Canadienne, où es-tu ?

Gilberte Côté-Mercier le dimanche, 01 juin 1941. Dans Réflexions

On dit, et on doit avoir raison de dire, que la race est ce que les femmes la font.

L'histoire du Canada, l'histoire des Canadiens français nous montre des femmes fortes et courageuses jusqu'au martyre. Aussi notre peuple a-t-il été toujours dans le passé un peuple de braves et de lutteurs.

Dans le passé ? Oui.

Et aujourd'hui, qu'est-il devenu notre peuple ?

Il est resté ce qu'il était. Il sait encore travailler et peiner. Mais la patience d'endurer a surpassé chez lui, depuis quelques années, la force de se battre.

Trompé et vendu par la classe dirigeante, le peuple canadien-français est maintenant celui qui souffre qu'on le persécute. Il est devenu l'esclave écrasé sous la botte des trustards de l'argent et de la politique. Et il en est rendu à croire que la vertu de patience qu'on lui prêche si bien est la plus belle vertu du code. Les Canadiens ont oublié la grande vertu de force.

Mais, oui, regardez donc autour de vous.

Dans les rues et les parcs des villes, tous ceux-là qui se promènent à cœur de jour, en se traînant les pieds, que font-ils de bon pour Dieu et la patrie ? Ce sont des patients, mais non des forts.

Visitez les restaurants. Les jeunes et les moins jeunes qui y passent leur temps à boire, à fumer et à dire des sottises, que font-ils de bon pour Dieu et la patrie ? Ce ne sont pas des forts.

Dans les théâtres et les maisons de débauche, tous ceux qui se vautrent dans le vice, que font-ils de bon pour Dieu et la patrie ?

De tout cela, il y en a chez nous, et il y en a beaucoup ; même à certains jours, on ne voit que de cela.

♦ ♦ ♦

Femmes canadiennes-françaises, est-ce vous qui avez fait ce peuple-là ?

Si vous n'avez pas vous-mêmes taillé le modèle, si vous n'êtes pas directement responsables, pourquoi donc avez-vous permis au saboteur d'entrer ainsi dans votre maison ?

Si vous n'avez pas vous-même donné la permission, mais où donc étiez-vous lorsque le voleur est entré ?

Les âmes de nos Canadiens ont été volées par le vice et la lâcheté. Les corps de nos Canadiens sont battus par la misère et la trahison. Notre province tout entière nous a été arrachée par les étrangers. Plus rien ne nous appartient maintenant chez nous. Où donc étiez-vous, femmes canadiennes ?

Où donc êtes-vous encore maintenant que les hommes se lèvent de toutes parts pour racheter le pays et le peuple perdus ?

Maintenant que tout ce qui reste de bon parmi les hommes du Québec, et il en reste beaucoup, Dieu merci ! s'est levé en une armée de créditistes pleins d'ardeur pour chasser l'ennemi de nos libertés, le maître de l'argent, où donc es-tu, toi, la femme forte ?

Certes, tu vas à l'église, et tu pries Dieu de nous donner son secours. Tu as raison, continue à t'agenouiller.

Mais, dans ta maison, que fais-tu pour aider Dieu dans son œuvre ? Que fais-tu pour éclairer ton mari et tes fils ? Que fais-tu pour les appuyer dans un travail de rétablissement d'ordre dans la société ?

N'est-ce pas toi qui parfois, encourages les hommes à la paresse, en les appelant à ne cultiver que l'égoïsme familial ?

Hâte-toi donc d'agrandir ta vision. Regarde plus loin que les quatre murs de ta maison. C'est au dehors comme au dedans que se règlent tes propres problèmes. Invite ta famille à y regarder, à y travailler et facilite-lui la tâche.

Femme canadienne, il faut que tu sois là dans toutes les grandes œuvres. Il ne faut pas que tu oublies que ton rôle est de donner tout ce que tu as et tout ce que tu es. Donner, donner toujojurs, ne jamais prendre ni songer à prendre.

Donner à la religion, donner à la société les tiens et toi-même.

Mais, lève-toi, femme de chez-nous, lève-toi vite pour qu'on ne cesse pas de chanter "Vive la Canadienne !"

Gilberte Côté-Mercier

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