Un obstacle à l'épanouissement du Crédit Social en Alberta provient de ce que la province avait une industrie trop uniforme — la culture du blé — et devait dépendre de l'extérieur pour presque tout le reste. Le gouvernement créditiste d'Edmonton, qui poursuit continuellement le bien de sa province, a trouvé le moyen de pousser une économie mieux balancée, sans s'ingérer partout, sans dire aux producteurs ce qu'il faut faire. Il le leur fait dire par les consommateurs eux-mêmes au moyen du boni d'achat. Le boni d'achat est un subside à l'industrie de la province, mais à telle industrie, et à tels producteurs particuliers, que le peuple désire lui-même favoriser parce qu'ils servent mieux le consommateur. Ce n'est pas du patronage politique, ni du patronage aveugle, c'est le patronage du consommateur, le mieux à même de savoir s'il est bien servi et quels sont ceux qui méritent des octrois pour leur bon service.
C'est ce qu'exprime l'honorable Manning, ministre provincial de l'industrie, dans un discours radiodiffusé dont voici un extrait :
« Pour établir et encourager une économie industrielle plus diversifiée en Alberta, le gouvernement a trouvé une méthode idéale dans le boni du Programme Intérimaire. Il est essentiel que le peuple tout entier coopère avec le gouvernement en utilisant les certificats de transfert dans ses achats.
"Partout où l'on fait usage des certificats, le gouvernement donne une aide définie, par l'intermédiaire du boni, à tels établissements industriels qui fournissent ce que l'acheteur choisit.
"En même temps donc que le boni au consommateur récompense l'acheteur qui collabore avec son gouvernement pour affranchir la province, ce même boni agit comme subside à l'industrie locale. Ce système de subsides a l'avantage de placer la dispensation des subsides, non entre les mains du gouvernement, mais entre les mains du peuple lui-même, puisque c'est le peuple, par ses achats, qui décide qui va en bénéficier.
"Supposons que le système de bonis n'existe pas et qu'on procède par les méthodes ordinaires. Le gouvernement peut juger que telle industrie, celle du vêtement par exemple, a besoin d'être encouragée. Il va lui faire un octroi. Pour ne pas donner dans le favoritisme, le gouvernement va distribuer l'octroi à tous les établissements de l'industrie du vêtement, indifféremment. Il va encourager l'industrie du vêtement tout entière, même les établissements qui fournissent des produits inférieurs, des produits que les gens n'aiment pas. C'est prendre l'argent du peuple pour aider même des producteurs qui servent mal le peuple.
"Avec le système de bonis au consommateur, non au producteur, cet inconvénient disparaît. Le peuple trouve que tels et tels établissements fournissent de bons produits. Il va acheter de ces établissements. Les bonis reçus par les acheteurs vont être employés à acheter davantage encore de tels établissements qui les servent bien. Les autres devront ou améliorer leurs méthodes, perfectionner leur technique, ou changer de rayon.
"Chaque fois que vous achetez, vous choisissez le produit que vous aimez, et en même temps vous votez un subside à ceux qui fournissent ce produit. C'est la véritable démocratie économique, qui remplace le laisser-faire sans introduire l'intervention politique. Et cette démocratie économique est obtenue justement par le grand principe spécial au Crédit Social : la finance directe de la consommation, la finance de la production par la consommation. C'est le consommateur qui décrète qui va le servir et fait récompenser par la société celui qui sert bien."