‘‘J’en sais assez’’

Louis Even le samedi, 01 février 1941. Dans Le Crédit Social enseigné par Louis Even

Vous est-il arrivé, en sollicitant le réabonnement d'un voisin, d'un ami, d'un concitoyen, d'entendre cette réponse : "Je ne me réabonne pas. Je n'en ai pas besoin. J'en sais assez sur le Crédit Social et je voterai aux prochaines élections pour le candidat qui le placera dans son programme. Donc, merci."

Cela vous a fait penser, sans doute, à ces chrétiens qui répondraient à leur curé : "Écouter des sermons, étudier ma religion, lire des livres qui en parlent, je n'ai pas besoin de cela. J'en sais assez pour savoir que la religion catholique est la vraie. Je suis pour elle. Donc, merci de vos sermons du dimanche et de toutes les lectures auxquelles vous m'invitez."

Ce catholique-là vit-il sa religion ? L'apprécie-t-il à sa juste valeur lorsqu'il ne se soucie aucunement d'en approfondir la doctrine ? Et s'il avait à choisir entre cacher sa foi ou subir la perte d'une position, serait-il bien solide, lui qui préfère une joute de hockey à une lecture religieuse ?

De même, le créditiste qui se dit assez savant pour se passer d'étude est-il si bien renseigné qu'il pourra résister aux arguments des adversaires, aux tentations des clans organisés ? Pense-t-il qu'il va mériter un dividende, la sécurité économique, rien qu'en faisant une croix au crayon sur une feuille de papier ? Croit-il qu'il est créditiste lorsqu'il laisse le mouvement sans aucun appui de sa part ? N'a-t-il étudié que juste assez pour satisfaire sa propre curiosité intellectuelle, et est-ce créditiste, cela ? est-ce social ?

L'expérience a d'ailleurs démontré ce que valent ces adhésions, sincères au moment où elles s'expriment, mais insuffisamment nourries pour faire face aux courants habilement déchaînés par des maîtres dans l'art de manipuler les foules en temps d'élection.

Jamais, non plus, la réforme ne sera faite, ni l'organisme maintenu dans l'ordre, par une simple action électorale transitoire.

Les véritables amis d'une cause n'hésitent pas une minute à se maintenir en contact constant avec elle, tant avec sa doctrine qu'avec son développement, par l'organe qui la prêche et la soutient.

Qu'on nous permette de signaler ici le beau geste du curé de Charlesbourg, l'abbé A. Godbout, qui, dès la mention de réabonnement par un membre de l'Institut la semaine dernière, se hâta de sortir un billet de $5.00, l'offrant tout entier, de bon cœur, pour VERS DEMAIN et son œuvre.

Sans nous étendre davantage sur ce sujet, terminons par une demi-douzaine de simples réflexions :

1. Dès qu'on cesse de se nourrir de la sève d'une doctrine, on devient, vis-à-vis de cette doctrine une branche sèche facile à casser.

2. En face d'une opposition forte, bien retranchée et bien financée, le Crédit Social ne s'imposera jamais sans une presse puissante à son service.

3. Cette presse, représentée aujourd'hui par le journal VERS DEMAIN, ne deviendra puissante qu'avec les concours additionnés de ses lecteurs actuels et des abonnés nouveaux gagnés par la propagande.

4. À la différence des partis politiques, financés par des bailleurs de fonds intéressés, le mouvement créditiste n'a pour faire les frais de son développement que la différence entre les recettes et les dépenses de son journal.

5. Le dollar de l'abonné sert à payer l'imprimeur, à payer le bureau de poste et à soutenir la propagande.

6. Celui donc qui se dit créditiste sans s'abonner au journal ne fait rien pour le mouvement. Il n'aide pas à bâtir une presse puissante. Il n'aide pas à étendre la propagande. Sur quoi compte-t-il pour obtenir le Crédit Social ? Il se trompe lui-même, il ne connaît pas la doctrine créditiste qui en est une toute de collaboration, de coopération, d'association des efforts et des sacrifices pour un résultat social.

Louis Even

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