L’argent est donc surtout de l’argent de comptabilité. Il y en a plus ou moins, selon que les comptes de banque sont plus ou moins gros.
Les comptes de banque sont faits de deux manières : en petit, par les épargnants ; en gros, par les banquiers eux-mêmes.
J’épargne trois dollars. Je les apporte à la banque. Le banquier les place dans son tiroir. Puis il prend son livre, cherche mon compte et ajoute trois dollars à mon crédit.
Je sors de la banque avec trois dollars de moins dans ma poche et trois dollars de plus dans mon compte de banque.
J’ai simplement changé de l’argent de place, et j’ai changé trois dollars d’argent de poche pour trois dollars de comptabilité.
Ce n’est pas une création d’argent, mais une simple transformation.
Je me sers de ce compte de banque par chèques. Cet argent de comptabilité est aussi bon que quand c’était de l’argent de papier. Il est même plus sûr : personne ne peut me le voler.
Je ne suis plus un épargnant, mais un emprunteur. Je voudrais $50,000 pour construire une usine et l’outiller.
Je vais à la banque faire ma demande. Le banquier examine mon compte, mes garanties, me demande des gages, peut-être un endosseur, me fait signer des papiers et m’accorde le prêt.
Il ne me passe pas $50,000 en papier, mais il prend son livre, cherche mon compte, ou m’en ouvre un, et place encore à mon crédit $50,000, tout comme si je les avais apportés. Je ne les ai pas apportés, mais ils sont tout de même inscrits dans mon compte.
Qui a fait ce compte de banque de $50,000 ? Pas moi, assurément, puisque je n’avais pas d’argent. C’est le banquier lui-même.
Où le banquier a-t-il pris cet argent pour le déposer dans mon compte ? Il ne prend rien dans sa poche, rien dans son tiroir, rien dans le compte de personne, et il grossit quand même mon compte de $50,000.
Où était cet argent quand je suis entré à la banque ? Il n’existait pas. Où est-il maintenant ? Dans mon compte. Il existe maintenant, parce que le banquier l’a mis au monde en écrivant $50,000 à mon crédit.
Ce n’est plus un déplacement d’argent ; ce n’est plus une transformation d’argent. C’est une création d’argent par le banquier, sous forme d’argent de comptabilité.
Personne autre que le banquier ne peut ainsi faire de l’argent avec sa plume et une goutte d’encre.
L’argent prend donc naissance dans la banque, sous forme d’argent de comptabilité.
C’est cet argent-là, comme nous l’avons vu, qui fait marcher l’argent de poche, parce qu’il fait marcher le commerce, l’industrie, le travail.
Si le banquier fait beaucoup de cet argent de comptabilité et qu’il n’en détruit pas autant, la quantité d’argent augmente, les affaires sont bonnes.
Si le banquier détruit plus de cet argent qu’il en fait, la quantité d’argent diminue, les affaires sont mauvaises.
Le banquier peut trouver des raisons pour faire plus ou moins d’argent. Il reste tout de même que c’est sa plume qui fabrique le principal argent du pays et que le volume de l’argent du pays dépend des actes du banquier.
D’où vient l’argent ? De la plume du banquier.
Où va l’argent et que devient-il ? Prochaine causerie.
1940_02_No8_P_006.doc