les autorités des nations al­liées — toutes prouvent le désespoir et l'impuis­sance de ceux qui, à la surface, contrôlent les destinées des démocraties, maintenant reconnues comme pays financièrement asservis.

Étudiez ces faits

Le mal fondamental, c'est que les chefs de tou­tes nos démocraties refusent de saisir les réalités actuelles. Ou ils ne peuvent ou ils ne veulent pas se rendre compte que l'humanité est arrivée à un stage de son développement où la capacité de production est tellement énorme que les vieilles méthodes du salariat, et autres formes analogues de rémunération ou de distribution, sont devenues complètement usées, désuètes et doivent faire place à un système qui prenne les faits réels en considération.

Ce conservatisme inintelligent a une portée con­sidérable sur les guerres, la destruction et toutes les souffrances qui en découlent.

Aucune de ces Unions, fédérales ou autres, ne peut prétendre à un redressement efficace tant qu'elle s'en tiendra à une structure économique et sociale mal orientée, refusant de tenir compte des simples faits suivants :

1— La capacité productive d'une nation doit dé­terminer son niveau de vie ;

2— Il est impossible d'employer toute la main-d'œuvre ouvrière dans les conditions modernes de production mécanisée ;

3— Il est faux de croire que le chômage des hom­mes signifie l'effondrement du système pro­ductif ;

4— La cause des privations qui accompagnent le chômage, c'est le refus de reconnaître dans le manque d'emploi la preuve du progrès scienti­fique de l'humanité, dont toute l'humanité doit être rendue bénéficiaire ;

5— Le pouvoir d'achat doit être alimenté par d'autres méthodes que les salaires ou diverses formes de paiement, si l'on veut que le peuple exerce une demande effective sur l'immense capacité de production moderne. La monnaie doit-être un instrument pour faciliter l'écoule­ment des marchandises, au lieu d'être elle-même considérée comme une marchandise pré­cieuse. Les ploutocraties cherchent, même ac­tuellement, à retourner à l'étalon-or, et pour­tant tout effort dans cette direction n'a jamais apporté que des maux et des privations.

6— Les faits physiques doivent être fidèlement re­flétés par des faits financiers.

M. Graham Towers, président de la Banque du Canada, admet que "Tout ce qui est physiquement possible est aussi financièrement possible". À la question : "Croyez-vous que ce qui est physi­quement possible peut être rendu financièrement possible ?" il répond en effet, sous serment : "Bien certainement".

Une Commission Royale établie en Australie pour faire enquête sur la banque, est allée beau­coup plus loin que cela.

Gare au contrôle centralisé !

L'Union Fédérale ignore ces facteurs impor­tants. L'Union Fédérale dit : Nous allons nous rendre si forts que nul n'osera nous toucher. Nous établirons un contrôle si puissant et si centralisé qu'aucune section n'osera s'avancer et réclamer ce que les contrôleurs centraux ne jugeront pas con­venables et appropriés.

Pour nous, hommes et femmes, cela signifie, en langage net : Nous serons forcés, sous une Union Fédérale, de céder tous les droits que nous possé­dons, même nos droits financiers, si maigres soient-ils, et toutes les libertés qui nous restent, même celle de choisir le genre de vie qui nous con­vient.

Peut-on trop se défier du contrôle centralisé ?

Lillie BEIRNE

Louis Even

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