Au hasard des lectures

Louis Even le vendredi, 15 août 1941. Dans En lisant les journaux

Leur indigestion

L'article de M. Even dans le dernier numéro : "Le Crédit Social est-il un mouvement provincial ou fédéral" a dérangé les messieurs de l'Union Nationale qui écrivent dans "Le Temps". Ils sont fort ennuyés de voir les créditistes couvrir la province sans se soucier de politiciens d'aucune couleur.

"Le Temps" du 1er août écrit : M. Even connaît-il la constitution ? Sans doute que M. Even la connaît pour le moins aussi bien que celui qui pose la question. Curieux, tout de même, d'entendre ces politicailleurs pousser le même cri que les financiers, lorsqu'on réclame pour les Canadiens le droit de manger le pain canadien qui les attend : Anticonstitutionnel !

"Le Temps" écrit sérieusement : M. Even est belge de nationalité et européen de mentalité. Sans doute que Jacques Cartier, Champlain, Lévis, Montcalm, étaient belges aussi ?

Le journaliste du Temps pourrait-il définir ce qu'il entend par mentalité européenne, puis nous dire quels actes, ou quelles paroles, ou quels écrits de M. Even dénotent cette mentalité ? Et comment se fait-il que VERS DEMAIN soit si bien accueilli dans les foyers canadiens ?

Où était le journaliste qui écrit ces lignes, et que faisait-il, lorsque M. Even enseignait l'histoire du Canada aux petits Canadiens de Montréal en 1910 ?

En quoi aussi le lieu de naissance d'un homme rend-il meilleure ou pire la doctrine qu'il enseigne ? Le fait pour saint Pierre d'être né en Palestine empêchait-il la doctrine chrétienne d'être bonne pour les Romains ? Sans doute que des politiciens ou des courtisans de ce temps-là l'ont dit plus d'une fois.

Au journal "Le Temps", cultive-t-on encore la vieille manie de vouloir nuire à un mouvement en cherchant à diminuer les hommes qui s'y rallient ? C'est vieux jeu ; il faudra trouver mieux.

Le mécontent trouve l'article de M. Even filandreux et entortillé. Pourquoi alors s'en inquiéter si personne n'y comprend rien ? Le fait est que l'article est un peu trop clair pour les messieurs du "Temps". Ils l'ont d'ailleurs eux-mêmes fort bien compris, malgré le bleu de leurs lunettes.

Le journal VERS DEMAIN reviendra d'ailleurs sur le sujet et s'efforcera d'être de plus en plus clair, même si cela fait le désespoir de ceux qui n'aiment pas la lumière étalée devant le public.

"Le Temps" finit par une phrase qui provoquerait tout un article :

"Notre destin est trop grand pour ne relever que d'une question de piastres et de sous noirs."

Nous aimerions savoir si ce n'est pas pour une question de piastres et de sous noirs que le maître du "Temps", M. Duplessis, n'est plus l'administrateur de la province aujourd'hui. Et si ce n'est pas pour avoir les piastres et les sous noirs qui leur manquent, que des Canadiens s'usent à raser nos forêts et à éventrer notre province au bénéfice de trustards... de quelle mentalité ?

Quels immigrants ?

Le journal "Le Jour" — pas pour la première fois — demande qu'on abatte les barrières et qu'on laisse entrer à flot les immigrants au Canada, pour qu'on ait le plaisir d'occuper les Canadiens à travailler pour nourrir ces nouveaux venus. Sans cela, on chômera parce qu'on manque de consommateurs. C'est sérieusement dit :

"L'immigrant ne prend la place de personne ; il donne du travail aux autres. On sait pourquoi : il apporte avec lui des besoins essentiels qu'on ne peut combler que par du travail et des salaires." (Le Jour, 26 juillet).

Il y a bien chez nous des hommes avec des besoins à combler, mais ça ne compte pas. Nos gens, il faut qu'ils travaillent pour avoir le droit de manger. Faisons venir des immigrants, nos gens travailleront pour les nourrir et gagneront ainsi des salaires.

Mais ces immigrants, eux, ne vont-ils pas apporter en même temps des bras à occuper, des bras qui devront bien produire quelque chose ? Cela n'entre pas dans les considérations de M. Jean-Charles Harvey. Les bouches seules comptent, sans doute parce que les immigrants entrevus seront des parasites, surtout s'ils appartiennent à la race que l'on sait et que l'Europe ne peut plus endurer.

Perdent-ils la boule ?

C'est des financiers que nous posons la question.

L'organe de la grande finance internationale, branche américaine, "The Wall Street Journal", dans son édition du 11 juillet, parle du Canada. Il juge que le Canada sortira de la guerre avec de grands avantages, que l'Angleterre gagne ou qu'elle perde. Si elle gagne, dit-il, le Canada, premier des dominions, recevra une grosse part des fruits de la victoire — plus qu'en 1918. C'est à voir ! Si l'Angleterre perd, les États-Unis seront les protecteurs du Canada, et l'Angleterre transférera au Canada une bonne partie des fonctions impériales.

Mais, vu que le Canada aura développé son industrie pendant la guerre, il lui faudra, pour éviter une dépression formidable, maintenir et développer ses marchés extérieurs (fournir les étrangers, même si les Canadiens vivent dans la privation) et faire venir de nombreux immigrants (des étrangers pour consommer les surplus des Canadiens).

Puis, comme les hommes n'existent que pour payer des dettes, selon les financiers, il est important pour le Canada, qui aura vu monter sa dette fédérale à cinq ou six milliards, de trouver de nouveaux contribuables. Donc, ouvrir ses portes et intensifier l'immigration. Lisez :

"Le Canada possède de vastes richesses naturelles, mais n'a encore qu'une population très clairsemée. Le Dominion développe actuellement une économie et empile une dette fantastique qui ne peut être supportée par la population existante. Il semble probable, dès lors, que les efforts du gouvernement tendront désormais à encourager plutôt qu'à décourager l'immigration sur une grande échelle."

C'est nous dire : Votre dette monte, c'est très bien ; amenez d'autres payeurs.

Mais où va-t-on prendre ces autres payeurs ? Les faire venir d'Europe, d'Angleterre et du Continent.

L'Angleterre et les nations continentales n'ont-elles pas aussi des dettes ? Oui, et la dette anglaise est même beaucoup plus forte, par tête, que la dette canadienne.

Pourquoi alors nous conseiller d'augmenter les payeurs ici si ça doit les diminuer là-bas ? Demandez au financier de Wall Street.

Devenu apôtre

Extrait d'une lettre de M. Maurice Talbot, de Québec, datée du 1er août :

"Cette lettre vous parvient d'un citoyen converti. J'avais suivi quelques assemblées créditistes. En entendant parler les autres je trouvais ça trop beau, et je disais : Oh ! ça, c'est du communisme.

"Pourtant, je sentais qu'avant de condamner cette doctrine, je devais l'étudier. J'ai pris le petit journal VERS DEMAIN, un numéro, puis un autre. J'y ai trouvé tellement de choses intéressantes que je me suis abonné au mois de mai.

"Aujourd'hui, je ne puis me contenter de le lire et de le relire. Je veux que tout le monde le lise, et je me suis permis la semaine dernière de prendre cinq abonnés dont je vous envoie les noms.

"Je ne désire pas seulement, mais je veux, de volonté ferme, entrer dans l'I. A. P. et faire ma part, moi aussi. Je commence avec cinq abonnés, mais je vous assure que je n'ai pas fini. Quand on a une bonne chose en main, on se dit : Si j'avais donc connu cela auparavant ! Et on se dépêche de la faire connaître aux autres."

"Les classes aisées parlent de charité, mais, si elles voulaient restituer aux pauvres ce qu'elles leur doivent en justice stricte, elles verraient tout de suite que ces sommes sont infiniment supérieures à leurs prétendues charités." — (Mgr. Bagshaw).

Louis Even

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