Depuis 2006, au début de chacune de nos sessions d'étude sur la Démocratie Économique (d'après les leçons du livre d'Alain Pilote), M. Marcel Lefebvre avait l'habitude de donner une conférence au tout début de la session, qui en résumait le contenu. Voici le texte de la conférence de M. Lefebvre donnée pendant la semaine d'étude de la fin du mois d'août 2011 :
par Marcel Lefebvre
Ce que nous allons traiter aujourd'hui et au cours de la semaine, c'est en vue de régler à la source le problème majeur de l'humanité : le scandale de la pauvreté devant l'abondance.
S'il n'y avait pas d'abondance, on devrait « partager », mais on distribue abondamment du matériel de mort, de destruction, et on restreint la nourriture, on restreint les besoins humains. En 1934, quand Louis Even a connu les propositions de Douglas, un ingénieur écossais, il s'est dit : « Une lumière sur mon chemin, il faut que tout le monde connaisse cela ! »
Cette lumière, il l'a trouvée dans un petit document : Du Régime de Dettes à la Prospérité, par J. Crate Larkin (que Louis Even traduisit plus tard en français). Notre fondateur a vu la cause de la crise économique. En 1934, c'était la misère intense à Montréal devant des produits abondants. On manquait d'un permis qu'on appelle argent, et l'argent n'était pas au rendez-vous, pourtant les produits étaient abondants.
Monsieur Even connaissait la Doctrine Sociale de l'Église, mais on n'y précise pas les moyens d'appliquer cette Doctrine Sociale. Louis Even cherchait ces moyens et il a eu providentiellement entre ses mains ce fameux petit livre.
Il a consacré les 40 dernières années de sa vie à faire connaître cette lumière. En 1937, il a même abandonné son emploi parce qu'il trouvait que les fins de semaine et les soirs après son travail, ne lui donnaient pas suffisamment de temps pour répandre la lumière. Donc, la Providence y a pourvu et il s'est lancé dans une aventure impressionnante, mettre de la lumière sur la cause principale de ce problème de pauvreté.
Dans un document que nous avons distribué par millions en une douzaine de langues différentes, nous avons mentionné cette parole du Pape Jean-Paul II : « Il est urgent de mettre fin au scandale de la pauvreté dans le monde ! La réforme la plus urgente : corriger le système financier ». C'est dans le système financier que se trouve le problème. On fait bien attention de ne pas effleurer la cause principale du problème.
En 1931, dans son encyclique Quadragesimo Anno, le Pape Pie XI dénonçait ceux qui contrôlent l'argent et le crédit des nations. « Ils distribuent, dit-il, en quelque sorte le sang à l'organisme économique dont ils tiennent la vie entre leurs mains ». Il ajoutait que les gouvernements sont déchus de leur noble fonction et sont devenus les valets de ces puissances financières. Ceux qui contrôlent l'argent, contrôlent aussi les média d'information, contrôlent la formation (des économistes) pour maintenir ce système financier actuel.
Paul VI, en 1967, dans son encyclique Populorum Progressio, parlait, « d'un néfaste système qui accompagne le capitalisme ». Le capitalisme n'est pas à rejeter du revers de la main. Ce n'est pas à cause de la propriété privée, à cause de la libre entreprise que nous avons ce problème économique. La libre entreprise fournit les produits en abondance et même en surabondance, mais le système financier qui accompagne ce système de production capitaliste n'est pas du tout au diapason de la production.
Les peuples peuvent produire abondamment mais s'il y a des gens qui décident de fermer le robinet, l'argent disparaît et on souffre d'un manque de « signes » ; l'argent, ce n'est pas la richesse. La richesse, c'est le pain, ce sont les biens consommables. Mais, aujourd'hui, c'est le signe qui passe avant la réalité. Le Pape Jean-Paul II a été jusqu'à taxer ce « néfaste système » de « structure de péché ». À cause de ce « néfaste système », tous les peuples doivent des milliards.
En 1980, 75 évêques d'Amérique latine se sont regroupés pour protester contre le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale qui avaient prêté 80 milliards de dollars à ces pays pour leur venir en aide. Au bout de 10 ans, ces peuples avaient payé 418 milliards en intérêts, plus de 5 fois le montant reçu. Et la dette, ils la doivent encore.
Ce n'est pas sans raison que le Pape Jean-Paul II réclamait à grands cris d'effacer les dettes des pays pour le Jubilé de l'an 2000. Effacer les dettes des pays ! Il n'y a pas d'autres solutions. Afin de payer des intérêts sur leur dette, les peuples travaillent maintenant à produire pour vendre à l'étranger. Ils ne peuvent même plus profiter de leur propre production.
Je suis allé au Congo. On m'a dit : « Il y a des fonctionnaires qui n'ont pas reçu leur salaire depuis 10 mois ! » Pourquoi ? Parce que le gouvernement a décidé d'envoyer tout ce qu'il pouvait ramasser au FMI et à la Banque Mondiale pour payer des intérêts sur une dette déjà plusieurs fois remboursée. Et les peuples souffrent ! Il n'y a pas de possibilité de développement dans un tel système.
Au Canada, nous avons une institution qu'on appelle Banque du Canada. La question suivante fut posée en 1935 à Graham Towers, premier gouverneur de la Banque du Canada, durant une Commission Parlementaire sur les Banques et le Commerce : « Pourquoi un pays, ayant le pouvoir de frapper sa monnaie, devrait-il céder ce privilège à un monopole privé et emprunter de ce monopole ce que le gouvernement pourrait créer lui-même, et payer intérêt jusqu'au point d'une faillite nationale ? » Towers répondit : « Si le gouvernement veut changer la forme d'opération du système bancaire, cela est certainement dans le pouvoir du Parlement. » La Constitution Canadienne précise que le pouvoir de frapper la monnaie et d'en régler la valeur revient au gouvernement central, au gouvernement fédéral.
Mais depuis cette date, rien n'a changé. Notre Premier Ministre actuel emprunte encore aujourd'hui de ce monopole. Pour avoir emprunté 39 milliards de dollars de ce monopole pour les services à la population des différents ministères, la dette canadienne avait atteint 562 milliards $ en 2002. 562 milliards $ de dette pour avoir obtenu les services de 39 milliards $. Ceci est dû à un système pervers !
Saint Louis, roi de France, disait : « Le premier devoir d'un roi, c'est de frapper sa monnaie pour faciliter les échanges entre ses sujets. » Quel gouvernement frappe sa monnaie, aujourd'hui ? Aucun !
Une poignée d'individus ont usurpé le pouvoir de créer l'argent. Au Canada, c'est en 1913 que ce privilège de créer l'argent a été cédé au monopole privé. Aux États-Unis, c'est le 23 décembre 1913 qu'un petit nombre de députés votaient la loi de la « Federal Reserve », un organisme privé qui s'emparait du monopole et de la création de l'argent.
Et nous vivons présentement une crise financière ; ça ne vient pas de Dieu. Dieu envoie encore la pluie et le soleil. La production est en quantité suffisante pour nourrir l'humanité ; mais un petit nombre d'individus ont la main sur le robinet de l'argent et ferment ce robinet en temps de paix. Ce qui crée la misère devant l'abondance et curieusement, en temps de guerre, ça se rouvre automatiquement et l'argent est créé en abondance pour la destruction, pour la guerre. Ce n'est pas de Dieu, ce système-là ! Donc, quand arrive entre-temps un pépin, une crise financière par exemple, les gens perdent leur emploi, leurs biens, leur maison.
Des millions de familles américaines ont perdu leur maison ; Bush n'avait pas 5 sous pour leur venir en aide. Par contre, juste avant de quitter la 'Maison Blanche', Bush a réussi à trouver 700 milliards de dollars pour venir en aide aux pauvres banques. Il n'était pas possible de laisser les banques dans des difficultés. La famille mise dans la rue, pas de problème ! Les banques dans la rue ? Non, ce n'est pas possible ! Et à quelle place Bush a-t-il trouvé les 700 milliards $ pour venir en aide aux banques ? À la 'Federal Reserve Bank' !
La « Federal Reserve Bank », dans la tête de presque tous les Américains et de tous les étrangers, c'est la banque du gouvernement, c'est la banque du peuple. Pas du tout ! Ce sont les banquiers de la Federal Reserve qui ont prêté à Bush 700 milliards de dollars, mais pas en billets, pas en numéraire, en écriture ! Une entrée comptable dans les grands livres de la « Federal Reserve Bank » mettait au monde 700 milliards de dollars. Ces banquiers qui ont écrit cette somme se font propriétaires de ces chiffres qu'ils ont mis sur papier et ils nous obligent à payer des intérêts.
Ce sont les pauvres qui ont perdu leur maison, qui vont devoir payer des intérêts sur ces 700 milliards $ donnés aux banques, en plus des intérêts sur les 15,000 milliards $ de la dette fédérale. À qui votre pays et vos pays respectifs doivent-ils tant de milliards ? On peut penser que plusieurs pays les doivent à l'Europe, aux pays de l'Europe. Mais à qui les pays de l'Europe qui, eux aussi, doivent des milliards les doivent-ils ? Aux États-Unis ? À qui les Américains doivent-ils la plus grosse dette au monde ? À ce néfaste système bancaire international qui fait qu'on crée de rien l'argent et on s'empare des richesses de tous les pays.
Nous avons été attirés par une intervention du Cardinal Bernard Agré, à Rome, en 2004. En tant que membre du Conseil Pontifical Justice et Paix, le Cardinal avait parlé des banques en tant que mur infranchissable qui n'aidait pas du tout au développement de l'Afrique. Il disait que ce n'est pas avec des taux d'intérêts de 17 et 20 % que nous allons pouvoir développer l'Afrique.
Il avait grandement raison ! Et nous n'avions jamais pensé à inviter un Cardinal à venir nous voir à Rougemont. Mais je ne sais pas pourquoi nous avons eu le culot de le faire ? Et le Cardinal a accueilli rapidement notre invitation. En juin 2008, il venait. La deuxième journée des cours, il nous fait une petite réflexion : « Si j'ai bien compris ce que vous venez de nous révéler là : les banques créent l'argent de rien et deviennent propriétaires de tout ! »
Le Cardinal avait très bien compris. Il y en a qui pensent que les Africains ne réfléchissent pas. Moi, en Afrique, j'ai rencontré des personnes très brillantes qui ont compris en un rien de temps ce problème. Notre message a été bien compris lors de notre passage.
C'est Mayer Amschell Rothschild, d'illustre mémoire, qui disait : « Laissez-moi émettre et contrôler la monnaie d'une nation et je me fiche de qui fait ses lois ! » Vers les années 1700, dans les cinq plus grosses capitales d'Europe, il avait établi ses cinq fils à la tête du système bancaire privé. Ce système s'est répandu à travers toute la planète. Tous les continents sont sous cette domination. Tous les pays ont des dettes énormes et ces gros banquiers n'ont ni patrie, ni frontières. Ils financent les deux côtés : les alliés comme les adversaires.
En 1940, Sir Josiah Stamp, qui a été Gouverneur de la Banque d'Angleterre, disait : « Le système bancaire fut conçu dans l'iniquité et est né dans le péché. » « Les banquiers possèdent la planète », disait-il. De la part d'un banquier, c'est une révélation étonnante ! On ne parle pas, ici, des petits banquiers du coin de la rue, mais des gros banquiers internationaux, des gens du calibre de Rockefeller, Rothschild et quelques autres. Ils ne sont pas en majorité.
« Enlevez-leur la planète, disait Sir Josiah Stamp, mais laissez-leur le pouvoir de créer l'argent et, d'un trait de plume, ils créeront assez d'argent pour racheter la planète et en devenir les propriétaires. »
C'est ce qui se passe, n'est-ce pas ? Si vous voulez continuer à être les esclaves des banquiers, disait le grand Gouverneur de la Banque d'Angleterre, alors, laissez les banquiers continuer à créer l'argent et à contrôler le crédit.
Alors, c'est ce problème-là que nous allons approfondir pendant la semaine d'étude. Mais on peut vous citer un personnage qui a marqué l'histoire, Benjamin Franklin, l'un des Pères fondateurs des États-Unis, né à Boston en 1706, gouverneur de la Pennsylvanie. En 1750, il était en tête d'une colonie de la Nouvelle-Angleterre où il était gouverneur. Il faisait le rapport de son administration aux autorités anglaises et il disait : « Impossible de trouver de population plus heureuse et plus prospère sur toute la surface du globe ! » Les autorités anglaises lui demandent : « Quel est votre secret ? »
L'Angleterre, elle, passait à travers une période très difficile, une crise : c'était le chômage, les faillites, les prisons pleines à craquer. Les colonies, elles, se développaient, comme par enchantement.
Benjamin Franklin répond : « C'est bien simple, dans notre colonie, nous émettons notre propre papier-monnaie, appelé 'colonial script', et nous en émettons suffisamment pour faire passer tous les produits des producteurs aux consommateurs. »
Le but de la production c'est 'la consommation'. Le jardinier ne cultive pas ses champs pour détruire ses produits, c'est pour qu'ils soient consommés. Le rôle de l'argent devrait être et aurait toujours dû être de faciliter les échanges. Mais quand l'argent est devenu un moyen de contrôle, un moyen de domination, cela n'a pas le même effet.
Franklin poursuit : « Créant ainsi notre propre papier-monnaie, nous contrôlons notre pouvoir d'achat et nous n'avons aucun intérêt à payer à qui que ce soit. » Voilà le secret de la prospérité de la colonie en Nouvelle-Angleterre en ces années-là.
Donc, quand les banquiers anglais ont appris la formule, le secret de Franklin, ils sont intervenus auprès du gouvernement pour passer une loi interdisant aux colonies de frapper de la monnaie et les obligeant à emprunter à intérêt de la Banque d'Angleterre, banque privée, pas la banque du roi.
Au bout d'un an, la situation était renversée : de la prospérité, les colonies en sont venues à la crise, à la misère comme en Angleterre, parce qu'elles se sont mises à utiliser le même système que l'Angleterre.
C'est là qu'on voit : un système d'argent au service de la société permet l'épanouissement et le développement des pays ; mais un système au service d'une petite poignée de profiteurs met les peuples dans l'esclavage.
On parle, on en a entendu parler lors de notre séjour en Afrique, que certains pays fêtaient le 50ième anniversaire de leur indépendance. Mais quelle indépendance au juste ? Ceux qui ont colonisé le pays ont été mis à la porte. Par le procédé monétaire, ils ont été remplacés par des colonisateurs qui n'ont pas les deux pieds dans le pays, qui sont de l'extérieur. Quand le Fonds Monétaire International et la Banque Mondiale prêtent à un pays un milliard, au bout d'une année, on vous réclame un milliard et cent millions, si c'est à 10%. Le Cardinal Agré nous dit : "En Afrique, c'est souvent à 20% d'intérêt", ça fait donc 200 millions $ en intérêt. Le problème est que les 200 millions $ ou les 100 millions $ d'intérêt n'existent pas.
Le système a créé le capital de rien. Les banquiers vous ont prêté des chiffres et vous réclament des intérêts, découlant de vos sueurs et de vos produits que vous devez vendre à l'extérieur pour vous faire des sous. Et votre dette est toujours là. La dette ne peut pas être acquittée : on ne peut pas avec 1 milliard $ payer 1 milliard 100 millions $ ou 1 milliard 200 millions $. Le système n'a pas mis en circulation l'intérêt qui est réclamé. Seuls les banquiers ont ce privilège de prêter du vent, de prêter des chiffres, de se faire propriétaires de ces chiffres et d'exiger des intérêts.
Ce que le Gouverneur de la Banque d'Angleterre disait, en 1940, c'est une réalité. Le Cardinal Agré a reconnu cette réalité et il l'a accueillie d'une manière impressionnante. Nous étions à Abidjan et le Cardinal Agré m'a dit : « Quand je suis parti de chez-vous, vous aviez rempli mes valises avec votre littérature, j'en ai laissé au Président de l'Assemblée Nationale de Côte d'Ivoire. Peu de temps après, nous nous sommes accidentellement rencontrés. Le Président vint à moi et me dit : "Éminence, c'est une véritable bombe que vous m'avez mise entre les mains l'autre jour ! Nous allons devoir nous rencontrer plus longuement pour en causer si vous voulez ? »
Le procédé, la technique de ce « néfaste système » financier, c'est de diviser pour mieux régner. Ici, on fait se battre entre eux les Anglais et les Français, aux États-Unis, les Noirs et Blancs, en Irlande, les catholiques et les protestants. Dans certains pays d'Afrique, ce sont différentes ethnies l'une contre l'autre. Pendant que nous nous battons, eux, les banquiers, ramassent les différentes richesses naturelles, délogent les populations, endettent nos pays. Plus ils vont endetter les pays, plus ils vont contrôler les pays. Aujourd'hui, c'est un contrôle sur l'humanité entière.
Nous attirons aussi votre attention sur la fable « L'Île des Naufragés », écrite par Louis Even, (publiée dans la revue Vers Demain de janvier-février 2012). Cette fable fait comprendre le vol du système bancaire. Monsieur Even avait le don de simplifier les choses pour bien faire comprendre. Il avait été professeur ! Il savait se mettre à la portée de son auditoire, de ses élèves. D'une manière très simplifiée, la Fable fait voir la situation de chacun de vos pays.
Les banquiers internationaux, une petite poignée d'individus, ont usurpé le pouvoir régalien, le pouvoir du roi, le pouvoir de frapper de la monnaie. Ils se sont accaparés de cela et maintenant la planète est entre leurs mains. Enlevez-leur la planète, mais laissez-leur ce pouvoir et ils vont très bientôt la reprendre.
Nous aimons répéter ce que le Pape Jean-Paul II a dit : « Il est urgent de mettre fin au scandale de la pauvreté », et « la réforme la plus urgente, corriger le système financier ! »
Alors, c'est ce domaine que nous vous invitons à explorer en approfondissant le livre « La Démocratie Économique vue à la lumière de la doctrine sociale de l'Église », étude préparée par Alain Pilote, le livre « Sous le signe de l'Abondance » par Louis Even et le livre « Du Régime de dettes à la prospérité » par J. Crate Larkin.
Marcel Lefebvre