L'avis suivant paraissait sous forme d'annonce encadrée, dans La Tribune du 19 janvier :
M. J.-A. Blanchette, député fédéral du comté de Compton, sera à l'Hôtel New Sherbrooke, à Sherbrooke, le mardi 23 janvier, de 8.00 heures a.m. à 3 heures p.m., pour rencontrer les électeurs de son comté.
Voyez-vous les électeurs de Lac Mégantic faire 120 milles pour aller à Sherbrooke, en dehors de leur comté, rencontrer leur important député, les routes bloquées de neige à cette saison les forçant de s'accommoder des heures de train, limités à cette seule journée, entre 8 heures du matin et 3 heures de l'après-midi, un mardi, donc payant le tarif ferroviaire maximum ? Jurons qu'il va être plus condescendant pendant la campagne électorale.
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C'est M. Morris W. Wilson, président de la Banque Royale, qui dit aux actionnaires dans son discours annuel :
Si, pour une raison ou pour une autre, la paix devait venir dans un temps relativement court, on retournerait sans difficulté aux conditions satisfaisantes qui prévalaient avant l'ouverture des hostilités.
Que pensent de ces conditions satisfaisantes le million de Canadiens aux secours directs et les centaines de mille jeunes gens sans emploi ?
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Du Droit d'Ottawa, du 10 janvier :
Famille de sept enfants. Ils reçoivent du secours de la ville, mais ce n'est certes pas suffisant pour la nourriture et les vêtements. Un garçon de 14 ans n'a pas de pantalon convenable pour aller à l'école. Un autre de 7 ans n'a pas de sous-vêtements. Trois petites filles, 12 ans, 10 ans et 7 ans, auraient besoin de chandails. La maman, qui attend un autre bébé dans quelques mois, n'a pas un seul vêtement pour ce nouveau-né.
Ceci à l'ombre de la colline parlementaire ! Lesquels intéressent nos législateurs, le président de banque ou la nichée de jeune capital humain ? Demandez-le aux péroreurs électoraux : c'est le temps.
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D'un récent numéro du Wall Street Journal (New York) :
La production industrielle des États-Unis vient de dépasser le niveau de 1929. C'est la plus grande nouvelle annoncée depuis dix ans.
Le même journal rapporte dix millions de chômeurs aux États-Unis !
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De la Gazette de Montréal, (éditorial), du 5 février :
Pour une plus grande efficacité dans la conduite de la guerre, il importe de laisser le champ financier libre au gouvernement fédéral. Villes et municipalités doivent minimiser leurs travaux, remettre à plus tard les améliorations, s'imposer des sacrifices, pour ne pas affaiblir la source des argents nécessités par la guerre.
La guerre finie, c'est la pompe centrale d'Ottawa qui fonctionnera près des contribuables. La guerre va accélérer la centralisation financière.
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De la Gazette du 3 février :
La science appliquée réalise des merveilles au service de la guerre. Telle la téléphotographie aérienne utilisée par le service géographique de l'armée. Le caméra aérien relève des détails imperceptibles à l'œil humain. L'agrandissement révèle jusqu'à l'absence de barreaux dans des échelles situées à des centaines de pieds. Moyennant des applications stéréoscopiques, le paysage est reproduit en relief ; on distingue les moindres conformations du terrain, les abris d'hommes, les sentiers dans les bois...
Que ne peut le génie humain lorsque l'argent est à son service ? En temps de paix, autre merveille on se contente du chômage et du refrain : Pas d'argent !
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Le projet d'une banque à charte fédérale propriété du gouvernement albertain ne doit guère être agréable aux banquiers. Leurs valets crient. D'un éditorial du Star de Montréal, 3 février :
Une chose que le gouvernement fédéral voudrait certainement savoir, c'est pourquoi Aberhart veut une banque à charte opérant dans une province, distincte des banques à charte fédérales ordinaires qui peuvent faire affaires partout où elles ont des succursales. Est-ce qu'une banque exclusivement albertaine pourrait faire quelque chose que l'une des autres banques ne pourrait ou ne voudrait faire tout aussi bien ?
Aberhart doit savoir si les autres banques VEULENT faire tout aussi bien: n'a-t-il pas eu des preuves de leur empressement à servir le peuple de sa province ?
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Du Financial Times de Montréal, du 2 février :
Parlant à l'assemblée annuelle de la Canada Mortgage Corporation, M. Gordon Osler, président, remarque le développement économique phénoménal du Canada entre les années 1914 et 1940. Production de blé, triplée ; production minérale presque quadruplée ; rendement manufacturier doublé ; développements hydro-électriques quadruplés ; dépôts bancaires plus que doublés ; actifs des compagnies d'assurance presque huit fois plus grands.
Les discours de M. Manion ajoutent 7 fois plus d'or, 4 fois plus de nickel, 3 fois plus d'industrie en général. Deux oublis : Combien de fois plus de dette sur le dos des Canadiens ? Combien de fois plus de privations dans les maisons ?
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De La Presse du 3 février :.
En économiste très averti, le principal du McGill, M. Cyril James, a traité à fond des répercussions économiques de la guerre. D'un côté, le conférencier a fait saisir les immenses avantages que nous allons retirer d'une production centuplée ; d'autre part, il se demande si, la guerre finie, le Canada sera prêt à la réadaptation au rythme normal. Rappelons-nous, dit-il, que l'après-guerre avec la prospérité de 1920 amena la crise effroyable de 1929. Or c'est aujourd'hui, et non demain, qu'il faut songer que les fabriques de chars d'assaut devront usiner des tracteurs agricoles, que les avions de guerre devront devenir des avions de commerce, que les fusils devront devenir des clavigraphes. Nos industries devront reprendre leurs œuvres de paix ; il y aura des milliers d'hommes à diriger et à encourager.
À diriger dans les sentiers du chômage ? À encourager à la patience ? Les "économistes très avertis" devraient nous dire ce qu'ils entendent par "rythme normal" de la production en temps de paix. Aussi, dans une étude qu'on dit "poussée à fond", nous montrer comment la prospérité a déclanché une crise effroyable ! Et dans tout ceci, pas un mot de l'argent ! Ne fut-ce jamais un problème ? À moins que La Presse ait trié dans son rapport !
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Du Labor Paper, de Washington :
Silas H. Strawn, avocat de compagnie et champion endurci du capitalisme le plus outrancier, déclarait au cours d'ure causerie donnée dans un petit collège de Middlebury (Vermont) : "Je ne puis sympathiser avec la conscience élastique de ces professeurs qui invectivent contre le système capitaliste, alors qu'ils sont sur la liste de paie d'un collège ou d'une université dont le budget, sinon l'existence, dépend de la générosité philanthropique de capitalistes qui dotèrent l'institution du fruit de leurs économies.
Autrement dit, parce que quelques capitalistes et financiers passent, d'une main, aux institutions d'éducation une parcelle des millions que, de l'autre main, ils ont soutiré d'un public pressuré, le personnel enseignant doit se taire et la jeunesse apprendre à respecter les voleurs. Ces méthodes et cette philosophie se trouvent ailleurs qu'à Chicago.
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Adélard Godbout, premier-ministre, cité dans La Tribune du 16 janvier :
Je suis absolument convaincu que la solution du problème du chômage est dans le développement de l'agriculture.
Damien Bouchard, ministre du même cabinet, cité par la Presse Canadienne du même jour (parlant à Vancouver) :
La seule façon de régler le chômage est d'établir un programme de travaux publics et de n'employer que les sans-travail.
Prenons les deux ensemble : augmentation de produits non vendus et augmentation de la dette publique !