Baromètre de prospérité

le dimanche, 15 février 1942. Dans Réflexions

C'est La Patrie du 10 janvier qui, à la suite du discours annuel du président de la Banque Royale du Canada, écrivait:

"Le système bancaire canadien est le plus sûr baromètre des affaires du pays, que ce soit en temps de guerre ou en temps de paix. Aussi, les gens du peuple, comme les barons de la finance ou de l'industrie, suivent-ils avidement l'opinion des administrateurs de nos grandes institutions financières, qui accompagne l'exposé des affaires à la fin de chaque exercice."

Nous souhaiterions savoir ce qu'on entend par les affaires du pays. Est-ce que la principale affaire du pays n'est pas d'assurer un minimum de bien-être à ceux qui l'habitent ? Car, après tout, le Ca­nada, c'est un composé d'hommes et de femmes, qu'on a l'habitude d'appeler Canadiens, Cana­diennes, et qui vivent dans des campagnes, dans des villes et des villages, à moins que ce soit dans un coin de forêt. Et c'est bien le sort de ces Cana­diens et de ces Canadiennes qui doit être la grande préoccupation des affaires du Canada.

Et où est le baromètre de la prospérité pour les Canadiens et les Canadiennes de la ville, de la campagne et de la forêt ? C'est, nous dit le jour­naliste, le système bancaire canadien.

Tout le pays, paraît-il, écoute avidement les dé­clarations des présidents de banque pour savoir où en est la prospérité. Tout le pays, "les gens du peuple, comme les barons de la finance ou de l'in­dustrie".

Nous ne connaissôns pas précisément l'attitude des barons de la finance et de l'industrie : leur Mi­lieu ne nous est pas familier. Mais quant au peu­ple, nous croyons le toucher d'assez près, et nous sommes fort surpris d'apprendre que les gens du peuple, pour savoir s'ils sont prospères ou miséra­bles, doivent attendre les discours des banquiers.

Monsieur Duparrois, Madame Latulippe, les affaires vont-elles à votre goût ? Votre vie, la vie de vos mioches, est-elle ensoleillée ? Avant de ré­pondre, Monsieur Duparrois, Madame Latulippe devront sans doute écouter ou lire un discours de M. Beaudry-Leman, de M. Wilson, de M. Car­lisle !

M. Morris-W. Wilson, président de la plus gros­se banque à charte du Canada, a décrété que nous sommes dans une quasi-prospérité, à cause de la guerre. Mais il nous conseille de profiter de la manne et de songer à demain, parce que, la guerre finie, "des difficultés se présenteront inévitable­ment".

Bien édifiants les banquiers : la guerre est une manne, la guerre fait tomber les difficultés, la paix ramène les difficultés.

Et pour ces bonnes notions, pour ces notions super-chrétiennes que nous rappellent les grands hommes du chiffre, La Patrie exprime sa recon­naissance :

"En somme, écrit-elle, c'est une belle leçon d'é­conomie que l'on doit tirer du discours de M. Wil­son. Qu'il en soit remercié et félicité."

Est-ce l'ignorance ou la veulerie qu'on cultive dans ce chenil ?

 

Poster un commentaire

Vous êtes indentifier en tant qu'invité.