Non-sens financier

le mercredi, 01 avril 1942. Dans Crédit Social

Parlant de l'influence de la guerre sur les es­prits, en Angleterre, au point de vue de l'argent, M. John Hargraves remarque que la mentalité évolue vers la conception créditiste. Ce sont les choses qui comptent, pas le signe. Ce sont les avions, les navires, les outils, les hommes, qui tra­vaillent pour les Anglais, pas les livres sterling :

"L'empilement astronomique de chiffres pour exprimer une dette de guerre ne signifie plus rien du tout. Tout le monde sait que cela ne signifie rien. Voilà au moins un fait que la guerre a rendu clair comme cristal dans l'esprit des masses. Per­sonne ne s'inquiète plus comment sera payée la dette de guerre, parce que tout le monde sait bien qu'elle ne peut jamais être payée.

"Voilà qui contribue pour autant à déboulonner l'emprise de la finance. Le public, partout voit clairement que ce que Roosevelt appelle le "non-sens financier" est réellement un non-sens. Le fait d'avoir pu trouver quelque chose comme 18 mil­lions de livres sterling ( $80,000,000) par jour là où il n'y avait rien, des millions "sortis de rien", a ouvert tous les yeux. Cela prépare les esprits à l'économie nouvelle, à l'économie d'un état crédi­tiste libre de dette.

"On multiplie les efforts pour faire le peuple épargner son argent : groupes d'épargnes, semai­nes d'armes de guerre, fonds de spitfires, etc. (Au Canada, on ajouterait : certificats d'épargnes de guerre, emprunts de la victoire...) Tout cela de­vient irréel, parce que ces épargnes ne peuvent jamais couvrir le coût de la guerre, ni même accé­lérer la production d'avions, de tanks, de canons, de navires.

"On constate une tendance à crier au gouverne­ment : Pour l'amour de Dieu, prenez donc une bonne fois tout l'argent que j'ai, puis fichez-moi la paix ! Les gens se disent qu'après tout, une fois l'argent complètement disparu, il faudra bien aviser à un moyen probablement moins bête de laisser le monde vivre avec les produits possibles. Cette tendance prépare encore les esprits à un mode de finance créditiste."

Ces lignes sont écrites à Londres, le 13 février 1942. Au Canada, aussi, les esprits évoluent, et très vite. Mais il y a des attardés, et les attardés tiennent encore le haut du pavé. Tel le ministre des finances qui jubile, comme s'il avait gagné la guerre, parce que l'emprunt de la victoire a été un brillant succès, dépassant de 50 pour cent le ni­veau fixé.

Pourtant, on empilera les piastres tant qu'on voudra, ce n'est pas cela qui percera un trou d'un quart de pouce dans une plaque d'acier. Et dès qu'un homme peut percer un trou d'un quart de pouce dans une plaque d'acier, que la piastre de son salaire vienne de la poche du voisin, ou de l'encrier d'un banquier, ou, dans le monde crédi­tiste de demain, de l'encrier du gouvernement lui-même, elle est aussi bonne pour acheter du pain, du beurre et de la viande.

Si l'on veut donner un sens réel aux emprunts comme aux taxes, il faut exprimer leur effet au­trement. Dire : Voilà 960 millions de dollars que les Canadiens n'emploieront pas à se nourrir, à se vêtir, à se loger, à se soigner, à se distraire. Ceux qui fournissent la nourriture, le vêtement, le loge­ment, les soins, la distraction, verront l'écoule­ment de leurs produits et de leurs services rogné d'autant. Ils seront alors portés à se diriger vers les services de guerre où le marché est vaste, la paie assurée.

Vus sous cet angle, les emprunts, les taxes signi­fieraient quelque chose : une saignée lorsqu'il y a trop d'argent, ou lorsque le gouvernement juge expédient d'empêcher les gens de s'en servir.


Ce qui presse, monsieur !

Un abonné nous écrit :

"Pourquoi M. Perrier, qui se dit en faveur de l'instruction et surtout de l'enseignement de l'an­glais, oublie-t-il de penser à la paie de son person­nel enseignant ? Est-ce Banco qui l'en empêche ? J'ai idée qu'au département tous les hauts digni­taires sont des fidèles de Banco."

Un instituteur de St-Jérôme


Les jeunes de Laval

Les étudiants de l'Université Laval n'ont point fait vœu de borner leur formation économique à l'étude des auteurs dits orthodoxes. La revue des étudiants, "Le Carabin", dans son édition du 7 mars, consacre toute une page à un résumé philo­sophique et technique de la doctrine du Crédit Social.

L'auteur, Jean Lecomte, a saisi et mis en relief le double but du Crédit Social : sécurité économi­que et liberté de la personne :

"Le but poursuivi n'est rien autre que la li­bération initiale de la personne humaine.

"Or, être libre, en économique, c'est avoir la faculté de se procurer tous les biens nécessaires à la vie, à une honnête subsistance. La production elle-même ne doit exister qu'en fonction de cet objectif et doit être orientée par le consomma­teur lui-même, non pas par l'État ni les produc­teurs. Cette prérogative revient de droit naturel au consommateurs et requiert deux conditions :

    1) La capacité physique (pour le consom­mateur) de faire connaître sa volonté au pro­ducteur ;

    2) Le moyen financier d'acheter le produit fabriqué".

Une réflexion de l'auteur nous amuse un peu : "Il faut, dit-il, beaucoup d'humilité et de déta­chement d'esprit chez un universitaire pour re­connaître son ignorance ou son erreur, et daigner puiser à des sources que d'aucuns ont accusées d'être démagogiques."

Il est, au contraire, anoblissant et agréable, à l'esprit droit de reconnaître et saluer la vérité, où qu'elle se trouve. Quant aux accusations et aux "d'aucuns", ça ne vaut pas la peine de s'en occu­per lorsqu'on voit clair.


Le cheval

Cette bête est réellement suggestive. VERS DEMAIN l'a trouvée bonne image du patronage politique. Ce n'est certainement pas le cheval du patronage politique que notre premier-ministre nous demande de mettre en conserves ou de ser­vir en rôtis. Il l'a précisé :

"Les chevaux inutiles pourront servir à cette fin."

Le cheval du patronage est loin d'être inutile : demandez-le aux moineaux qui le courtisent.

Mais le cheval sur la table des Canadiens, c'est la trouvaille qui s'imposait pour remplacer le bœuf que préfèrent les Anglais ; pour remplacer aussi le saumon, le hareng, dont Ottawa nous avertit que pas une seule boîte des conserves 1942 ne sera pour les familles canadiennes. En vertu du cadeau d'un milliard, nous devrons nous con­tenter des restes de saisons passées ou recourir à autre chose — au cheval, par exemple.

On s'en consolera en songeant que le pauvre cheval, même celui qui n'est plus bon à rien au­tre, va reprendre de la valeur :

"En vendant du cheval, nous augmenterons la valeur de cet animal," dit le premier-mi­nistre.

Est-ce que les députés qui se vendent augmen­tent aussi leur valeur ? À ce compte-là, le Parle­ment serait beaucoup moins méprisable que cer­tains dégoûtés s'imaginent.


Ni beurre ni canons

Commentant la bataille navale de Java, la plus sauvage et la plus sanglante de l'histoire, perdue par les Alliés à l'avantage du Japon, l'amiral Ja­mes, commandant de la base navale de Ports­mouth, a dit :

"Nous avons


toujours manqué de navires et... d'autre chose. Nous avons déjà eu à choisir entre du beurre et des canons : nous avons choisi le beurre et nos ennemis ont choisi les canons. Nous avons aujourd'hui à choisir entre des navires ou l'effondrement de tout ce que nous aimons". (Dépêche de la RU.P. publiée dans les journaux du 16 mars.)

Est-ce bien vrai que, pendant que nos ennemis choisissaient les canons, nous choisissions le beur­re ? N'avons-nous pas plutôt choisi le chômage, la rouille des machines, des bras et des cerveaux pendant toute une décade et plus ?

Les journaux du même jour ne nous disent-ils pas que la production du beurre et du fromage dans la province de Québec a augmenté globale­ment de 782 pour cent, en janvier et février der­nier par rapport aux mois correspondants de l'année précédente ? Autrement dit, notre province a produit huit fois autant de fromage et de beurre que pendant la même période l'année dernière.

Et cela, tout en faisant plus de canons.

Ce n'est donc pas précisémentt les canons qui empêchaient de faire du beurre ni le beurre qui empêchait de faire des canons. Depuis que l'ar­gent pousse, on augmente les deux de front. Où donc faut-il placer le blâme ?


Avait-il bien le droit ?

M. Jean-Charles Harvey écrit une lettre ouverte à l'Hon. Mackenzie King, le 19 mars 1942. Il com­mence par protester de ses sentiments de loyauté libérale, il a toujours voté pour M. King depuis 1921. Puis il admoneste le premier-ministre, lui reprochant de ne pas y aller assez fort pour la par­ticipation du Canada à la guerre, lui reprochant surtout de ne pas fouler aux pieds l'opinion de la province de Québec.

Au cours de son admonestation, le journaliste fait cette magnifique concession au chef du pays :

"Avant l'automne de 1939, il vous était permis, M. King, d'agir pour plaire, d'agir pour être populaire, d'agir pour préparer les élections prochaines. Cette politique de com­plaisance n'est plus permise..."

Mais était-elle permise, la politique de com­plaisance, la politique d'égoïsme autour du pou­voir, lorsque des milliers et des milliers de familles canadiennes souffraient de misères et de priva­tions ? Ne faut-il être à son devoir que lorsqu'on enrégimente les humains pour s'entre-tuer ?


Une tournée réussie

La tournée de M. Gérard Mercier, en Abitibi, a été un brillant succès à tous les points de vue. Au cours de ce mois, du 25 février au 22 mars, 780 abonnements sont venus des places visitées par M. Mercier.

Au premier rang, Rouyn, d'où 198 abonne­ments ; puis Malartic, d'où 144 abonnements ; La Sarre, 90 ; Amos, 49. Moins populeuse,. Cadillac a tout de même fourni 47 abonnements nouveaux : Landrienne, 34, tous nouveaux. Des colonies ont fait leur part héroïque : Bellecombe, 36 ; D'Alem­bert, 24. Une petite ville ouvrière, Taschereau, en a donné 28.

Sur le chemin de l'Abitibi, La Tuque, visitée deux fois, s'est enrichie de 72 abonnés. Parent, pe­tite agglomération ferroviaire, déjà aux deux tiers abonnée, a tout de même augmenté de 15.

Outre l'abonnement, l'organisation a fait un pas de géant. Les Voltigeurs sont nombreux et déci­dés. L'Abitibi attend avec impatience l'heure des réalisations. Elle viendra. La direction de l'Ins­titut est actuellement très occupée avec l'impor­tant réseau du sud, l'axe Sherbrooke-Québec et dérivés. Mais le nord aura son tour bientôt : il le mérite.

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