Le monstre international existe-t-il ? Le Crédit Social, VERS DEMAIN, attaquent-ils une fiction ou une réalité ? Sommes-nous sur la terre ou dans la lune ?
Que les magasins soient pleins et les maisons vides, en même temps, ce n'est certainement pas une fiction.
Que des jeunes gens ne puissent embrasser une carrière où ils pourront faire leur chemin, se marier et élever des enfants, c'est trop vrai et trop général pour qu'on ose le nier.
Que, sans faute de leur part, des propriétaires perdent leurs maisons, des cultivateurs leurs fermes, des ouvriers leur emploi, ceux-là sont dans la lune qui ne l'ont pas encore vu.
Que les poches vides laissent des têtes pleines dans le chemin, et que des poches pleines fassent honorer des têtes vides, c'est encore assez remarquable et assez remarqué, malgré le faste et le décor, malgré les banquets et les discours.
Voilà des faits qui se passent sur la terre, dans notre Canada, et qui ne répondent certainement pas aux aspirations des humains, aux aspirations des Canadiens.
Ce n'est ni vous, ni moi, ni notre curé, ni notre député, ni notre premier-ministre, qui veulent que l'on manque d'argent, et rien que d'argent, quand on a tout ce qu'il faut dans le pays pour mettre tout le monde à l'aise.
Et, pourtant, c'est ça la situation.
Ce n'est pas non plus une situation naturelle. Qu'on soit pauvre dans un désert, au milieu d'une forêt vierge, au pôle nord, c'est naturel. Mais qu'on n'ait pas de quoi manger en face de greniers pleins ; de quoi s'habiller, se chausser, se meubler, en face de magasins débordants ; de quoi se loger, se chauffer dans un pays de forêts, de mines et de carrières — c'est certainement dû à l'intervention d'une puissance qui n'est pas conforme aux faits, d'une puissance qui impose des règlements contre nature.
Des voleurs de grands chemins qui nous lieraient les mains et les pieds ; des bandits qui brûleraient nos entrepôts, saccageraient nos fermes, chasseraient les familles de leurs maisons, ne feraient pas pire. On saurait au moins à qui s'en prendre et à quoi s'en tenir.
Mais il arrive que les bandits qui barrent les greniers et sèment la misère ont une arme à longue portée. Ils atteignent partout sans quitter leur repaire. Leur repaire n'est pas une grotte dans la montagne, mais de belles bâtisses de pierre de taille, avec voûtes bien protégées, dans le cœur de nos grandes villes.
Il arrive aussi que ce banditisme est légalisé et les bandits opèrent sous la protection de la loi.
Ce sont des bandits quand même, et c'est du brigandage quand même, puisque les familles sont dévalisées et dispersées, puisque les ruines s'empilent sur les ruines, puisque les fils des fondateurs d'un pays riche sont devenus des esclaves et des parias au service d'une clique de comptables qui les mettent à la ration.
C'est au monstre protégé par la loi que s'en prend le Crédit Social. Il veut faire changer la loi, pour qu'elle extermine le monstre et garantisse à tous les membres de la société la liberté et la sécurité auxquelles ils ont droit.