Beaucoup de taxes et d'impôts disparaîtraient
"Remplacer par un crédit financier provincial le présent système d'argent de vol et d'endettement perpétuel des banques."
"Puisque le système de crédit financier bancaire ne sert pas adéquatement la capacité de production de la province et la distribution des produits là où sont les besoins, il faut prendre un moyen différent ou complémentaire de mettre la richesse de la province au service de sa population."
par Louis Even
Le mot crédit implique la confiance. Le crédit réel d'un pays, c'est ce qui donne confiance de pouvoir vivre dans ce pays. Ce sont ses richesses naturelles ; ce sont les moyens de production qu'on y trouve ; c'est la compétence et la bonne volonté de sa population ; c'est l'ordre social qui y règne. C'est, en somme, le degré de facilité avec lequel ce pays peut fournir les produits et services répondant aux besoins des personnes, des familles qui l'habitent.
Personne ne peut nier que le Canada, dans son ensemble, est capable physiquement, de fournir à sa population tout ce qu'il faut pour satisfaire ses besoins normaux. Ce qu'il ne peut produire lui-même, par suite de conditions climatiques ou autres, il le cherche à l'étranger, en retour de ses propres surplus offerts à l'étranger.
De même, la province de Québec est certainement capable, physiquement, de répondre aux besoins normaux de sa population. Beaucoup plus facilement qu'au temps où nos ancêtres d'il y a trois cents ans trouvaient déjà le moyen d'y subsister.
À l'étendue du Canada, ce crédit réel est un crédit national. À l'étendue d'une province, c'est un crédit provincial. Dans les deux cas, c'est fondamentalement un crédit social.
Mais dans notre monde moderne, à cause de la division du travail et de la production diversifiée venant de sources diverses — ce qui la rend plus facile et plus abondante — il faut du crédit financier pour mettre en rendement ce crédit réel. Et les difficultés qu'on rencontre dans l'économie, soit à l'échelon national, soit à l'échelon provincial, proviennent uniquement d'une insuffisance de crédit financier, jamais d'un épuisement de la capacité de production du moins pas pour satisfaire les besoins ordinaires de la vie.
Et quand nous parlons d'un crédit provincial, nous voulons dire un organisme provincial voyant à mettre au service de la population de la province le crédit financier nécessaire pour se servir de son crédit réel, de la capacité de production de la province.
Si le gouvernement d'Ottawa, par la Banque du Canada ou par un autre organisme national, voyait à mettre ainsi au service de toute la population canadienne un crédit financier en rapport avec le crédit réel de tout le Canada, il n'y aurait évidemment pas besoin de demander un crédit financier provincial. Le Crédit Social national couvrirait le tout. Les moyens de paiement deviendraient disponibles pour mobiliser la production, où qu'elle se fasse dans le pays ; ils disparaîtraient comme pouvoir d'achat au rythme de la consommation. Là où elle a lieu, où que ce soit dans le pays.
C'est à défaut d'agir du fédéral que nous demandons au gouvernement provincial de le faire à la grandeur de la province.
Mais est-ce que les affaires de banque et de monnaie ne sont pas de juridiction exclusivement fédérale ?
Il n'est ici question ni de banque ni d'impression de monnaie. Il est seulement question d'utiliser les possibilités productives de la province.
Si un texte de loi, rédigé il y a plus de cent ans, réserve au fédéral toute législation en matière de banque, et si le crédit bancaire ne sert pas adéquatement la capacité de production de la province et la distribution des produits là où sont les besoins, il faut prendre un moyen différent ou complémentaire de mettre la richesse de la province au service de sa population.
On ne peut rester esclave d'un texte, ou d'une interprétation de texte, qui va contre la logique autant que contre l'humain.
Les richesses naturelles appartiennent aux provinces, pas à Ottawa ni aux institutions d'Ottawa, bancaires ou autres. Les conditions de travail pour les exploiter relèvent de la province. Pourquoi faudrait-il attendre le bon vouloir d'une autorité ou d'institutions en dehors de la province pour exploiter et utiliser ce qui appartient à la province ?
utonomes dans un Canada uni.
Imaginez un instant la situation suivante : Dix hommes possédant chacun un établissement, et chacun propriétaire de tout ce qui se trouve dans son établissement ; mais une clef unique pour les dix, et cette clef entre les mains d'une onzième personne qui ne possède rien ; puis, chacun des dix propriétaires astreint à devoir demander au détenteur de la clef la permission d'entrer dans sa propre maison, d'utiliser tel ou tel de ses biens, pendant tant ou tant d'heures, à de telle ou telle condition, en payant tel ou tel tribut ?
Absurde, n'est-ce pas ? Mais les dix provinces du Canada n'en sont-elles pas là ?
On peut sûrement qualifier de choquant et anormal un règlement qui, d'une part, confère à chaque province la propriété de ses richesses naturelles et, d'autre part, les oblige à dépendre, pour les exploiter, d'un système sur lequel elles n'ont aucune juridiction ? D'un système qui relève d'Ottawa, alors qu'Ottawa ne possède rien. L'autonomie provinciale dans ces conditions est vide de sens.
On n'a pas le droit de laisser la capacité de production chômer, faute de crédit financier, en face de besoins humains, publics ou privés. C'est priver la population d'un bien (le crédit réel) qui lui appartient. Aucun gouvernement digne de ce nom ne doit le subir plus longtemps.
Sans rien bouleverser, le gouvernement provincial pourrait bien instituer ce que nous pouvons appeler un crédit financier provincial.
Le crédit financier provincial serait une commission relevant du Trésor provincial, du Ministère provincial des Finances, chargée de fournir du crédit financier provincial, correspondant à la mise en œuvre de la capacité productive de la province et aux besoins des consommateurs pour se procurer les fruits de cette production.
Ce crédit financier consisterait en simples chiffres, transférables d'un compte à un autre, pour payer le travail, les matériaux, les produits, les services. Comme le circuit électrique qui vient par le fil d'amenée, et qui disparaît par le fil de retour après avoir servi, de même aussi le circuit monétaire issu du crédit financier provincial retournerait à sa source après avoir accompli son travail.
Si la population sait faire confiance à une comptabilité bancaire axée sur le profit des banques et insensible à la paralysie de forces productives en face de besoins, la population devrait certainement apprendre à faire confiance à une comptabilité de pur service, ne dictant rien, mais répondant automatiquement aux besoins tant que les possibilités de les satisfaire sont là.
Si l'on conçoit assez facilement une telle circulation comptable provinciale, pour des paiements dans les limites de la province, ne serait-ce pas interdire la possibilité de se procurer des produits de source extérieure ? — Pas du tout. Voici comment, par exemple, le gouvernement de la province pourrait présenter sa proposition :
"Une loi est votée pour l'établissement d'une Commission de crédit financier provincial.
"Pour bénéficier pleinement de cette institution, la population de la province est invitée à ne se servir que du crédit financier provincial dans tous les paiements qu'elle effectue dans la province même. Ce crédit financier provincial consistera en comptes créditeurs dans les livres des diverses succursales de la Commission.
"On obtient du crédit financier provincial en apportant et déposant de l'argent bancaire, de n'importe quelle dénomination, à une succursale de la Commission. Le comptable inscrira un montant équivalent au crédit du déposant, tout comme cela se fait couramment dans les banques.
"Le crédit bancaire ainsi déposé sera utilisé pour les paiements à faire en dehors de la province.
"Pour tout paiement, dans la province ou en dehors, l'individu ayant un compte de crédit provincial, signera simplement un « transfert de crédit », avec indication du montant à transférer tout comme pour des chèques ordinaires sur un compte de banque. La succursale du crédit financier provincial sur laquelle est tiré ce transfert effectuera le virement y correspondant. S'il s'agit d'un paiement à l'extérieur, la succursale du crédit financier provincial le fera en argent bancaire puisé dans le fonds constitué par les déposants : le total du crédit financier provincial dans les livres de la succursale s'en trouvera évidemment diminué d'autant.
"On comprend facilement que, si la population prend l'habitude de se désister de l'argent bancaire (voleur) qu'elle peut avoir obtenu d'une source quelconque, aucune difficulté ne surgira pour les paiements à l'extérieur, tant au moins que la population ne s'approvisionne pas plus à l'extérieur qu'elle n'écoule de sa propre production à l'extérieur. (On comprend facilement que cela contribuera à développer énormément nos entreprises provinciales.)
"C'est, en somme, ainsi que fonctionne régulièrement le commerce entre pays différents. Le Japonais qui nous envoie ses produits n'est pas payé en argent canadien, mais en argent japonais ; et vice versa. Le tout se règle sans heurts dans les comptoirs financiers d'échange. Pour ce qui concerne la nouvelle institution, le règlement se fera automatiquement par la Commission du crédit financier provincial lui-même."