Au hasard des lectures

Louis Even le mardi, 15 juillet 1941. Dans En lisant les journaux

Impressionné

Un article de Louis Dupire, dans "Le Devoir" du 18 juin, cite un premier-Montréal du "Herald" du 17 juin, qui commente un discours de M. Herbert Morrison, ministre de la Sécurité intérieure de Grande-Bretagne.

"D'après M. Dupire, M. Morrison a fait "une impressionnante déclaration que nous avions l'intention de commenter l'un de ces jours" Le titre de l'article l'appelle "retentissante".

Et quelle est donc cette impressionnante et retentissante déclaration ?

"Que jamais sous notre forme de gouvernement ne réapparaisse à l'avenir ce honteux paradoxe d'hommes affamés parce que le monde produisait trop de nourriture et grelottant parce qu'il produisait trop de vêtements".

Apparemment, "Le Devoir" n'avait pas remarqué ce paradoxe auparavant. Et notre éminent journaliste de répéter, après le "Herald", la formule trouvée avant la guerre par la Brookings Institution, de Washington :

"Produire non pas moins mais plus de denrées et les produire à un prix qui les poussera dans les mains du consommateur."

La Brookings Institution, le Herald et le Devoir nous diront-ils comment produire à des prix moindres, comment distribuer moins d'argent au cours de la production afin de garder les prix moindres, et mettre quand même assez d'argent entre les mains du consommateur ? Ou bien comment pousser d'une autre manière les produits dans les mains du consommateur ?

Le Crédit Social qui, non seulement constate le paradoxe, mais l'explique et offre la technique pour y remédier, n'a pas encore impressionné M. Dupire ! Si VERS DEMAIN s'appelait "Herald", si quelque créditiste portait un nom sonnant à la Herbert Morrisson, si l'Institut d'Action Politique avait eu la finesse de s'intituler Brookings Institution ou quelque chose de semblable et d'établir son siège social à Londres ou à Washington, sans doute que les journalistes du "Devoir" et des autres faiseurs d'opinion seraient ultra-impressionnés. Ce serait tellement retentissant !

Tout de même, réjouissons-nous de voir le "Herald" et, après lui, "Le Devoir", écrire :

"Nous ne produisions pas trop, nous produisions trop peu. Le public consommateur était là, mais le consommateur était le forgotten man, la quantité ignorée."

Pourquoi ignoré, le consommateur ? Le public consommateur était là, il y est encore. Le produit était là ou pouvait y être, il y est encore ou peut encore y être. Mais l'absence de quelque chose faisait oublier et fait encore oublier le consommateur.

M. Dupire pourrait-il nous dire quand est-ce qu'un consommateur est infailliblement remarqué ?

"Nous produisions trop peu." Est-ce pour cela qu'on nous fait payer 35 millions pour produire encore moins !

Devant les faits

Extrait du rapport annuel de la Social Credit Board d'Alberta, tel que reproduit dans "Today and Tomorrow" du 19 juin :

"Depuis le début de la guerre, on reconnaît de plus en plus, un peu partout, le besoin impérieux d'une réforme monétaire. Il fallait s'y attendre. En nombre croissant, des personnes se rendent compte qu'il doit y avoir quelque chose de radicalement mauvais dans un système d'argent sous lequel on ne peut, en temps de paix, trouver d'argent pour nourrir ceux qui ont faim, vêtir ceux qui sont nus, loger convenablement les familles, alors que, aussitôt la guerre déclarée, des millions sortent pour produire des engins de destruction.

"Considérez le cas typique du jeune homme en bonne santé, qui, avant la guerre, était réduit au chômage et ne pouvait occuper une place appropriée dans la société. Impossible pour lui de frapper un emploi rémunérateur ; difficile pour lui de se nourrir et de s'habiller tant soit peu. Avec la déclaration de guerre, il se trouve soudain en uniforme, bien habillé, bien nourri, bien logé ; il reçoit un enseignement technique dispendieux et on lui place entre les mains une machine de guerre coûteuse. Il est naturel qu'il se pose la question : "Pourquoi ne pouvait-on faire quelque chose pour moi en temps de paix ?..." Oui, en effet, pourquoi ?

"Ne soyons donc pas surpris de voir le mouvement de réforme monétaire déferler sur le Canada, les États-Unis, et en voie de devenir rapidement la question nationale dominante en Australie et en Nouvelle-Zélande."

D'un prêtre apôtre

Un prêtre du bas du fleuve nous écrit :

"Je viens de dévorer la dernière livraison de VERS DEMAIN (numéro du 15 juin). Splendide ! ! ! Continuez, continuez.    

"Vous trouverez un dollar de monnaie-dette pour un certain nombre d'exemplaires de ce dernier numéro. Une offensive va réussir chez mes voisins, les ouvriers. Vous en entendrez parler bientôt, n'en doutez pas."

Où les créchards ?

On nous écrit qu'un certain articulet paru dans une édition récente de VERS DEMAIN, intitulé "Au pays des créchards", a fait gloser certaines personnes qui y voyaient visée la ville de Saint-Joseph de Beauce.

Qu'il y ait ou non des créchards à St-Joseph de Beauce, nous ne sommes en mesure ni d'assurer la chose, ni d'en indiquer la proportion. Cette vermine est malheureusement assez généralement répandue dans les villes et gros villages de la province de Québec.

Mais s'il faut en juger par l'assemblée tenue par nous-même un dimanche, après la grand'messe, à Saint-Joseph, il n'y a rien qui justifie de lui décerner un diplôme spécial sous ce rapport. Bien au contraire. L'assemblée fut présidée par le maire de la paroisse, le maire de la ville s'étant excusé pour une absence nécessaire ; la causerie fut donnée en plein air, du perron de l'église ; la population fut des plus attentives, et nous revînmes avec 16 abonnements et de nouvelles recrues à l'I.A.P.

Voilà qui concorde peu avec l'idée d'une masse immobilisée sous la dictature de quelques créchards. On voudra bien chercher ailleurs une tête pour coiffer le bonnet.

Louis Even

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