La prospérité défendue (En Autriche après la guerre)

le mercredi, 01 mai 1940. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even, Guerre

SOUS LA FÉRULE DES BANQUIERS

L’étalon-or avait été aboli en Angleterre dès les premiers jours de la grande guerre, en 1914. L’argent rare, c’est bon en temps ordinaire, pour empêcher le monde de vivre. Lorsqu’il s’agit de tuer et qu’il faut de l’argent pour tuer, on prend les moyens.

La guerre finie, les maîtres de l’or réclamaient le retour au règne de l’idole. Il fallait d’abord revenir à l’argent rare. Donc, diminution draconienne de l’argent en circulation.

Ce fut l’œuvre de Montagu Norman, devenu gouverneur de la Banque d’Angleterre en 1919. Il commença immédiatement une politique de déflation.

Résultat : dès 1923, trois millions de chômeurs anglais, soit dix fois plus qu’en 1920 ; salaires diminués de 40% ; pauvreté ; mécontentement ; ferments de révolutions ; 30,000 suicides. Pendant ces quatre années, les banquiers de Londres infligèrent des coups plus rudes à l’Angleterre que les Allemands pendant les quatre années de la grande guerre.

Même politique anti-humaine sur le continent européen. Ruine économique et contorsions financières analogues en Allemagne, en France, en Italie, en Espagne, en Russie.

EN AUTRICHE

Pendant ce temps-là, l’Autriche étonnait les visiteurs étrangers par sa prospérité et le contentement de sa population.

Après la guerre, la reconstruction était nécessaire en Autriche tout comme dans les autres pays. Mais le gouvernement de Vienne avait une manière à lui de financer la reconstruction. Au lieu d’emprunter des banques pour rembourser en taxes, le gouvernement émettait de l’argent directement aux marchands, à condition que ces derniers réduisent les prix de ventes en conséquence.

C’était une compensation aux marchands pour une diminution de prix aux consommateurs. C’était financer directement la consommation par un escompte compensé, comme le préconise la technique créditiste.

Il en résulta un essor remarquable de l’industrie et du commerce. Pratiquement pas de chômage en Autriche. Les ouvriers de Vienne vivaient dans des logis modèles. Les taxes furent abaissées à un minimum. Abondance de produits à prix peu élevés.

Voici ce qu’écrivait à cette époque le colonel Repington dans "After the war" :

"Je suis très impressionné en examinant les journaux autrichiens. Ils paraissent détachés et indifférents vis-à-vis des affaires étrangères ; mais ils regorgent de compte-rendus de toutes sortes sur diverses industries qui surgissent dans le pays. J’ai compté vingt-trois pages d’annonces commerciales dans le NEW FREIE PRESSE de dimanche. Des industries nouvelles naissent et d’anciennes se développent. On installe des machines modernes. Les cultivateurs achètent des bêtes de race ayant remporté des prix. On améliore les installations sur les fermes. De la Haute-Autriche comme de la Basse-Autriche, de la Styrie comme du Tyrol, mêmes rapports d’expansion agricole et industrielle. L’Autriche nouvelle s’efforce de se suffire à elle-même, de se rendre indépendante d’importations devenues difficiles à cause des contrôles du change. La nourriture étant trop chère pour le pouvoir d’achat, le gouvernement en abaisse le prix aux consommateurs, comblant lui-même l’écart, surtout pour le pain qui coûte 60 couronnes : l’acheteur ne paie que neuf couronnes et le gouvernement 51."

INTERVENTION DES BANQUIERS

Que firent les maîtres de l’argent de Londres et de Paris en face de résultats aussi remarquables ? Croyez-vous qu’ils dirent :

"Mais c’est merveilleux ! Faisons la même chose en Angleterre et en France !"

Jamais de la vie ! Ils s’écrièrent :

"Cela n’est pas permis ! Une nation vaincue se payer un tel confort, lorsque les nations victorieuses croupissent dans la pauvreté et crèvent de faim ! Il faut arrêter cela immédiatement !"

Et les maîtres de l’argent appliquèrent les vis à l’Autriche. Ils exigèrent le paiement des indemnités de guerre et l’équilibre du budget.

On sait que les indemnités ne peuvent se solder, en définitive, qu’en nature, par l’exportation de produits aux créanciers. Or, les nations victorieuses ne voulaient pas accepter de produits autrichiens : pareille importation eût accentué le chômage de leurs nationaux. Impossible donc de servir les réparations exigées.

L’Autriche dut finalement placer son cas devant la Société des Nations. Le comité des finances de cette institution, composé de messieurs orthodoxes de la trempe de son président, Sir Arthur Selter, recommanda un prêt international à l’Autriche pour qu’elle pût payer ses réparations. Les pays créanciers, au lieu de financer leurs propres citoyens, fournissaient à l’Autriche de l’argent qu’elle leur reversait en intérêt !

Mais en retour de cette faveur, l’Autriche dût ouvrir ses finances nationales à l’inspection et à la surveillance. Elle dût établir une banque centrale d’après un modèle approuvé par les gouverneurs des banques centrales d’Angleterre et de France.

L’Autriche n’eut pas la force de résister à la pression. Ce fut le commencement d’une politique de déflation avec son cortège de privations et de souffrances.

Le New Republic de New-York, dans son édition du 3 décembre 1924 écrivait :

"La Ligue des Nations, à sa dernière assemblée, imposa de sévères restrictions financières au gouvernement autrichien. Ces circonstances ont rendu les conditions de vie en Autriche pires que jamais depuis l’effondrement qui suivit l’armistice."

Le correspondant autrichien de l’Observer écrivait le 15 février 1925 :

"Il est regrettable qu’une nouvelle ère de dépression se soit abattue sur l’Autriche, à tel point qu’on y a enregistré 149 suicides au cours du mois dernier."

Faut-il s’étonner qu’on ait eu l’Anchluss ? L’avènement d’Hitler lui-même, comme celui de Mussolini, furent favorisés par les conditions impossibles auxquelles les financiers acculaient les pays sous leur botte. C’est au cri de

"Plus de réparation ! À bas les financiers étrangers !"

qu’Hitler rallia les Allemands après le chaos de 1923.

La finance ne recule devant rien pour atteindre ses fins. Les ruines, les détresses humaines, l’abrutissement des multitudes — ça ne l’émeut pas.

S’il faut en croire le News Chronicle du 24 février dernier,

"L’un des buts secondaires de la présente guerre est de rendre le monde propice au rétablissement de l’étalon-or."

Pour qui nous battons-nous ?

(Sources d’information : The Social Crediter du 30 mars, résumé d’une causerie donnée à Belfast le 19 mars par William Leech ; The Monopoly of Credit, par C.-H. Douglas, appendice I.)

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