De Québec à Edmonton

Louis Even le dimanche, 01 décembre 1940. Dans Crédit Social

Vus allez à Québec (ou à Montréal) ; vous achetez pour $500 de meubles, habits, instruments, appareils électriques, etc. Vous payez $500 au marchand, et en plus $20 de taxe de vente qui seront répartis entre le gouvernement provincial et la ville.

Voilà un fait indiscutable, que ne nieront pas les plus rouges de nos politiciens, ni les plus fervents adorateurs du veau d'or. En voici un autre, non moins irréfutable, mais moins connu, grâce au silence conspirateur imposé à nos journaux par la con­signe qui conditionne leur droit de vivre.

Vous êtes à Calgary (ou ailleurs en Alberta) ; vous achetez la même marchandise, pour le même prix, $500. Vous payez en­core $500 au marchand. Mais vous n'avez point de taxe de vente ajoutée à votre facture. Mieux que cela, au bout du mois, le gou­vernement vous remettra un boni de $15 si votre achat est con­forme à certaines conditions.

Voilà ce qu'exprime la gravure ci-annexée.

Pour ce qui est de Calgary, on a présenté sur un même docu­ment le montant de la marchandise et le boni d'achat. Ce n'est pas tout à fait comme cela que ça se passe dans la réalité. La facture $500 reste complète ; le boni vient au bout du mois sous forme de ristourne par le gouvernement. C'est pour simplifier le dessin qu'on a joint les deux opérations, parce que le résultat est exactement le même : vous obtenez $500 de marchandises, qui ne vous coûtent en définitive que $485.

Pour ce qui est de Québec, les deux opérations ont lieu en même temps : paiement de la marchandise et versement de la taxe. La marchandise vous coûte $500 et vous payez immédiate­ment $520.

Entre $485 et $52Q, il y a une différence, de $35. Ces $35, sur un montant de $500, c'est du sept pour cent, qui marque la dif­férence entre ce qu'un gouvernement de valets impose à un peuple ignorant qu'on exploite, et ce qu'un gouvernement conscient de ses responsabilités offre à un peuple éclairé qui l'appuie dans la lutte contre les exploiteurs d'hommes.

Le 4 pour cent que vous donnez au gouvernement à Québec ne vous rapporte pas grand'chose : un peu de graisse pour des fa­voris peut-être, un hommage tangible à maître Banco.

Le 3 pour cent que verse le gouvernement d'Edmonton ne vient point de la poche des contribuables. Il sort bel et bien de la bouteille d'encre dont les créditistes ont appris le secret. Les Al­bertains délaissent simplement l'encrier d'où les chiffres sortaient à l'état de dette, pour l'encrier d'où les chiffres sortent à l'état de cadeau.

La marchandise est aussi bonne, l'acheteur peut s'en pro­curer davantage ; le marchand ne pleure pas, le producteur non plus.

Cela pourrait-il fonctionner chez nous ? Certainement, pour­vu qu'on lâche les couleurs pour la réalité.

Les conditions qui accompagneraient les achats pour avoir le boni seraient à peu près les suivantes : achat avec des chiffres consignés dans un livret, plutôt qu'avec des dollars volables et contaminables qu'on passe d'une poche à l'autre ; moins de beurre de Nouvelle-Zélande et un peu plus de beurre de la province de Québec ; moins de petits pois d'Ontario, et un peu plus des bons petits pois de nos habitants ; moins de pommes de la Colombie-Britannique, et un peu plus de nos Fameuses et de nos MacIntosh ; moins de pacotille japonaise ou allemande écoulée par les fils d'Abraham, et un peu plus de la bonne production de la province de Québec.

Et il y a encore des taupes qui ne comprennent rien au Cré­dit Social.

Louis Even

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