L’intérêt

Louis Even le samedi, 01 mars 1941. Dans Crédit Social

Dans le Syllabaire du Crédit Social, page 11, on lit :

Par les taxes, le gouvernement va retirer du pays autant d'argent qu'il y a mis, 80 millions. Il faut qu'en plus il retire 3 millions qui n'y ont pas été mis, qui n'ont pas été faits par le banquier, que personne n'a faits. Passe encore que le gouvernement trouve de l'argent qui existe, mais comment trouver de l'argent qui n'est jamais venu en existence ?

Sur quoi un de nos abonnés nous pose cette question :

"Les 3 millions ne sont-ils pas mis en circulation par le banquier lui-même, en payant son personnel, en construisant ses bâtisses, etc. ? »

Le Syllabaire est forcément un résumé. La question de l'intérêt, à elle seule, exigerait presque un livre. Nous lui consacrerons un article dans Vers Demain, probablement dans le numéro du 1er avril. Pour aujourd'hui, à la remarque du correspondant, nous ferons seulement ces quelques brèves réflexions :

Le banquier ne remet pas TOUT l'intérêt en circulation. Il accumule des réserves non distribuées.

Une partie de l'intérêt s'en va à des actionnaires qui ne s'en servent pas comme pouvoir d'achat, mais qui acquièrent des actions industrielles, forment des monopoles et contrôlent les prix d'achat à un bout, les prix de vente à l'autre bout, diminuant ainsi le pouvoir d'achat de l'argent qui reste en circulation.

Le total de l'argent en circulation dans le pays, à un moment quelconque, est de beaucoup inférieur à la dette accumulée par les prêts à intérêt non remboursables. Actuellement, 3 milliards en circulation, avec une dette publique de 8 milliards et des dettes privées de plus de 10 milliards. Comment rembourser 18 milliards avec 3 milliards tout en conservant assez d'argent en circulation pour continuer les échanges ?

Comment, sous le système actuel, obtenir une augmentation d'argent, sans que ce soit immédiatement une dette plus grosse que l'argent obtenu ?

À qui fera-t-on croire que, pour le service de sa banque, le banquier distribue autant d'argent qu'il en réclame pour l'intérêt ?

À qui, par exemple, fera-t-on croire que le pont Jacques-Cartier, qui a coûté 19 millions, exige de la part du banquier 38 millions de dépenses pour tenir la comptabilité des 19 millions empruntés ? Deux fois plus d'argent pour les frais de comptabilité du pont que pour la construction du pont !

Il reste que le banquier fait le capital et qu'il ne fait pas l'intérêt. Il faut donc lui servir l'intérêt à coup de tranches de capital dont les termes d'entrée à la banque sont bien fixés et dont les termes de sortie ne le sont pas du tout. Les résultats prouvent assez que la rentrée à la banque des intérêts extraits de la circulation n'est point du tout compensée par les distributions de ces intérêts à la circulation.

Mais, encore une fois, le sujet est fécond, et nous y reviendrons.


"La démocratie n'a pas d'ennemi plus persistant ou plus insidieux que les puissances d'argent... Cet ennemi est formidable, parce qu'il opère secrètement, par persuasion ou par tromperie, plutôt que par force, et de cette manière prend les hommes par surprise." (Lord Bryce, Les démocraties modernes)

"La direction des affaires n'est aux mains que d'un petit nombre, et ceux qui croient gouverner sont rarement ceux qui gouvernent." (Disraéli, premier-ministre d'Angleterre)

Derrière les princes et les ministres, figurants chamarrés et loquaces, se dissimule la cohorte discrète et anonyme de ceux dont les incessantes intrigues trament le destin des peuples.

Louis Even

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