En Alberta

Louis Even le jeudi, 15 mai 1941. Dans L'expérience albertaine Aberhart

Le Programme Intérimaire continue en Alberta ; suivant les lignes que nous avons déjà expliquées.

L'Albertain qui se sert de la comptabilité mise à sa disposition par son gouvernement, au lieu de l'argent et de la comptabilité des banques, pour acheter la marchandise portant la marque de sa province, reçoit de son gouvernement chaque mois un boni, une ristourne de 5 pour cent.

À Montréal, chaque fois que vous achetez $500, vous payez $20 de taxe de vente. À Edmonton, quand vous achetez pour $500 de marchandises, vous ne payez pas de taxes de vente, mais le gouvernement, au contraire, vous donne $25 de boni.

Voilà une coopérative intéressante. Elle assure 5 pour cent de ristourne, avec pas d'autre capital dans la coopérative que votre bonne volonté, que votre préférence donnée à un gouvernement qui vous sert, sur la banque qui vous endette.

L'adversaire a compris l'importance de ce mécanisme financier qui lui fait concurrence et va le chasser peu à peu de la province. Aussi met-il tout en œuvre pour faire opposition.

Lorsque le gouvernement a établi la nouvelle étape au commencement de cette année, il s'était assuré la collaboration des producteurs et des marchands en gros, pour fournir de marchandises marquées les détaillants qui acceptent les certificats de transferts de crédit.

Or, après avoir promis leur collaboration, certains producteurs et certains grossistes ont changé d'idée, ou plutôt ont écouté la voix des banquiers. Sans doute les banquiers ont-ils fait jouer leur domination de créanciers.

Le refus de coopération de certains gros bonnets n'arrête pas le gouvernement créditiste dans son travail d'émancipation. Plusieurs consommateurs veulent utiliser le système de transferts, mais ne peuvent rencontrer l'autre condition du bonus — l'achat de produits identifiés — parce que leurs détaillants ne peuvent en obtenir devant la mauvaise volonté de leurs fournisseurs en gros. Pour les dédommager en partie et garder leur appui, le gouvernement vient d'annoncer que l'utilisation de leurs transferts pour d'autres produits leur donnera tout de même un certain boni, fixé à 2 pour cent.

De cette manière, Aberhart encourage l'utilisation du mécanisme financier libre même en face de l'opposition organisée. Et les consommateurs, en retour, continuent de se servir des transferts et font pression partout où ils peuvent pour obtenir des produits identifiés, afin d'avoir leur plein boni de 5 pour cent.

Il se fait une lutte, comme on voit, en Alberta. Pas une lutte de période électorale seulement, mais une lutte de tous les jours. Lorsque la pluralité des Albertains se sera ralliée dans la pratique au mécanisme financier du gouvernement et aura délaissé celui des banques, les banques s'en iront d'elles-mêmes, avec leur charte fédérale, et le gouvernement provincial aura le champ libre, avec un peuple tout entier derrière lui, faisant confiance au mécanisme d'échange libre de dettes et producteur de dividendes.

C'est donc une éducation pratique à faire et qui prendra plus ou moins de temps, selon que le peuple lui-même voudra. Le gouvernement au moins fait sa part. Le trésorier provincial estime qu'il faudra environ cinq années pour un triomphe définitif.

Chez nous, dans la province de Québec, l'éducation créditiste se fait, et se fait à fond, avant le vote politique. Le gouvernement n'aide pas, et les créditistes sauront quoi faire avec les valets des banquiers. Lorsque l'éducation sera à point — et ça viendra avant cinq ans — c'est le Crédit Social dans toute sa splendeur qu'on aura de plain-pied dans la province de Québec.

Un exemple d'obstruction au programme intérimaire a été donné par M. Low dans le cas des manufacturiers de sucre. Ces messieurs avaient promis leur coopération à condition que les fermiers qui cultivent la betterave à sucre accepteraient eux-mêmes les certificats de transfert de crédit. Après que l'association des producteurs de betteraves eut accepté, par un vote de plus de 80 pour cent, les fabricants de sucre refusèrent de tenir leur promesse.

Promesses de trustards et promesses de politiciens de partis, ça se ressemble bien. Nous suivons attentivement ce qui se passe là-bas. L'expérience est instructive et, lorsque le moment sera venu dans la province de Québec, ou saura sur quel ton parler aux sans-cœur qui se moquent du peuple aujourd'hui.

Louis EVEN

Louis Even

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