Fusion et centralisation

Louis Even le samedi, 15 novembre 1941. Dans Réflexions

Une dépêche de la B.U.P., datée de Windsor (Ontario), le 29 octobre fut reproduite en première page de plusieurs de nos journaux (Voir "Action Catholique du 29 octobre). Cette dépêche a trait à un discours prononcé par l'hon J.-P. Thorson, ministre canadien des services nationaux de guerre, devant un groupe de Canadiens et d'Américains.

Après avoir rappelé comment les États-Unis, l'Angleterre et le Canada sont trois nations étroitement associées dans le conflit actuel, pour la défense des libertés démocratiques, l'hon. Thorson exprime le vœu suivant :

"Souhaitons qu'avant qu'il soit trop tard, ces associations soient fusionnées en une seule, une grande union des dernières nations libres du monde."

Ainsi, pour l'orateur, l'association étroite ne suffit pas. Il faut l'union, la fusion des trois pays.

C'est le thème favori de Clarence Streit aux États-Unis, appuyé par un groupe anglais et un groupe américain dans lesquels l'influence juive et maçonnique se fait fortement sentir ; appuyé au Canada par M. Philpott, de Vancouver, et par notre M. Jean-Charles Harvey, du "Jour", à Montréal. On sait aussi où s'inspire le "Jour".

Mais voici que, maintenant, un ministre canadien parle publiquement dans le même sens.

Nous avons déjà expliqué à nos lecteurs ce que serait cette union. Le gouvernement central, pour les trois pays, aurait le contrôle souverain de la citoyenneté, de la police et du système d'argent. Il resterait aux parties constituantes le droit de faire des discours et le devoir de se soumettre.

Assurément, il y aurait un Parlement central, élu au prorata des populations. Notre Canada pourrait avoir 3 députés sur 50. Les gens de nos villes et de nos campagnes auraient le plaisir de choisir trois hommes entre une demi-douzaine de candidats sortis de Toronto, de Vancouver, de Winnipeg, dont ils n'ont peut-être jamais auparavant entendu prononcer le nom. Belle représentation !

Et ces 50 représentants de l'Angleterre, des États-Unis et du Canada (3 pour tout le Canada) feraient les règlements économiques pour les trois pays.

Puis ces règlements seraient mis en force sous la direction d'un conseil exécutif de cinq membres, les ministres suprêmes. Trois des cinq membres seraient élus par le peuple des pays fusionnés. Donc, là encore la démocratie serait sauvegardée : nos habitants iraient aux urnes pour choisir trois hommes, triés cette fois-ci parmi les amis des grandes maisons financières de Londres, de New-York ou de Chicago. Pourquoi pas Israël Moïse Sief, Bernard Baruch et Samuel Cohen ?

Baptiste aura de bons ministres à la tête de la grande Union démocratique ! Nommés pour cinq ans. Le temps pour Baptiste de s'acclimater au régime ou de mourir de désespoir.

La constitution est toute tracée. Nous venons d'en résumer les articles IV et V. Il ne reste plus qu'à l'imposer du soir au matin, comme mesure de guerre et préliminaire d'après-guerre.

On se plaint de la centralisation à Ottawa. Elle est assez désastreuse. Bagatelle ! Il faudra maintenant la centralisation à Londres ou à Washington. Peut-être trouvera-t-on moyen d'y faire entrer Moscou. M. Jean-Charles Harvey ne nous a-t-il pas déjà assurés qu'après la guerre, le monde sera réformé et organisé sous l'influence de quatre grandes puissances : l'Angleterre, les États-Unis, la Russie et la Chine ?

Le fait est que, pour citer Spitfire dans Today and Tomorrow du 9 octobre :

"Vu que le public connaît de mieux en mieux la question de l'argent et se rend compte de la dictature exercée par une clique de banquiers internationaux, ces puissances démasquées prennent la frayeur. Aujourd'hui, en effet, chaque nation souveraine jouissant d'une constitution démocratique PEUT rejeter le joug de l'esclavage financier : il suffit que le peuple affirme son autorité constitutionnelle et insiste pour une réforme de son système monétaire. Si un pouvoir exterieur voulait entraver sa volonté, les forces armées de la nation seraient là pour protéger sa souveraineté démocratique.

"C'est pourquoi la finance internationale a décidé de détruire les constitutions démocratiques et d'obtenir le contrôle des forces armées. Comment y réussir ? Simplement en groupant les nations démocratiques en une seule union fédérale, sous le contrôle éloigné d'un petit groupe trié sur le volet, ayant le contrôle absolu sur la finance et sur les forces armées, exerçant ainsi un pouvoir dictatorial absolu que personne ne pourra plus défier."

Naturellement la dictature de l'argent ne proclame pas son complot, mais elle fait pression pour atteindre sa fin. À la faveur de la guerre, atmosphère idéale pour les centralisations, elle pousse à placer les forces armées et le contrôle économique sous une puissante domination centralisée et centralisatrice. Non seulement pour la durée de la guerre, mais pour le monde de demain.

Que ne cherche-t-on pas à nous faire avaler sous prétexte de défense de nos libertés ? Jusqu'à la perte de notre liberté elle-même, en la noyant majestueusement dans une grande union ploutocratique Nous sommes entrés en guerre parce que l'Angleterre était entrée en guerre. L'Angleterre a déclaré la guerre, nous a-t-on toujours affirmé, par pur altruisme, pour permettre aux nations moins fortes de conserver leur indépendance. Et c'est pour cela que nous devrions sacrifier nos propres indépendances nationales !

Nous nous battons pour que la Pologne soit la Pologne, que la Hollande soit la Hollande, que le Danemark soit le Danemark, pour que toutes ces nations, et d'autres, ne soient pas perdues dans un fusionnement germanique. Et comme récompense nous sortirions de cette guerre perdus dans un fusionnement anglo-saxon où il n'y aurait plus ni Anglais, ni Américains, ni Canadiens, mais 200 millions d'hommes sous la conduite d'un gouvernement par nature inaccessible aux aspirations légitimes des habitants de la Province de Québec ou de toute autre province, voire même du Canada. Qu'on parle d'association, d'entente, de traité conclus sans nous consulter : passe encore — c'est la guerre. Mais, de fusionnement, d'abdication de notre souveraineté sur la citoyenneté, sur l'immigration, sur les forces policières, de consolidation de la dictature financière derrière un gouvemement central éloigné, nanti de tous les pouvoirs qui comptent — au diable ! Nous n'en sommes plus. Veut-on figer l'enthousiasme du peuple auquel on demande du sang, des sueurs et de l'argent pour une cause proclamée sacrée ? Ferions-nous donc la guerre pour perdre le peu qui nous reste ?

Louis Even

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