Le problème économique de nos ancêtres, qui ne disposaient que du labeur humain, de la force animale et de quelques outils simples, était de produire assez pour se soutenir. La pauvreté réelle, la disette les menaçait toujours. Depuis le vingtième siècle, avec un continent ouvert, avec les forces de la nature et la science appliquée à notre disposition, le problème immédiat est de trouver le moyen de distribuer une production abondante. La présence de l'abondance réalisée, ou facilement réalisable, devrait conférer à tous les Canadiens les droits politiques suivants dans le domaine économique :
1) Vie — Le droit pour chaque individu de pouvoir se procurer les nécessités de la vie, la nourriture, le vêtement, le logement, sans recourir à la charité publique.
2) Liberté — Le droit pour chaque individu de choisir le genre d'occupation qui lui convient le mieux, au lieu d'être obligé d'accepter tel travail qu'il peut trouver.
3) Poursuite du bonheur — Le droit de chaque individu à des loisirs qu'il serait libre d'employer selon son initiative personnelle, à des activités matérielles, esthétiques, intellectuelles ou spirituelles.
La possibilité de garantir ces droits repose sur la possibilité indéniable de produire aujourd'hui toutes les choses nécessaires à leur accomplissement en n'utilisant qu'une fraction du travail humain disponible.
La démocratie économique (appelée aussi Crédit Social, non pas le système de contrôle et d'espionnage appliqué actuellement en Chine communiste, mais les propositions financières de l'ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas, enseignées par Vers Demain depuis 1939) est un mouvement qui a pour but de permettre au public consommateur de bénéficier de la pleine capacité de production des biens utiles. Le chômage dont le monde souffre aujourd'hui ne résulte pas de la saturation des besoins des consommateurs, ni de l'épuisement des ressources productives, mais uniquement de la non distribution des produits et des services.
La production ne marche que selon les commandes qu'elle reçoit. Les commandes sont conditionnées par le pouvoir d'achat du consommateur. Ce pouvoir d'achat dépend de la monnaie entre les mains des consommateurs qui ont des besoins à satisfaire.
La démocratie économique présente un plan étudié, poli et protégé pour combler en tout temps l'écart entre les prix des produits offerts aux consommateurs et la monnaie entre les mains des consommateurs qui veulent ces produits faits pour eux. C'est donc un système qui n'admet ni l'inflation ni la déflation, mais maintient automatiquement et mathématiquement l'équilibre entre la production et le pouvoir d'achat. Il dompte la monnaie et la met au service de l'homme. Il l'oblige à remplir sa fonction : l'écoulement de la production, la satisfaction du consommateur dans la mesure que permettent les ressources de la nature et de l'industrie.
Outre cet équilibre, la démocratie économique embrasse aussi dans ses propositions, la suppression de l'indigence, la garantie sociale de la sécurité économique de l'individu.
Personne ne niera que le Canada peut produire facilement assez de biens pour fournir une honnête subsistance à tous et à chacun. La possibilité physique existe ; seule la possibilité financière fait défaut. C'est donc que la finance ne sert pas les Canadiens, et c'est là qu'il faut trouver un remède. Comme le remarque Henry Ford, les produits sont là, mais les dollars pour acheter les produits font défaut. Les producteurs de biens s'acquittent de leur rôle, mais les producteurs de dollars remplissent mal le leur. Il y a une technique admirable dans la production, il n'y en a aucune, dans le système monétaire. Le système monétaire, dit toujours le grand industriel américain, est désuet, inefficace, et il est grand temps de le changer.
La monnaie n'est pas la richesse, elle est seulement le titre à la richesse. La richesse vient du travail humain ou mécanique appliqué aux ressources de la nature ; la richesse ne fait pas défaut au Canada, elle pourrait être beaucoup plus abondante, puisqu'il y a beaucoup de travail humain et mécanique non utilisé. La monnaie vient des fabricants de monnaie, et parce qu'elle manque ou n'est pas où elle doit être, les titres à la richesse faisant défaut, la richesse ne s'écoule pas, la production arrête, la pauvreté règne au sein du Canada, elle pourrait être beaucoup plus abondante, puisqu'il y a beaucoup de travail humain et mécanique non utilisé. La monnaie vient des fabricants de monnaie, et parce qu'elle manque ou n'est pas où elle doit être, les titres à la richesse faisant défaut, la richesse ne s'écoule pas, la production arrête, la pauvreté règne au sein de l'abondance.
La monnaie se compose de pièces métalliques, de billets de banque et de crédits ou dépôts bancaires mis en circulation par le chèque. Aujourd'hui le chèque répond de plus des 95 pour cent des transactions commerciales. Le chèque déplace simplement les crédits dans les livres des banques.
Les dépôts dans les banques forment donc le gros de la circulation monétaire. Ces dépôts ont leur origine dans les crédits accordés par les banques, sous forme de prêts, d'escomptes, de découverts ou d'achats d'obligations. Les banques sont les créatrices de la monnaie. Mais elles détruisent cette monnaie par le rappel des prêts, la compression des
Les dépôts dans les banques forment donc le gros de la circulation monétaire. Ces dépôts ont leur origine dans les crédits accordés par les banques, sous forme de prêts, d'escomptes, de découverts ou d'achats d'obligations. Les banques sont les créatrices de la monnaie. Mais elles détruisent cette monnaie par le rappel des prêts, la compression des découverts. Si la fabrication va plus vite que la destruction, la monnaie en circulation augmente ; si la destruction va plus vite que la fabrication, la masse monétaire diminue. Il n'y a pas équilibre entre la production et la monnaie, parce que les banques ne visent pas l'équilibre, mais leur profit particulier.
De plus, les avances se font à la production, mais le flot de monnaie de la production à la consommation ne va pas aussi vite que la facture des prix qui, elle, marche au rythme de la production.
Il est impossible pour quiconque, si bien intentionné soit-il, de gérer le système monétaire actuel en accord avec les besoins du public et la capacité de production à satisfaire ces besoins.
La nationalisation des banques ne corrigerait rien, par elle-même. Le changement de contrôleur ne suffit pas, il faut changer la politique qui préside au contrôle ; autrement dit, il faut que le contrôle poursuive une autre fin, qu'il cherche l'équilibre constant entre les prix et le pouvoir d'achat.
La. monnaie ne peut être contrôlée socialement, selon les faits de la production et de la consommation du pays, que sur un palier national, que d'après une comptabilité nationale. Il faut donc de toute nécessité un corps monétaire national, comme on a un corps judiciaire pour administrer la justice.
Les banques privées peuvent continuer leurs opérations en vue de profits, en retour de services rendus, mais ne doivent plus avoir le droit d'augmenter ou de comprimer la masse monétaire. Cette fonction doit relever exclusivement du corps monétaire national, de l'Office de Crédit National.
L'Office de Crédit National relève les faits de la production et de la consommation et agit en conséquence pour émettre la monnaie de façon à ce que toute la production s'écoule tant qu'elle répond à des besoins. Il jouit de tous les pouvoirs pour atteindre cette fin dont il est responsable devant la nation.
La technique proposée pour atteindre la double fin du Crédit Social —équilibre des prix et du pouvoir d'achat, et abolition de l'indigence — comprend deux modes de distribution de nouvelle monnaie : l'escompte compensé et le dividende.
L'escompte compensé a pour but d'équilibrer les prix et le pouvoir d'achat en créant et distribuant la monnaie sans inflation. La monnaie de l'escompte compensé finance un abaissement du prix en faveur du consommateur.
Si la production disponible est de 12 milliards et le pouvoir d'achat qui lui fait face de 9 milliards seulement, l'Office de Crédit National décrète un abaissement de tous les prix de 25 pour cent, un escompte sur tous les produits lors de leur vente au consommateur ultime. C'est abaisser les prix au niveau du pouvoir d'achat. L'escompte est compensé au marchand détaillant, c'est-à-dire que l'Office de Crédit lui fournit la monnaie qu'il a sacrifiée par l'escompte. Cette monnaie est créée par l'Office de Crédit exactement de la même manière que la monnaie de banque d'aujourd'hui. Cette nouvelle monnaie favorise en réalité le consommateur, mais à la condition qu'il achète ; elle va au marchand à la condition que la vente ait été faite. C'est une monnaie qui écoule la production en abaissant le prix et satisfait tout le monde : l'acheteur, le vendeur et le producteur qui ne demande pas mieux qu'à écouler sa production.
Le dividende national, comme son nom l'implique, est la distribution d'un dividende, d'une somme d'argent représentant un surplus ou le revenu d'un capital, à tous les membres de la société — donc à chaque homme, femme et enfant du Canada.
Ce, dividende est fondé sur l'existence de l'héritage culturel, ou capital social appartenant à tout le monde, capital consistant dans les découvertes et inventions de la science. Ce capital prend une part de plus en plus grande dans la production, tandis que le labeur humain y prend une part de plus en plus petite. Le travail doit être récompensé, mais le capital aussi, même le capital social. Nous sommes tous héritiers des accumulations des générations passées, tous capitalistes, et tous nous avons droit au moins à un dividende suffisant pour nous soustraire à l'indigence.
Pour comprendre la possibilité de l'application du régime monétaire préconisé par le Crédit Social, il ne faut pas perdre de vue que le monde est entré dans l'ère de l'abondance ; que, s'il y a des pauvres, ce n'est pas parce qu'il y a des riches, mais parce que l'abondance n'est pas distribuée. Il n'est donc aucunement besoin de dévaliser les riches en faveur des pauvres, il suffit de mettre de- la technique dans le système monétaire, de ne pas se contenter de dire que la monnaie est faite pour l'homme, mais d'établir un système qui la met, nécessairement au service de l'homme, de tous les hommes.