Ce n'est pas exagéré de dire que tout Québec créditiste va être à Sherbrooke le 31 août (nous écrivons ces lignes dix jours avant le Congrès).
Oui, tous les créditistes, non seulement de la province de Québec, mais de tout le Canada français où on lit VERS DEMAIN, seront à Sherbrooke le 31 août. Pas en corps, bien entendu, parce que le système d'argent rare que nous combattons ne le permet pas.
Bon nombre de créditistes, aussi, viendraient en corps et en âme, même en y mettant les frais d'autos, n'était-ce le rationnement de l'essence en fin de semaine. Nous croyons qu'en temps normal, le Parc Dufresne, de Sherbrooke, avec toutes les rues voisines, ne suffirait pas pour contenir les Congressistes à l'assemblée du soir.
Mais tout le Canada français va suivre le Congrès en esprit, ce numéro du journal, avec le programme détaillé de la journée, sortant assez tôt pour être chez tous les abonnés avant le grand jour.
Tous présents en esprit, et l'esprit compte chez l'homme, ce ne sont pas les lecteurs de VERS DEMAIN qui l'ignorent.
Pourquoi un congrès ?
Le mot "congrès" (du latin con-gressus) exprime l'idée d'une marche ensemble. Un congrès groupe, dans un cadre solennel, des gens animés d'un même idéal, qui se rencontrent pour examiner leurs positions, récapituler le travail accompli, reformuler leurs objectifs, ré-orienter les activités à venir.
Au Congrès de Sherbrooke, les créditistes vont faire tout cela.
Ils vont fraterniser aussi. Car le Crédit Social crée une sorte de lien familial entre tous ceux qui s'en occupent. Les membres de l'Institut, en particulier, appartiennent à une véritable fraternité politique. Qu'ils viennent de Lac Mégantic ou de Rouyn, de Chicoutimi ou de Magog, de cités populeuses ou de colonies perdues en forêt, dès qu'ils ont décliné leur titre de membre de l'I.A.P., les voilà frères. On se questionne, on se raconte les faits de la propagande locale respective ; on rit ensemble des petites colères, des insomnies ou des indigestions que le mouvement créditiste cause aux coqs de la politique actuelle ; on se décrit les progrès de l'est ou de l'ouest, du nord ou du sud.
Et comme aucun des I.A.P. n'a d'ambition électorale personnelle, comme tous sont des apôtres sans salaire matériel, il ne s'élève point parmi eux de frictions, de jalousies sournoises ; point de querelles mesquines, point de projets de vengeance, point de cabales hypocrites.
Des créditistes, l'observateur le plus impassible se surprend à répéter la remarque que les païens faisaient des premiers chrétiens : "Mais on dirait des frères !" Oui, même si ces frères se découvrent pour la première fois.
Donc, à Sherbrooke, on va fraterniser. Pas autour d'une table de banquet, comme les politiciens qui jouent du violon pendant que leur pays brûle. Pas en faisant circuler un flacon. Pas non plus en débitant des périodes aussi fausses que bien tournées. Les chaudes poignées de main et les visages francs et épanouis qui rayonneront dans la salle du Christ-Roi n'auront besoin ni du factice ni du poison.
Mais le Congrès ne s'arrête pas à cela.
Le Congrès du 31 août doit parafer le beau travail de deux années de VERS DEMAIN, de quinze mois d'Institut, de quatre mois de conférenciers du dimanche.
Le Congrès va dérouler le passé immédiat sous les yeux, non pour éblouir, mais pour encourager ; non pour endormir sur des lauriers, mais pour tirer des directives d'avenir ; non pour provoquer des applaudissements, mais pour susciter des dévouements nouveaux.
On partira du Congrès avec des espoirs affermis, avec des déterminations consolidées, avec des énergies retrempées.
C'est tout cela — et plus que cela — qu'il faut, aux créditistes, pour triompher dans la guerre qu'ils ont engagée contre la plus puissante dictature au monde.
Plus que cela ! Quoi donc, encore ?
Oui, il faudra plus que cela. Nos efforts humains, si intrépides soient-ils, ne sont pas, à eux seuls, suffisants. Les adversaires ont l'appui de l'enfer. Nous devons chercher à mériter l'appui du Ciel. Satan et ses légions tiennent à maintenir dans le monde le régime de désordre qui rend le salut "extrêmement difficile à un nombre considérable d'hommes." Il est juste que nous sollicitions le secours des légions célestes et de leur puissante Reine.
Ce qui explique les actes religieux posés par les créditistes à Sherbrooke : l'assistance en chœur à la Bénédiction du Très-Saint-Sacrement, le chant solennel du Magnificat, le déploiement de la bannière de Marie écrasant le dragon infernal.
Il peut se faire que cette partie du programme ne plaise pas à certains politiciens qui guettent nos activités. Nous ne les avons point consultés et nous nous soucions peu de leurs avis ou de leurs critiques. S'ils disent quelque chose, nous leur montrerons simplement le dragon sous les pieds de la Vierge : le père du mensonge est le père de tous les menteurs — et ils sont plus d'un qui mentent et re-mentent depuis longtemps dans la politique que nous travaillons à mettre au rancart.
Pourquoi le Congrès est-il tenu à Sherbrooke ?
Nous croyons que plusieurs autres villes, dans lesquelles se meuvent des créditistes en nombre imposant et avec des organisateurs dynamiques, auraient pu préparer avec honneur ces assises solennelles. Mais il fallait bien choisir une place, et rien qu'une.
Voici deux ans que Sherbrooke revendique son tour pour un congrès du Crédit Social. Et depuis deux ans, depuis un an surtout, Sherbrooke a fait tout ce qu'il fallait pour mériter ce privilège.
De toutes les villes de sa taille, Sherbrooke est celle qui compte la plus forte proportion d'abonnés au journal créditiste. Elle est toujours au premier rang pour garnir les nouveaux cadres de l'Institut d'Action Politique. À Sherbrooke nous avons depuis le début de la saison un fort contingent de conférenciers du dimanche. D'autres régions — l'Abitibi entre autres — peuvent se prévaloir de résultats aussi brillants ; mais il est géographiquement très difficile d'y convoquer toute la province.
Nous sommes heureux aussi de proclamer que le courage de S. E. l'Évêque de Sherbrooke, Mgr Desranleau, et du curé de sa cathédrale, Monsieur le Chanoine Bourassa, à dénoncer et re-dénoncer les puissances que nous combattons, a influencé notre décision.
C'est donc à Sherbrooke que se sera écrite une page d'histoire le 31 août 1941. Page d'histoire, non seulement pour le mouvement créditiste, mais aussi pour la province de Québec. L'histoire ne s'écrit pas que les jours d'élection.
Page d'histoire — parce que 100,000 cœurs, dans 17,000 familles où pénètre notre journal, auront ce jour-là battu à l'unisson dans l'espoir d'un tournant prochain dans la politique de la province.
Page d'histoire — parce que l'Institut d'Action Politique, l'organisme qui placera demain les destinées de la province entre les mains du peuple même de cette province, aura, ce jour-là, inauguré dans ses cadres l'enrôlement de nouvelles énergies pour mobiliser définitivement toutes les bonnes volontés de toutes les paroisses canadiennes-françaises autour du drapeau créditiste.
Page d'histoire — parce que, ce jour-là, sans ostentation déplacée, mais aussi sans respect humain, les créditistes de la province de Québec, les conducteurs de la politique de demain, auront reconnu carrément que, pour instaurer un régime d'ordre, il faut être tout entier dans la vie publique comme dans la vie privée, du côté des puissances auxquelles Dieu a confié le gouvernement de l'univers.