De nouveaux diplômés de la Démocratie Économique

le jeudi, 01 août 2024. Dans Crédit Social

à l’Université catholique d’Afrique centrale à Yaoundé

La Démocratie Économique a maintenant ses premiers diplômés en Afrique, En effet, la solution de l'ingénieur écossais Clifford Hugh Douglas, prêchée ensuite par Louis Even et la revue Vers Demain, est enseignée dans plusieurs institutions scolaires africaines, et incluse dans le programme académique au campus Ekounou de l'Université Catholique d'Afrique Centrale (UCAC) à Yaoundé au Cameroun, sous la direction de l'abbé Clément Aboudi. La première expérience s'est faite avec un groupe de 12 participants, suivent 4 autres groupes maintenant à l'étude, plus de 150 étudiants. La remise des diplômes a eu lieu le 19 mars dernier, il y eut beaucoup de joie et d'enthousiasme. Le discours de l'abbé Clément, qui suit, nous montre son excellente compréhension et son emballement.

par l'Abbé Clément Nola Aboudi, Vice-Doyen de la faculté de sciences juridiques et politiques et Administrateur du campus

L’abbé Clément Aboudi entouré de plusieurs des nouveaux diplômés.L’abbé Clément Aboudi (au centre) entouré de plusieurs des nouveaux diplômés.

En présence du délégué du Recteur, la cérémonie de remise des diplômes de 12 apprenants de l'Institut Louis Even, devant une foule d'étudiants de nationalités diverses (Cameroun, Centrafrique, Gabon, Tchad, Guinée Equatoriale, Congo) a été une cérémonie providentielle. Ce qui était considéré par certains comme un rêve est devenu une réalité. Les attestations ont été remises après une formation de plus d'un an. L'occasion s'avère idéale pour remercier d'emblée la présidente, Mlle Caya, M. Alain Pilote notre formateur et accompagnateur, et M. Philbert Bagilimana, organisateur. Nous présenterons le contexte mondial de cette formation et les enjeux importants qui s'imposent à réceptionner la démocratie économique comme l'une des rares recettes authentiques susceptible d'éclairer l'Afrique, comme une boussole sur le chemin de la justice sociale et le développement intégral.

Depuis la seconde moitié de la première décennie du XXIème siècle, la question du développement est devenue, dans la plupart des pays africains, un véritable creuset pour la définition de la stratégie pour sortir de la pauvreté. À la faveur du retour à une croissance régulière, en moyenne supérieure au taux de croissance de la population, un nouvel espoir est né, celui de réaliser en moins de vingt ans ce qui n'a pas été possible en cinquante ans.

 L'Afrique, jadis perçue comme le continent du désespoir, le continent de la faim et de la guerre semble renaître de ses cendres. L'Afrique est désormais perçue par certains esprits objectifs comme un continent « plein d'espoir ». Les enjeux stratégiques, géo-économiques, géo-politiques et géo-stratégiques de l'heure montrent que l'Afrique, malgré sa pauvreté apparente est non seulement appauvrie, mais demeure à plus d'un titre le berceau et le grenier de l'humanité en matière de ressources. L'Afrique est riche en capital humain de qualité, en trésors, en valeurs, en savoirs et en richesses, mais elle manque considérablement d'argent. Entre celui qui a des richesses et celui qui a l'argent, qui est le plus riche ?  La claire vision de l'Institut Louis Even trouve sa place à ce niveau pour sortir les africains de l'ignorance et d'une mentalité magique et superstitieuse sur la richesse.

Les perceptions qui déterminent pourtant l'évaluation du niveau d'attractivité de l'Afrique comme espace concurrentiel et compétitif d'accueil d'investissements à la fois rentables et porteurs de développement ont en commun d'être généralement exogènes à l'Afrique, exprimées par des experts internationaux citoyens du monde certes, mais éventuellement seulement de manière résiduelle citoyens d'Afrique.

Au regard de tout ce qui précède, l'Institut Louis Even, en collaboration avec l'UCAC, veut porter une réflexion planétaire sur l'impact de la démocratie économique sur le développement et la lutte contre la pauvreté.

Ce thème est placé au cœur de tous les problèmes de développement que rencontre l'Afrique. D'ailleurs, Serge Zeller affirmait : « Qui se risque dans une gouvernance hétéroclite, périclite sa cohérence dans le multirisque ». Le succès dans la gouvernance en général, communément appelé bonne gouvernance, dépend en partie de la vision politique et de la qualité des hommes ou la moralité des hommes qui dirigent les institutions. Au constat des tergiversations et titubations des Etats en Afrique subsaharienne, dont le Cameroun ; et au souvenir de l'affirmation de Jean Jacques Rousseau qui en 1743 dans le projet d'un traité sur « les institutions politiques » écrivait : « J'avais vu que tout tenait radicalement à la politique et que, de quelque façon qu'on s'y prit, aucun peuple ne serait jamais que ce que la nature de son gouvernement le ferait être ». En d'autres termes, la physionomie du continent africain ne serait que la photocopie de l'idéologie de ses gouvernants. Il s'agit de parler de démocratie, de démocratie procédurale, de démocratie substantielle pour arriver à ce concept pionnier de démocratie économique avec tout ce que cela comporte comme bagage éthique. Dans le même sillage, les évêques de la CEREAO (Conférence épiscopale régionale de l'Afrique de l'Ouest ) estime que : « démolir l'éthique est un crime contre l'humanité ».

Au regard des inégalités sociales, de la pauvreté en face de l'abondance, de l'endettement, de l'angoisse, de l'anxiété qui ne cessent de s'accentuer et les familles qui vivent des jours de plus en plus difficiles ; l'Institut Louis Even pour la justice sociale, établi au Canada a pris l'initiative d'enseigner le peuple et de le former aux grands principes de la Démocratie Économique pour que l'être humain retrouve sa dignité, la joie de vivre et participe à la construction d'une justice sociale. Nous sommes tous interpellés par la misère et la pauvreté récurrentes des peuples. Comment comprendre que l'on manque du nécessaire sur une terre plantureuse ?

Le droit au développement et le droit d'être à l'abri d'un complet dénuement sont deux droits indivisibles et interdépendants. Il y a donc une relation intime entre le droit au développement et le droit à une vie décente. Saint Thomas n'a-t-il pas indiqué la nécessité d'une suffisance de biens matériels pour pouvoir pratiquer la vertu ? Et le Pape Pie XII dira ce 14 mai 1953 : « L'usage des biens temporels est nécessaire à l'exercice des vertus et, par conséquent, pour conduire, sur terre, une vie chrétienne digne de l'homme ». Cela ne veut pas dire que le seul fait de posséder une suffisance de biens matériels rend l'homme vertueux. Il lui reste justement à s'exercer à la pratique de la vertu. Mais l'absence du préalable, le début de conditionnement matériel, crée un obstacle qu'il appartient à l'organisme économique et social d'écarter.

La nécessité d'une promotion des ressources humaines par l'Église s'est exprimée ainsi : « À tous les acteurs, nous voulons rappeler que le principal acteur du développement, c'est l'homme. La véritable richesse d'une nation ce sont les hommes, mais l'Afrique ne sait pas valoriser ses ressources ». Conscients de tout cela, cette cérémonie, supervisée par M.Philbert dans ses coins et recoins, vise à mettre l'homme et sa dignité au cœur de tout développement et d'harmoniser la question du travail au sens subjectif et objectif.

Par ailleurs, Paul VI affirmait déjà que « le développement est le nouveau nom de la paix ». Cela signifie que le développement ne peut se construire sur des conflits, la perversion des institutions bancaires, le poids effroyable de la dette, la dénaturation de l'environnement, les multiples discriminations et la corruption institutionnalisée. Il requiert une économie au service de l'homme et de tout homme, le respect de la subsidiarité, l'amour préférentiel pour les pauvres, la solidarité, le bien commun, la justice, le respect de la dignité de la personne et de ses droits. Mais cela signifie aussi que le développement est source de justice sociale, de paix, car là où règne la prospérité pour tous et où les ressources sont équitablement réparties, là fleurissent la paix et l'entente entre tous.

En définitive, parlant encore de la Démocratie Économique, nous sommes conviés à revisiter l'enseignement de l'ingénieur Ecossais Clifford Hugh Douglas (1879-1952) qui a pensé et théorisé les propositions financières sur la démocratie économique. Cet enseignement reste d'actualité aujourd'hui pour une justice sociale mondiale qui assure le pouvoir d'achat aux consommateurs. Dans le même sens, les jeunes Africains doivent sortir de la logique de la divinisation de l'argent et la quête de « l'argent à tout prix et par tous les moyens ». L'argent seul fait-il le bonheur ? Un adage populaire ne dit-il pas que : « L'argent est un bon serviteur, mais un mauvais maître ? » L'argent ne sert-il pas à la création d'un minimum d'ordre pour la circulation des personnes et des biens ?

Subséquemment, Louis Even, dans la spiritualité de son œuvre, a insisté avant le concile Vatican II sur la vocation et la mission des laïcs dans le monde et leur capacité à transformer l'ordre temporel. C'est dire que les diplômes ne sont aucunement une fin en soi, mais un outillage et un réarmement moral des apprenants pour un engagement social susceptible de provoquer une conversion sociale. La Démocratie Économique ouvre une porte qui donne sur la vision d'une civilisation plus humaine, si par civilisation on peut signifier les relations des hommes entre eux et des conditions de vie facilitant à chacun l'épanouissement de sa personnalité. En nous adossant sur les valeurs et les principes de l'enseignement social de l'Église, le Crédit social, tel qu'enseigné par Alain Pilote est une valeur atemporelle qu'il faut faire connaître dans nos communautés pour une Afrique à dépanner.

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