La vie créditiste - XXXIV

le dimanche, 01 mars 1942. Dans La vie créditiste

Jeanne d'Arc ou Napoléon

Napoléon fut l'un des plus grands stratèges de l'histoire. Il fit rarement des erreurs. Et lorsqu'il en fit, ce fut lorsqu'il n'osait pas lancer au bon moment la garde impériale, dernière garantie de sa propre sécurité. Lui-même, sa propre personne était donc un obstacle à la victoire, alors. Ces jours, Napoléon sacrifiait la France à son salut personnel. C'est pour cela qu'il faisait des erreurs.

Au contraire, la grande sainte Jeanne d'Arc, qui construisait elle-même tous ses plans de ba­tailles, ne commit jamais une faute de stratégie, au dire des experts. C'est que Jeanne n'avait au­cun souci de sa vie à elle. Que lui importait la mort, pourvu que la France fût sauvée !

Aussi, elle ne ménagea rien. Elle ne se réserva jamais une garde pour se protéger elle-même. Jeanne se mit tout entière au service de sa cause. Elle s'oubliait devant la mission qu'elle avait choisie de remplir.

Napoléon fut un chef.

Jeanne d'Arc en fut un plus grand encore.

Voltigeurs, vous voulez devenir des chefs, de vrais. Serez-vous comme Napoléon ou comme Jeanne ?

Vous n'hésiterez certainement pas entre les deux modèles.

Votre cause est aussi belle que la cause de Jeanne. Comme elle vous voulez libérer votre pa­trie.

Pour atteindre votre but, sans faire la moindre faute de stratégie, il faut que comme Jeanne, vous vous oubliiez complètement.

Ce soir, vous vous sentez fatigué. Vous aimeriez bien vous asseoir au coin du feu et fumer une bonne pipe. Mais non. Vous sacrifierez votre feu et votre pipe, et vous mettrez chapeau et paletot pour aller voir un abonné qui est sur votre liste.

Cet abonné est de mauvaise humeur justement, et il vous reçoit mal. Cela vous blesse. Vous sa­crifiez votre amour-propre et vous souriez quand même.

Vous sortez de la maison de cet homme, et sur la rue, vous rencontrez un créchard, adversaire enragé du Crédit Social. Il se moque de vous, et vous dit toutes sortes de choses pour vous décou­rager. Vous reprenez la route, abattu, vous de­mandant s'il y en a beaucoup de ces gavés-là qui vont arrêter la marche de votre chère cause.

Mais, vous voilà rendu chez un nouvel abon­né. Vous oubliez votre peine. Vous prenez votre courage à deux mains. Et vous entrez.

Ici, tout va très bien. Vous avez affaire à un créditiste qui comprend et qui, justement, vous apporte l'abonnement de l'un de ses amis.

Mais, puisque la partie est gagnée ici, vous vous hâtez d'aller ailleurs, à la recherche des bre­bis égarées.

Arrivé chez Lamontagne : "Bonsoir, comment ça va ? As-tu reçu ton journal VERS DEMAIN ?" — "Ah ! c'est toi le Crédit Social, je t'attendais. Je ne suis pas de bonne humeur contre toi. Ton journal, je ne l'ai pas encore reçu. Ce sont des voleurs tes chefs de VERS DEMAIN." — "Écou­te, Lamontagne, es-tu bien sûr que c'est le bureau de VERS DEMAIN qui ne t'envoie pas ton journal ? Je connais bien des femmes qui pren­nent au pied de la lettre les paroles d'un prêtre. Et comme, l'autre jour, notre curé a excommunié littéralement les créditistes, ce ne serait pas éton­nant que ta femme éprouve quelque scrupule, et mette VERS DEMAIN au panier. Fais donc une petite enquête, Lamontagne. Et puis, il y a les maîtres de poste rouges — comme le nôtre —qui font du zèle contre VERS DEMAIN pour rece­voir des promotions de leur député rouge. Ça s'est déjà vu, Lamontagne. Ça peut se revoir. Fais donc une petite enquête là aussi".

Et cher Voltigeur, malgré que vous ayez le cœur dans les talons, vous vous assoyez chez Lamontagne, et commencez à regagner celui que vous aviez gagné l'autre jour.

Vous sortez de chez Lamontagne en vous di­sant, bien las, que c'est toujours à recommencer, et que vous auriez beaucoup mieux aimé, ce soir, plutôt que de subir tant de désagrément, rester à la maison et vous reposer.

Quand même, vous prenez la résolution de sor­tir de nouveau demain soir, car il faut bien que le Crédit Social réussisse, sans cela on aura le socia­lisme ou le communisme.

Et, comme Jeanne d'Arc, qui avait quitté sa mère, ses moutons et sa quenouille, immolant sa jeunesse et toutes ses joies si douces au salut de la France, cher voltigeur, vous avez choisi de vous faire l'esclave du Crédit Social, et même si vous deviez vous y user complètement, que vous im­porte pourvu que la patrie soit sauvée !

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