Pour l'application du Crédit Social

Diane Boucher le dimanche, 01 août 2004. Dans Théorème A + B

Une histoire en trois épisodes

Une économie de cueilleurs de fruits et de céréales

 

 

L’histoire débute par une économie de cueilleurs de fruits et de céréales avec main-d’œuvre mais sans capital réel, c’est-à-dire sans outils, sans équipement. C’est le modèle 1, dont les équations et les définitions des variables et des paramètres peuvent être trouvées à la suite du texte.

La population du village compte 240 villageois [1], répartis en 40 familles composées d’adultes, d’enfants et de vieillards. Dans chacune de ces familles, quatre personnes sont capables de travailler. Ils sont donc 160 qui se retrouvent chaque matin, sur la place centrale du village, à offrir leurs services pour cueillir des fruits et des céréales, puis les travailler afin de les rendre comestibles [2].

Chacun connaît ses besoins et ceux de sa famille : les 160 travailleurs demandent 4 portions pour renouveler leur force de travail, les 80 vieillards et jeunes enfants se contentent d’une portion. La demande des familles est donc de 720 portions à consommer dans la journée, plus 80 portions mises de côté pour les semences, pour un total de 800. À ces 800 portions de fruits et céréales réclamées par les familles, il faut encore ajouter 200 portions de fruits et céréales qui, après la cueillette, sont mis à sécher pendant quelque temps avant d’être distribués aux familles. La demande totale est donc 1000 portions ou unités de volume [20]. Ce chiffre constitue alors la production désirée pour cette nouvelle journée de cueillette et de transformation [3].

Il n’en est pas un parmi les travailleurs qui ne soit conscient de la valeur que son travail apporte. Ce n’est pas tout de grimper dans les arbres pour cueillir les fruits, il faut casser les coquilles ou enlever les écorces, épépiner, presser pour séparer le jus de la pulpe et faire bien d’autres opérations de valeur ajoutée. Quant aux céréales, il faut courir les champs, arracher les grains, les écraser ou les tremper d’eau ou de jus de fruits ou les faire germer pour ainsi les rendre plus faciles à manger. La valeur ajoutée désirée est certainement 80% de la production désirée (v = 0,8), c’est-à-dire 800 unités [4].

Le salaire que chaque travailleur rapportera à sa famille en fin de journée, c’est une part de la valeur ajoutée qui dépend du travail de tous et qui sera répartie également entre tous. Et parce qu’on ne connaît pas les outils dans ce village, c’est 100% de la valeur ajoutée qui dépend du travail (a = 1). Il faut aussi tenir compte de ce que le chef et les anciens du village ont un jour décidé d’instaurer un système de numéraire qui accorde une valeur de 2 à chaque portion travaillée de fruits ou de céréales (Pv = 2). À cause de cela, les 800 portions à valeur ajoutée qu’on aura en fin de journée auront une valeur de 1600 unités numéraires.

Puisque les 160 travailleurs sont présents ce matin, le salaire est fixé à 10 unités numéraires (ou 5 unités de volume) [5]. À ce salaire-là et en tenant compte de la valeur ajoutée désirée, le chef calcule qu’il a besoin des 160 travailleurs. Sa demande de main-d’œuvre est donc de 160 travailleurs [6] et il embauche 160 travailleurs [7].

On travaille vraiment fort dans ce village. On n’a pas d’outils et il n’y a pas de demande pour des outils qui constitueraient un capital réel [8]. Du moins pas encore, car certains travailleurs qui ont de la parenté dans d’autres villages commencent à murmurer qu’on travaille plus fort que dans les autres villages.

Toute la journée, les travailleurs peinent, se dépensent et font de la valeur ajoutée, à partir de leur seul travail [9]. Cette valeur, ils l’ajoutent aux biens intermédiaires que sont les fruits et les céréales tels qu’ils les trouvent dans la nature ou encore les fruits et céréales mis à sécher et maintenant prêts pour la transformation ou la simple distribution. Cette consommation intermédiaire n’est pas sans rapport avec la valeur ajoutée. Pour produire telle valeur ajoutée, 800 unités par exemple, il faut telle quantité de biens intermédiaires, 200 unités par exemple [10]. C’est une question d’expérience (d/v = 0,2/0,8). Le chef et les anciens savent combien il faut cueillir pour avoir en fin de journée assez de production pour répondre aux besoins de toute la population du village. Ils savent que toute production est une application d’énergie à des biens intermédiaires. Avec une quantité de biens intermédiaires de 200 unités, la production résultante est 1000 unités [11], puisqu’on ajoute de la valeur pour 800 unités. Quant au remplacement des biens intermédiaires consommés, ce qu’on appelle la demande intermédiaire, c’est la nature qui s’en occupe, mais aussi les travailleurs qui mettent les fruits et céréales à sécher [12]. Il faut dire qu’on l’aide tout de même un peu, la nature, en semant des grains récoltés et conservés à cette fin.

Le prix unitaire d’une portion de fruits ou de céréales est calculé en divisant la valeur de la demande totale par le volume de production totale : pour 2000 unités de valeur et 1000 unités de volume, le prix d’une unité est 2 [13]. C’est le chef et les anciens qui sont responsables de cette comptabilité, car le contrôle, c’est leur affaire. En utilisant ce prix unitaire, la valeur de la production est établie à 2000 unités numéraires [14]. C’est la valeur qui est utilisée pour faire la répartition de la production entre tous.

400 unités en valeur (200 unités en volume) sont des biens intermédiaires qui vont être utilisés dans la prochaine production [21]. Il reste donc 1600 unités en valeur à répartir. À la fin de la journée de travail, la répartition commence et les travailleurs reçoivent leur salaire. Chacun des 160 travailleurs reçoit 10 unités en valeur, pour un total de 1600 unités en valeur. Ces salaires constituent le revenu gagné par les familles du village [15].

Parce que le prix unitaire est 2, en réalité ce sont 800 unités en volume que les travailleurs se répartissent entre eux et rapportent à leurs familles. Les familles consomment 90% de leur revenu pour se nourrir (g = 0,9) et en mettent de côté 10% ( f = 0,1), principalement des grains de céréales qui sont conservés comme semences. Ce sont donc 720 unités de fruits et de céréales transformés qui sont consommées [16]. Quant à la part du revenu épargnée [17], cette épargne des ménages destinée à l’investissement, elle est conservée dans un endroit commun du village, à la coopérative d’épargne et de crédit. Sa valeur est 160 unités numéraires [18] et en volume, c’est 80 unités de fruits et de céréales [19].

Après la répartition, le chef fait tous les calculs pour comptabiliser la valeur des différentes composantes de la demande totale. À partir des chiffres en volume de ces composantes [20] et du prix unitaire [13], il calcule la valeur de la demande intermédiaire [21], de la consommation des ménages [22], de l’investissement [23] et de la demande totale [24]. De la valeur de la demande intermédiaire, le chef déduit ensuite la valeur de la consommation intermédiaire [25], puis celle de la valeur ajoutée, en soustrayant simplement la valeur de la consommation intermédiaire de la valeur de la production totale [26] et enfin il déduit le prix moyen de la valeur ajoutée [27]. Comme le village n’a pas d’outils qui constitueraient des biens de capital, le chef n’a pas de rendement sur le capital à calculer [28].

Avec ces chiffres, le chef du village rend compte aux anciens que l’économie du village est à l’équilibre général : l’offre de main-d’œuvre [2] égale la demande de main-d’œuvre [6], l’offre totale des produits en volume [11] égale la demande totale des produits en volume [20], mais aussi l’offre totale des produits en valeur [14] égale la demande totale des produits en valeur [24] et enfin, l’investissement en valeur [18] égale l’épargne en valeur [17]. Quand toute la comptabilité a été approuvée par les anciens, la nuit tombe déjà sur le village. Les travailleurs sont couchés. Ils renouvellent leurs forces pour être à pied d’œuvre, demain matin, pour une nouvelle journée de production.

MODÈLE 1

Une économie de cueilleurs de fruits et de céréales avec main-d’œuvre mais sans capital

Niveau des prix = 2

[1] POP = 240

[2] LS = 160

[3] XSD := XD = 1000

[4] VAD := v XSD = 0,8 ' 1000 = 800

[5] S := Pv a VA  = 2 ' 1 ' 800  = 10
L 160
[6]  LD := Pv a VAD  = 2 ' 1 ' 800  = 160
S 10

[7] L := LD = 160

[8] K := KD = 0

[9] VA := A La = 5 ' 1601 = 800

[10] CI := d  VA = 0,2 ' 800 = 200  
v 0,8  
[11] XS := CI  = 200  = 1000
d 0,2

[12] DI := CI = 200

[13] P := PXD = 2000 = 2
XS 1000

[14] PXS := P XS = 2 ' 1000 = 2000

[15] YM := S L = 10 ' 160 = 1600

[16] C := g YM  = 0,9 ' 1600  = 720
P 2

[17] SM := f YM = 0,1 ' 1600 = 160

[18] IT := SM = 160

[19] INV := IT  = 160  = 80
P 2

[20] XD := DI + C + INV = 200 + 720 + 80 = 1000

[21] PDI := P DI = 2 ' 200 = 400

[22] PC := P C = 2 ' 720 = 1440

[23] PINV := P INV = 2 ' 80 = 160

[24] PXD := PDI + PC + PINV = 400 + 1440 + 160 = 2000

[25] PCI := PDI = 400

[26] PVA := PXS - PCI = 2000 - 400 = 1600

[27] Pv := PVA  = 1600  = 2
VA 800

[28] R := 0

Une production multipliée par 4

L’histoire se poursuit avec l’introduction d’outils qui multiplient la production par 4. L’économie de cueilleurs devient une société agricole avec main d’œuvre et capital. C’est le modèle 2.

La population n’a pas changé. Elle est toujours à 240 habitants [1].

Les rumeurs à propos d’autres villages où les habitants travailleraient moins fort se font persistantes. La bonne humeur qui régnait sur la place du village au début de la journée de travail est de plus en plus affectée par ces bruits que, dans les autres villages, ils ont des outils qui leur permettent de travailler plus vite et d’obtenir une production de meilleure qualité. La morosité s’installe. Le chef et les anciens décident de réagir. Un jour, avec quelques anciens, le chef part visiter ces villages. Ils en rapportent des outils qui leur ont été donnés, mais aussi le savoir qui permet d’utiliser ces outils.

Le lendemain matin, très tôt, les 160 travailleurs sont présents sur la place du village [2]. La bonne humeur est de retour. Tous sont excités à l’ idée d’essayer les nouveaux outils. Il y a des échelles pour atteindre les hautes branches des arbres, des gaules avec crochet pour attraper les fruits sans avoir à grimper, des couteaux de toutes sortes pour préparer les fruits, des faucilles pour couper les céréales, des fléaux pour séparer les grains des tiges, des pilons et des récipients variés et bien d’autres choses encore.

Avec ces outils, la productivité est multipliée par 4, quadruplée, selon les dires des chefs des autres villages. Bien que la demande soit encore de 1000 unités, le chef fixe la production désirée à 4000 unités [3]. Il veut vérifier si vraiment la productivité sera multipliée par 4. La valeur ajoutée désirée est ajustée en conséquence à 80% de 4000, c’est-à-dire 3200 unités [4].

Puisque les trois-quarts de la production dépendront des outils et le quart de la production seulement dépendra du travail de la main-d’œuvre, le salaire est calculé en considérant que 25% de la valeur ajoutée dépend du travail (a = 0,25). En utilisant la nouvelle valeur ajoutée désirée et sans changer le prix moyen de la valeur ajoutée (Pv = 2), le salaire demeure à 10 unités numéraires [5]. À ce salaire-là, le chef a besoin des 160 travailleurs. Il demande donc 160 travailleurs [6] et il embauche 160 travailleurs comme il le faisait d’habitude [7].

Ce qui a changé, c’est qu’il y a maintenant un capital réel constitué par les outils, dont le volume est établi à 600 unités [8]. Ce capital est pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée [9]. Toute la journée, les travailleurs se dépensent pour faire de la valeur ajoutée, à partir de leur travail et avec l’aide du capital que sont ces nouveaux outils. La bonne humeur règne. On s’écorche moins en n’ayant pas à grimper aux arbres. Les gaules, les couteaux, les faucilles et les fléaux épargnent bien des efforts. Les pilons écrasent les grains mieux que les pierres ne le faisaient. Quel bienfait que le progrès technique!

La journée se termine dans la bonne humeur. Qu’il a été facile de cueillir 4 fois plus de fruits et de céréales comme consommation intermédiaire! 800 unités au lieu des habituels 200 unités [10]. Quelle satisfaction, en cette fin de journée, de contempler une production multipliée par 4 sans que la fatigue soit multipliée par 4! Le chef et les anciens sont particulièrement impressionnés par les 4000 unités de fruits et céréales à valeur ajoutée qui constituent la production de la journée et qui s’entassent au centre de la place, attendant la répartition [11]. Pour ce qui est du remplacement des biens intermédiaires consommés, c’est comme d’habitude la nature qui s’en occupera, ainsi que les travailleurs chargés du séchage des fruits et des céréales [12] et on aidera davantage la nature en semant 4 fois plus de grains récoltés et conservés à cette fin [19].

Le prix unitaire d’une portion de fruits ou de céréales est toujours calculé en divisant la valeur de la demande totale, qui est maintenant 8000 unités numéraires, par le volume de la production totale qui est 4000 unités. Le prix ne change pas, il demeure à 2 [13].

Le grand changement est au niveau de la répartition des 8000 unités en valeur ou 4000 unités en volume. 1600 unités en valeur (800 unités en volume) sont des biens intermédiaires qui vont être utilisés dans la prochaine production [21]. Les 6400 unités restantes sont des revenus à répartir [15].

À la fin de la journée, les travailleurs reçoivent leur salaire, qui n’est pas différent de ce qu’il a toujours été, c’est-à-dire 10 unités en valeur pour chacun, pour un total de 1600 unités en valeur (ou 800 unités en volume). Mais comment répartir les autres 4800 unités en valeur, c’est-à-dire 3 fois plus que ce qui a déjà été réparti? En volume, c’est 2400 unités de fruits et de céréales transformés, de quoi nourrir la population de 3 autres villages!

Le chef et les anciens réfléchissent là-dessus. Ces 4800 unités en valeur sont en quelque sorte le salaire des outils, comme les 1600 unités sont le salaire de la main-d’œuvre. Ces 1600 unités en valeur qui correspondent à 800 unités en volume servent à renouveler les forces physiques et mentales de la main-d’œuvre en nourrissant les travailleurs et leurs familles. Les 4800 unités en valeur qui correspondent à 2400 unités en volume doivent servir à renouveler les outils, qui vont s’user, se briser, devenir désuets. Comment? Ça, on ne sait pas! Mais on sait qu’il ne faut pas les répartir entre les travailleurs.

Les familles continuent de consommer 90% (g = 0,9) de leur revenu pour se nourrir [16] et continuent de mettre de côté 10% ( f = 0,1) de ce revenu [17]. Destinée à l’investissement, cette épargne des ménages voit sa valeur passer à 640 unités numéraires [18], En volume, c’est 320 unités de fruits et de céréales [19]. En ce cas aussi, il y a multiplication par 4 des chiffres connus avant l’introduction des outils.

Le chef fait, comme tous les soirs, la comptabilité des différentes valeurs : la demande totale en volume [20], la valeur de la demande intermédiaire [21], de la consommation des ménages [22], de l’investissement [23] et de la demande totale [24]. De la valeur de la demande intermédiaire, il déduit la valeur de la consommation intermédiaire [25], puis celle de la valeur ajoutée en soustrayant simplement la valeur de la consommation intermédiaire de la valeur de la production totale [26] et enfin il déduit le prix moyen de la valeur ajoutée [27]. Cependant, puisque le village a maintenant des outils qui constituent des biens de capital, le chef calcule le rendement sur le capital en soustrayant les salaires de la valeur ajoutée exprimée en numéraire et en divisant par le volume du capital. Ce rendement s’établit à 8 unités numéraires [28].

MODÈLE 2

Une économie agricole avec main-d’œuvre et capital

Gain de productivité traduit en production multipliée par 4

Niveau des prix = 2

[1] POP = 240

[2] LS = 160

[3] XSD := XD = 4000

[4] VAD := v XSD = 0,8 ´ 4000 = 3200

[5] S := Pv a VA  = 2 ´ 0,25 ´ 3200  = 10
L 160
[6] LD := Pv a VAD  = 2 ´ 0,25 ´ 3200  = 160
S 10

[7] L := LD = 160

[8] K := KD = 600

[9] VA := A La K1-a = 7,4 ´ 1600,25 ´ 6000,75 = 3200

[10] CI := d VA = 0,2 ´ 3200 = 800
v 0,8
[11] XS := CI  = 800  = 4000
d 0,2

[12] DI := CI = 800

[13] P := PXD  = 8000  = 2
XS 4000

[14] PXS := P XS = 2 ´ 4000 = 8000

[15] YM := S L + R K = 10 ´ 160 + 8 ´ 600 = 1600 + 4800 = 6400

[16]

C := g YM  = 0,9 ´ 6400  = 2880
P 2

[17] SM := f YM = 0,1 ´ 6400 = 640

[18] IT := SM = 640

[19] INV := IT  = 640  = 320
P 2

[20] XD := DI + C + INV = 800 + 2880 + 320 = 4000

[21] PDI := P DI = 2 ´ 800 = 1600

[22] PC := P C = 2 ´ 2880 = 5760

[23] PINV := P INV = 2 ´ 320 = 640

[24] PXD := PDI + PC + PINV = 1600 + 5760 + 640 = 8000

[25] PCI := PDI = 1600

[26] PVA := PXS - PCI = 8000 - 1600 = 6400

[27] Pv := PVA  = 6400  = 2
VA 3200
[28] R := PVA - S L  = 6400 - 10 ´ 160  = 6400 - 1600  = 4800  = 8
K 600 600 600

Une réduction de la main-d’œuvre par 4

L’histoire se poursuit maintenant avec l’alternative à la multiplication de la production par 4 qui a suivi l’introduction d’outils. La nouvelle société agricole va tenter d’ajuster la production de sorte que l’offre égale la demande traditionnelle. C’est le modèle 3.

La population est toujours stable à 240 habitants [1].

Ce matin-là, les 160 travailleurs se présentent sur la place du village comme tous les autres matins [2]. Le chef et les anciens les attendent, car ils sont insatisfaits que, jour après jour, une grande part de la production soit gaspillée, puisque 4000 unités en volume, c’est tellement plus que les 1000 unités qui correspondent aux besoins de la population du village. De plus, ils considèrent aussi que prélever chaque jour dans la nature 800 unités de fruits et de céréales à titre de consommation intermédiaire, c’est piller les ressources. Ils craignent qu’avant longtemps le village n’ait à faire face à une pénurie de certains fruits, si l’on prélève plus vite que la nature ne se renouvelle.

Le chef et les anciens ont donc décidé de ramener la production désirée à son volume d’origine, soit 1000 unités [3] et la valeur ajoutée désirée à 800 unités [4]. Pour ce faire le chef du village demandera tout juste le nombre de travailleurs nécessaires pour produire les 1000 unités, en les payant au taux de salaire habituel, puisque c’est ce salaire qui permet au travailleur de se nourrir et de nourrir sa famille. Demander plus de travailleurs obligerait à réduire le salaire de chacun en dessous du seuil de subsistance de sa famille. Le salaire est donc fixé à 10 unités numéraires [5].

Le chef demande alors 40 travailleurs [6]. Il embauche 40 travailleurs [7] et renvoie les 120 travailleurs qui restent sur la place. Ceux-ci sont furieux, mais ils n’ont d’autres recours que d’obéir et de rentrer chez eux avec la promesse du chef que ceux qui ont travaillé aujourd’hui ne seront pas choisis demain afin de laisser la chance à d’autres. Quelques-uns demeurent sur la place en espérant pouvoir remplacer un travailleur qui se blesserait ou serait malade. La morosité est grande.

Le volume du capital réel n’a pas changé, il demeure établi à 600 unités [8]. Ce capital réel est pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée [9]. Avec l’aide de tous ces outils, les 40 travailleurs réussissent aisément à cueillir les 200 unités de fruits et de céréales [10] requises pour faire une valeur ajoutée de 800 unités et ils font facilement les 800 unités de valeur ajoutée [9]. En fin de journée, les 40 travailleurs présentent au chef une production de 1000 unités [11]. Quant au remplacement des biens intermédiaires, il ne posera plus de problème, puisque le prélèvement de 200 unités ne met pas en danger le renouvellement des ressources [12].

Maigre consolation que cette conviction de cesser de mettre en danger les ressources de la nature devant les visages tendus des 120 travailleurs en chômage et des membres de leurs familles. Sans se presser, le chef fait ses habituels calculs du prix unitaire [13] et de la valeur de la production [14]. Il est mal à l’aise d’avoir à faire la répartition. Devant lui, il y a 2000 unités en valeur (ou 1000 unités en volume), de quoi nourrir toute la population du village. Après qu’on ait enlevé les 400 unités en valeur destinées à remplacer les biens intermédiaires consommés [21], il y a à répartir 1600 unités en valeur (ou 800 unités en volume) [15]. Pourtant, seuls 40 travailleurs ont droit à une part de cette production, sous forme de salaire récompensant leur travail. Les travailleurs reçoivent chacun 10 unités en valeur, pour un total de 400 unités en valeur (ou 200 unités en volume). Il reste 1200 unités en valeur (ou 600 unités en volume) qui sont le salaire des outils et qui ne seront pas répartis.

Les chiffres de la consommation [16], de l’épargne [17] et de l’investissement en valeur [18] et en volume [19] sont les mêmes que dans la situation originale où le village n’avait pas d’outils. Il en est ainsi pour la demande totale en volume [20], la valeur de la demande intermédiaire [21], de la consommation des ménages [22], de l’investissement [23], de la demande totale [24], de la valeur de la consommation intermédiaire [25], puis de celle de la valeur ajoutée [26] et enfin du prix moyen de la valeur ajoutée [27]. Cependant, contrairement à la situation originale, puisque le village a maintenant des outils qui constituent des biens de capital, le chef calcule le rendement sur le capital, qui s’établit à 2 unités en valeur [28].

Quant au problème de répartition que le chef et les anciens ont tenté de résoudre, il a empiré par rapport à la situation où la production était multipliée par 4. Maintenant les trois-quarts de la population du village crèvent de faim devant des produits non répartis. Dans la situation précédente, des montagnes de produits étaient gaspillés faute d’être répartis, mais toute la population était nourrie. Le chef et les anciens se demandent comment les familles du village pourraient bénéficier des bienfaits des outils sans qu’elles soient privées de la nourriture à laquelle elles ont droit et sans les ressources de la nature soient menacées?

MODÈLE 3

Une économie agricole avec main-d’œuvre et capital

Gain de productivité traduit en main-d’œuvre divisée par 4

Niveau des prix = 2

[1] POP = 240

[2] LS = 160

[3] XSD := XD = 1000

[4] VAD := v XSD = 0, 8 ´ 1000 = 800

[5] S := Pv a VA  = 2 ´ 0,25 ´ 800  = 10
L 40
[6] LD := Pv a VAD  = 2 ´ 0,25 ´ 800  = 40
S 10

[7] L := LD = 40

[8] K := KD = 600

[9] VA := A La K1-a = 4,6 ´ 400,25 ´ 6000,75 = 800

[10] CI := d  VA = 0,2 ´ 800 = 200
v 0,8
[11] XS := CI   = 200  = 1000
d 0,2

[12] DI := CI = 200

[13] P :=  PXD  = 2000  = 2
XS 1000

[14] PXS := P XS = 2 ´ 1000 = 2000

[15] YM := S L + R K = 10 ´ 40 + 2 x 600 = 400 + 1200 = 1600

[16] C := g YM  = 0,9 ´ 1600  = 720
P 2

[17] SM := f YM = 0,1 ´ 1600 = 160

[18] IT := SM = 160

[19] INV := IT  = 160  = 80
P 2

[20] XD := DI + C + INV = 200 + 720 + 80 = 1000

[21] PDI := P DI = 2 ´ 200 = 400

[22] PC := P C = 2 ´ 720 = 1440

[23] PINV := P INV = 2 ´ 80 = 160

[24] PXD := PDI + PC + PINV = 400 + 1440 + 160 = 2000

[25] PCI := PDI = 400

[26] PVA := PXS - PCI = 2000 - 400 = 1600

[27] Pv := PVA  = 1600  = 2
VA 800
[28] R := PVA - S L  = 1600 - 10 ´ 40  = 1600 - 400  =  1200 = 2
K 600 600 600

 

Les variables et paramètres des modèles

C : households consumption (units/year);

CI : intermediate consumption (units/year);

DI : demand for intermediate inputs (units/year);

INV : demand for capital investment (units/year);

IT : total investment expenditures (monetary units/year);

K : capital stock (capital-years);

KD : demand for capital (capital-years);

L : labour stock (person-years);

LD : labour demand (person-years);

LS : labour supply (person-years);

P : sale price of the product (monetary units/unit);

PC : sales to households in products valued at current price
(monetary units/year);

PCI : intermediate consumption valued at current price

(monetary units/year);

PDI : purchases of intermediate inputs valued at current price

(monetary units/year);

PINV : sales of capital investment valued at current price

(monetary units/year);

POP : population (persons);

Pv : price of value added (monetary units/unit);

PVA : value added valued at current price (monetary units/year);

PXD : sales of products valued at current price (monetary units/year);

PXS : production valued at current price (monetary units/year);

R : rate of return on capital (monetary units/capital-year/year);

S : rate of wages (monetary units/person-year/year);

SM : household savings (monetary units/year);

VA : added value (units/year);

VAD : expected added value (units/year);

XD : total demand of products (units/year);

XS : production (units/year);

XSD : expected production of product (units/year);

YM : household income (monetary units/year);

A : constant in the calculation of added value (>0) (= 5 in Model 1)

(= 7,421753823 in Model 2) (= 4,666180682 in Model 3);

d : coefficient of the volume of intermediate inputs required for the

production of one unit of product (0< d <1);

v : coefficient of added value in production (0< v <1), avec v + d = 1;

a : elasticity of added value due to the use of labour

(0< a <1);

1-a : elasticity of added value due to the use of capital;

g : share of budget allocated by households to the consumption of a product

(0≤ g ≤1), with g + f = 1;

f : households’ marginal (average) propensity to save (0≤ f ≤1).

 

Diane Boucher

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